4.1. Quoi exécuter pour se lancer

Une fois le modèle d’affaires du projet confirmé et la planification faite, la démarche se traduit en termes de moyens requis pour la mise en œuvre et la réalisation du projet. C’est le temps de consolider des ententes en vue de se lancer ! Le repère « Quoi exécuter pour se lancer » demande à cet effet de porter une attention plus précise aux aspects financiers et juridiques et à tout ce qui concerne les ententes contractuelles, les permis, les droits, les autorisations ou les accès spéciaux. Il s’agit donc de lancer les démarches et la négociation des ententes avec différentes parties prenantes. De plus, la structure juridique de l’organisation souhaitée se précise. Les sources de financement ainsi que les ententes à cet effet sont également conclues.

C’est aussi à ce moment que les premières actions de mise en marché et de ventes se réalisent. La stratégie de relations avec la clientèle et les ententes concernant la distribution du produit ou du service se mettent en place afin que les partenaires essentiels à cette réalisation soient également prêts pour les activités liées au lancement et aux opérations. À cet effet, ces engagements vous obligent à vous assurer que le produit ou le service est prêt à être livré, que la clientèle ou les bénéficiaires obtiendront le meilleur service et que vos partenaires pourront être payés selon les ententes conclues.

4.1.1. Notions de base

L’exécution est le moment de coordonner et de mettre en œuvre les actions planifiées en fonction des tâches à réaliser, des ressources pour les faire et des budgets établis. L’information récoltée lors du moment de l’exploration sur les démarches administratives, comptables, financières et juridiques nécessaires au lancement du projet est consolidée pour exécuter le projet. C’est donc le moment où le projet prend vie et où des engagements formels sont pris par la négociation des premières ententes avec les partenaires et par les premières ventes. Plusieurs éléments de votre modèle d’affaires confirmé sont ainsi officialisés, et vous devenez redevables à des parties prenantes par ces ententes.

À cet effet, les sources de revenus envisagées sont négociées avec chaque partenaire (privé et public). Le plus souvent, l’outil « plan d’affaires » sert à bien communiquer le plan d’exécution de votre projet aux personnes convoitées pour le financement. Rappelez-vous toujours que les premières ventes restent le moyen de financement le moins coûteux pour assurer une entrée d’argent dans le projet et aider vos flux de trésorerie. Les premières ventes, justifiées par un bon de commande ou une lettre d’intention, sont un bon argument pour la viabilité de votre projet auprès des partenaires financiers. Elles démontrent la désirabilité du produit ou du service dans le marché.

Se lancer, c’est donc aussi le déploiement de la stratégie de mise en marché et les premières relations avec la clientèle ou les bénéficiaires. Générer des ventes est un des indicateurs importants du passage de la planification du projet à son exécution. Souvent, une stratégie de mise en marché qui cible les primo-adoptantes et primo-adoptants (early adopters) peut aider à générer des sources de revenus rapidement tout en limitant les dépenses liées au développement de votre produit ou de votre service. Ces personnes aiment essayer les nouveaux produits ou services et acceptent parfois d’investir du temps, et à l’occasion de l’argent, pour les développer avec vous. Aussi, si l’expérience est bonne, elles en parleront autour d’elles, et ceci viendra générer de nouvelles ventes. En ce sens, un produit minimum viable (PMV, ou MVP en anglais) peut aussi être développé. Cette version avancée d’un prototype, sans être achevée, permet de fabriquer, tester et mettre en marché quelque chose et d’obtenir un maximum de retours de la clientèle ou des bénéficiaires pour contribuer aux ajustements avant un lancement officiel.

Se lancer, c’est aussi décider de la structure juridique de l’organisation, en entreprise privée, en coopérative ou en OBNL. Ce choix est fait en fonction de vos valeurs, des occasions de financement et de soutien ainsi que des formes de partenariat souhaitées. L’incorporation, ou constitution en personne morale, du projet donne accès à des droits et des obligations qui viendront régir les relations organisationnelles, institutionnelles et gouvernementales. Le choix de la manière de gouverner votre organisation se reflète aussi dans les documents officiels de cette dernière, sur la base du modèle d’affaires, mais aussi des valeurs et des ententes souhaitées par l’équipe de projet en lien avec la raison d’être de celui-ci. La coordination des actions liées aux exigences gouvernementales pour l’obtention des permis, des droits, des autorisations ou des accès spéciaux, aux ententes avec des fournisseurs et aux démarches de recrutement de personnel peut se faire une fois que la structure juridique de votre organisation est adoptée.

