4.2. Quoi exécuter pour opérer

Le repère « Quoi exécuter pour opérer » fait appel à la gestion des opérations courantes et au maintien de la santé du projet dans le temps. Des ajustements réguliers sont à faire sur le plan des prévisions financières, de la gestion des ressources humaines, des relations avec la clientèle ou les bénéficiaires et de différents événements propres à la vie de votre organisation. Ce repère dans l’exécution invite à réfléchir et à revoir certaines des pratiques de gestion qui avaient été pensées pour le lancement du projet. Après ces premiers temps de gestion, le moment est venu de se questionner sur le fonctionnement de l’organisation dans sa vision de maintien et de développement.

Bien que cela varie d’un projet à l’autre, ce regard sur la gestion en cours se fait, entre autres, par l’évaluation de la satisfaction des personnes qui travaillent sur le projet ou qui y collaborent. Il se fait aussi auprès de la clientèle ou des bénéficiaires, par une attention de l’adéquation entre la proposition de valeur et l’expérience de la clientèle. Il s’agit de veiller à l’évolution du marché et le maintien d’une culture d’organisation à l’image de vos valeurs.

 

4.2.1. Notions de base

Votre organisation est maintenant un milieu vivant qui génère son propre lot d’activités et de mouvements, en interactions multiples avec toutes les personnes concernées par le projet (équipes de travail, partenaires, clientèle, fournisseurs, personnes ou organisations collaboratrices, etc.). La vie inhérente à ce que vous avez entrepris à partir de votre idée amène sa part d’événements et de rythmes sociaux. Le tout est influencé par des contextes économique, culturel, politique et environnemental. Votre organisation et vous devez donc composer avec cela dans la gestion, tant sur le plan interne qu’externe.

Un certain nombre de décisions doivent régulièrement être prises pour assurer la santé et la vitalité du projet. Cela peut concerner le projet dans son ensemble ou certaines composantes en particulier. Si nécessaire, certaines manières de faire dans le projet doivent être adaptées. Parfois, c’est même le modèle d’affaires qui doit être ajusté, tout en restant connecté à sa raison d’être. Ces décisions peuvent avoir un impact sur d’autres composantes du projet qui doit être évalué. Le sens, en interaction avec d’autres, doit toujours guider la prise de décision, comme l’Étoile du Nord!

Une veille est donc de mise pour collecter l’information et pour observer ce qu’il se passe à l’intérieur et à l’extérieur de votre organisation en réponse aux effets des actions mises en œuvre par vous et les autres autour de vous. L’observation, en dialogue avec ce qui avait été pensé comme modèle d’affaires, permet d’identifier les ajustements à apporter pour optimiser le déroulement des opérations courantes, pour développer ou maintenir une culture d’organisation fidèle à vos valeurs et pour conserver la dimension distinctive de votre produit ou de votre service dans son marché. C’est aussi cette veille qui permet d’autres explorations à partir du projet et de potentiellement faire évoluer le modèle d’affaires vers le développement d’autres segments de clientèle ou de bénéficiaires et d’activités. De manière générale, il s’agit donc de prendre soin de tous les éléments qui génèrent de la valeur dans votre projet : ceux qui appartiennent à la chaîne de valeurs de votre produit ou de votre service dans sa forme actuelle et ceux qui sont porteurs d’occasions de génération de valeurs nouvelles.

La connaissance acquise à travers l’expérience de votre projet permet de vous projeter, de planifier et d’exécuter avec plus de justesse. Cela se traduit tant sur le plan des prévisions financières, des ressources humaines que des cycles de création, de production, de vente et de livraison liés à votre modèle d’affaires. Les dimensions administrative, comptable et logistique font aussi partie de cette gestion des opérations quotidiennes. L’aménagement de vos espaces de travail et de vos locaux ainsi que l’inventaire et la gestion des infrastructures sont autant de lieux qui peuvent nécessiter une attention pour la vie du quotidien selon votre modèle d’affaires. C’est à vous de penser, d’explorer et de mettre en place les processus, les politiques et les méthodes, fidèles à votre style de gestion, qui vont garantir le bon fonctionnement des activités en lien avec la nature et le sens de votre projet !

 

Explorez le Chapitre 5 pour en apprendre plus et pour réfléchir sur les manières d’aller à la rencontre des autres dans le contexte de votre projet.

 

4.2.2. Questionnements pour votre projet

Voici des points d’attention proposés, avec les questionnements correspondants, pour bien réfléchir à la gestion courante et au maintien de la santé de votre projet.

 

 

FIERTÉ, VIABILITÉ ET MOTIVATION

À la lumière de cette réflexion :

  1. L’organisation à laquelle vous appartenez offre-t-elle un produit ou un service qui vous procure de la fierté ?
  2. Est-ce que des éléments de votre offre de produit ou de service doivent changer ?
  3. Si oui, qui allez-vous rencontrer pour apporter ces changements ?
  4. Est-ce que les personnes qui travaillent avec vous sont heureuses ?
  5. Sinon, qui allez-vous rencontrer pour apporter des changements ?
  6. Le projet est-il viable ?
  7. Avez-vous toujours la motivation de continuer avec cette organisation ?
  8. Est-ce que tous les membres de votre équipe sont à la même place que vous sur le plan de la fierté, de la viabilité et de la motivation ?

 

4.2.3. C’est l’histoire d… Amina

L’histoire suivante présente un exemple de comment a été vécue la démarche par des personnes dans la communauté. Elle vise à illustrer plusieurs des notions abordées ci-dessus et à aider à imaginer ce à quoi cela peut ressembler dans la vraie vie.

Amina

Depuis deux ans, Amina est directrice des ressources humaines de l’imprimerie familiale, qui est en opération depuis maintenant trente ans. Elle s’est vu offrir ce poste durant la dernière année de ses études universitaires en administration, alors que son père l’avait déjà pressentie pour reprendre l’entreprise familiale à sa retraite. L’entreprise est située en banlieue de Casablanca, au Maroc. Elle emploie environ 60 personnes, dont plusieurs sont là depuis le début de l’entreprise. Certaines personnes employées ont maintenant un certain âge. L’idée de la retraite est, pour elles, de plus en plus présente. Or, les dernières années ont vu la compétition s’intensifier sur le plan du recrutement de ressources humaines et des conditions de travail offertes sur le marché. Bien que l’imprimerie ait une bonne clientèle, soit rentable et possède peu de dettes, Amina considère qu’elle doit prendre les devants sur ce qui s’annonce. Pour elle, le défi de recrutement et de rétention du personnel doit être pris au sérieux.

Dans une démarche d’exploration de la culture de l’entreprise et des particularités de sa gestion du personnel, Amina veut rencontrer les gens. Elle s’intéresse ainsi à pourquoi les personnes restent au sein de l’entreprise, ce qu’elles aiment et si des choses peuvent être améliorées. La période d’entrevues et de groupes de discussion qu’elle anime n’est pas facile au début. Comme c’est la fille du patron, elle doit passer la barrière du non-dit. Les personnes employées ont beaucoup de réserve à être totalement transparentes. Amina réalise que cela va prendre plus de temps et de rencontres que prévu. Ceci nécessite beaucoup d’humilité et d’adaptation pour elle qui, durant ses études, était réputée pour trouver des solutions de manière rapide et efficace.

Ceci l’amène aussi à redéfinir certains de ses indicateurs d’efficacité. En ce sens, elle prend le temps d’expliquer sa démarche et elle écoute les gens, même si parfois les sujets semblent s’éloigner de la question. Grâce à cela, elle développe une compréhension nouvelle de l’expérience du personnel de l’entreprise. Ce temps plus long dans l’écoute et l’observation des personnes permet aussi d’apprendre à se connaître et de tisser de nouveaux liens de confiance. Pour Amina, ceci est précieux, surtout si elle aspire à prendre le relais de son père.