En somme, « quoi exécuter pour se lancer », c’est se lier par des ententes avec d’autres afin que le projet prenne vie. Comme la démarche n’est pas linéaire, cela se fait souvent en plusieurs étapes. Pour certaines personnes, ceci entraîne la consolidation de revenus de financement pour continuer à développer leur modèle d’affaires. Pour d’autres, c’est l’occasion de tester leurs stratégies de mise en marché pour rejoindre les premiers clients, clientes ou bénéficiaires et générer des revenus de ventes.

Dans tous cas, c’est le moment de dire go au projet et de se lancer !

Explorez le Chapitre 5 pour en apprendre plus et pour réfléchir sur les manières d’aller à la rencontre des autres dans le contexte de votre projet.

 

4.1.2. Questionnements pour votre projet

  1. Décrivez les activités clés qui permettront le lancement de votre projet dans le temps.
  2. Est-ce que ce que vous aviez planifié (voir section 3.3) est toujours d’actualité ? Sinon, qu’est-ce qui a changé ?
  3. Votre équipe est-elle prête à réaliser des ventes ?
  4. Plus globalement, quelles sont les premières ententes à consolider ?
  5. Avez-vous identifié clairement ce qui doit être discuté avec les personnes visées par ces ententes ?

Vous faire aider par d’autres

  1. Sentez-vous que vous avez la confiance et les outils nécessaires pour consolider ces ententes ?
  2. Sinon, vers quelles expertises pouvez-vous vous tourner pour mieux vous préparer à négocier ces ententes ?
  3. Est-ce que ces personnes vous ont été recommandées ? Êtes-vous en mesure d’évaluer leur travail ?

Questionnements plus ciblés pour la coordination des premières actions

 

 

QUESTION D’ARGENT $

Sources potentielles (en ordre croissant, à partir du moins coûteux pour votre organisation)

  1. Ventes aux personnes visées, clientes ou bénéficiaires
  2. Subventions obtenues auprès d’organismes publics ou privés
  3. Négociation de rabais ou report de paiement auprès des fournisseurs
  4. Collecte de fonds ou campagne de financement (p. ex. : sociofinancement)
  5. Argent obtenu auprès de personnes proches de vous (love money)
  6. Argent personnel investi dans le projet
  7. Prêts obtenus auprès d’institutions financières
  8. Investissement sous forme de capital de risque

 

 

Les premières ventes restent le moyen de financement le moins coûteux pour assurer une entrée d’argent initiale dans le projet.

 

 

Pour chacune de ces sources

  1. Lesquelles sont présentes actuellement pour votre projet ?
  2. Lesquelles sont envisagées et à quel moment dans la vie du projet ?
  3. Quel montant représente chacune des sources actuelles et envisagées dans le temps ?
  4. À quelles conditions ces sources d’argent sont-elles disponibles ?

 

FAISABILITÉ, VIABILITÉ ET MOTIVATION

À la lumière de votre expérience des premières actions de coordination du lancement et des nouvelles informations amenées :

  1. Le projet est-il faisable ?
  2. Certains éléments de votre proposition de valeur doivent-ils être revus ?
  3. Des éléments doivent-ils encore être clarifiés ou précisés ?
  4. Si oui, qui allez-vous rencontrer pour apporter ces clarifications ou ces précisions ?
  5. Le projet est-il viable ?
  6. Avez-vous toujours la motivation de réaliser le projet ?
  7. Est-ce que tous les membres de votre équipe sont à la même place que vous sur le plan de la faisabilité, de la viabilité et de la motivation ?

 

4.1.3. C’est l’histoire de… Juan, Tammy, Greg et Roberta

L’histoire suivante présente un exemple de comment a été vécue la démarche par des personnes dans la communauté. Elle vise à illustrer plusieurs des notions abordées ci-dessus et à aider à imaginer ce à quoi cela peut ressembler dans la vraie vie.

Juan, Tammy, Greg et Roberta

Dans le cadre de leur programme en génie mécanique et robotique à l’Université d’Arizona State, aux États-Unis, Juan, Tammy, Greg, Roberta et trois autres de leurs camarades développent depuis deux ans déjà une nouvelle solution technologique. Il s’agit d’un petit chariot automatisé qui améliore le déplacement de charges lourdes dans les locaux industriels. La solution proposée promet une réduction des accidents de travail pour les personnes travaillant dans les entrepôts et vise aussi à optimiser l’espace disponible pour les activités de stockage.