C’est ainsi qu’elle découvre que les personnes employées depuis longtemps manifestent peu d’affinités avec les nouvelles personnes qui arrivent. La « vieille école », comme elles aiment se nommer, se dit plus habituée de relations qui se forment à l’arrivée le matin, lors des pauses ou en fin de journée, et parfois même les week-ends. Ces personnes disent se sentir plutôt distantes des plus jeunes, branchées au numérique et aux intérêts différents. Amina prend bonne note de cela et en profite pour leur demander ce qui pourrait, selon elles, favoriser les mises en relation. Des idées sont lancées. Par ailleurs, Amina profite aussi de ces rencontres pour demander aux nouvelles personnes embauchées si cela leur plairait de mieux connaître les personnes déjà en place. Certaines sont intéressées, alors que d’autres affirment que ce n’est qu’un boulot. Pour elles, les loisirs se vivent en dehors du travail. Amina leur demande aussi si des moyens pourraient faciliter leur intégration et la mise en relation avec les autres, lorsque souhaitée.

Suivant ce temps pour discuter avec le personnel, qui dure près de six mois, Amina interpelle des directions de ressources humaines d’autres industries, en Europe et ailleurs dans le monde. Par une recherche sur Internet et des contacts donnés par des amis et des collègues, elle va à la rencontre de personnes qui réfléchissent aussi à ces dynamiques avec leur personnel. Les conversations sont riches. Amina découvre de nombreux éléments sur comment optimiser le sentiment d’appartenance à une organisation et comment faire de celle-ci un lieu attractif pour le recrutement et la rétention de personnel.

Outillée grâce à ses rencontres au sein de l’imprimerie et à des appels à des personnes d’expérience, Amina présente une idée à son père et aux autres responsables de la direction de l’entreprise. Elle souhaite produire de courtes vidéos de toutes les personnes employées, où celles-ci seraient appelées à parler de leurs passions, de ce qui sème de la joie dans leur vie, de ce qu’elles font de leurs temps libres, des films à voir, des livres à lire ou des lieux à visiter en voyage. Elle dit s’appuyer sur les discussions qu’elle a eues avec les personnes de tous âges et années d’expérience pour être confiante de leur intérêt pour un projet comme celui-ci. L’utilisation du médium vidéo sera un bon moyen pour rallier les jeunes et les moins jeunes. Une équipe de production intergénérationnelle sera formée au sein de l’entreprise. Une soirée de grand déploiement est prévue dans quatre mois. Ce sera l’occasion d’une journée festive en plein air où toutes les familles des personnes employées seront invitées et où des grillades seront préparées pour le repas du soir. Déjà, des membres du personnel se sont portés volontaires pour assurer l’organisation et la logistique de la journée.

Amina affirme que cette initiative sera un bon moyen pour unir les gens en place, car cela permettra la mise en valeur d’autres aspects non liés au travail. Elle pense que l’effet sera multiple. D’abord, ceci permettra à la « vieille école » de se sentir toujours valorisée et, qui sait, peut-être de reporter un peu les projets de retraite. Ensuite, pour les plus jeunes, ce sera une manière de mettre en œuvre leurs habiletés technologiques et d’enrichir l’expérience créative, tout en se présentant sur un plan plus humain. De plus, les productions vidéo pourront être déposées sur l’intranet de l’entreprise. Pour toutes les embauches à venir, les nouvelles personnes pourront ajouter leur vidéo et prendre le temps de mieux connaître celles en place. Tout ce processus de production des vidéos, de la journée festive et de l’intranet sera au bout du compte un bon moyen d’unir les gens dans un projet commun à la fois ludique et créatif.

Enfin, cette manière de faire différente en gestion des ressources humaines sera une bonne façon de promouvoir l’entreprise sur le marché. Alors que les personnes employées parleront du projet autour d’elles, cela pourrait susciter un intérêt pour d’autres à explorer l’idée de venir travailler à l’imprimerie. Finalement, Amina a su provoquer les ajustements nécessaires pour maintenir une culture d’entreprise favorable au recrutement et à la rétention de personnel dans leur entreprise en opération. Plus que tout, elle l’a fait par la rencontre des autres, qui ont su enrichir ses réflexions et ses actions.

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