Les deux dernières années ont permis de faire des entrevues et d’avoir des discussions sur le terrain qui ont mené à un prototype fonctionnel. Par conséquent, la proposition de valeur a été vérifiée. L’équipe choisit ensuite de cibler prioritairement les industries métallurgiques de l’État de l’Arizona. Une première planification a été faite par l’équipe pour les tâches envisagées au cours des 18 prochains mois, les ressources pour les réaliser et les coûts associés. De plus, de premières actions de promotion ont été planifiées afin de faire connaître le produit plus officiellement.

Parmi les actions envisagées, il y a la participation à une exposition industrielle régionale. Les sept membres de l’équipe s’y rendent donc et profitent de ce temps pour présenter le chariot en action et échanger avec des personnes du domaine. Deux entreprises de la région se disent prêtes à tester le produit chez elles et acceptent le fait que le développement continuera de se faire en parallèle. Un autre industriel dit avoir des contacts en Chine et voudrait les aider à ouvrir le marché là-bas. Enfin, une représentante d’un organisme régional de la ville de Phoenix les invite à communiquer avec elle pour entamer une démarche de subvention en recherche et développement. Elle les informe que l’État de l’Arizona a débloqué des fonds publics pour les jeunes entrepreneurs émergents.

L’équipe revient à la fois surprise et enthousiaste de l’intérêt qu’elle reçoit pour son innovation technologique. Motivés, les membres de l’équipe se disent maintenant prêts à se lancer dans l’aventure de démarrer une entreprise. Or, toutes ces propositions de partenariats provoquent des conversations dans l’équipe. Il est question, notamment, que le développement technologique s’échelonne encore sur deux ans et que plusieurs des sept membres de l’équipe terminent leurs études l’année suivante. La question se pose ainsi sur l’implication souhaitée et réaliste de chaque personne dans le projet. La conversation les amène aussi à discuter des besoins financiers de chaque personne qui veut rester dans le projet durant ses études et suivant celles-ci. Les rôles et les responsabilités que les membres ont envie d’endosser au sein de l’entreprise sont également discutés. La question de la propriété intellectuelle du projet au sein de l’équipe est également soulevée.

Juan, Greg et Roberta se disent prêts à continuer l’aventure pour faire de cette entreprise un succès. Leur déclaration amène donc l’équipe à parler de ce qui serait considéré comme un succès. Cette conversation avait déjà eu lieu en début de projet, mais il est maintenant pertinent de revoir la chose avant de se lancer plus officiellement. Par ailleurs, Juan et Roberta sont prêts à ne toucher aucun salaire durant les deux premières années, afin de limiter les dépenses. Juan reçoit des bourses d’études et, à la suite de son parcours scolaire, il compte sur des réserves financières personnelles. Il dit pouvoir travailler les soirs et les week-ends dans un restaurant de son quartier pour payer ses factures. Roberta vit chez ses parents, ce qui réduit ses dépenses. Elle aura le soutien de sa famille, ce qui lui permettra de travailler sans salaire au cours des deux années suivant ses études. Greg, quant à lui, aimerait bien pouvoir tirer des revenus du projet de 25 000 $ par année. Il possède la plus grande expertise technologique dans l’équipe et dit pouvoir se consacrer jours, soirs et week-ends au projet. Il est donc entendu que les premières ventes serviraient, idéalement, à payer son salaire.

Quant à Tammy, elle se dit compétente pour rédiger des demandes de subvention et pour réaliser les premières actions de marketing. Cela inclut notamment un site Internet comme vitrine informationnelle du projet en vue de son lancement. Sa colocataire possède une petite agence de marketing et peut contribuer sans frais à l’aider à mettre le tout en place. Ce premier projet technologique sera bon pour son portfolio. Tammy est prête aussi à effectuer ce travail sans attente salariale. La réalisation de ces tâches lui permettra en effet d’enrichir son curriculum vitæ. De plus, elle n’est pas certaine si elle veut continuer dans le projet suivant les deux années d’études qui lui restent. Cela dit, elle veut des participations dans l’entreprise pour le temps investi à ce jour et celui qui sera donné. Enfin, les trois autres camarades viendront soutenir le projet sur le plan technologique, au besoin. Leur intérêt était déjà moins grand depuis le début du projet, et ils ne s’attendent pas à tirer des redevances. Ils ont plutôt accepté que l’expérience de développement durant leurs études était suffisante pour eux.

Suivant ces discussions d’équipe qui se sont échelonnées sur quatre rencontres durant deux mois, Roberta obtient une référence de sa mère pour une avocate spécialisée en convention d’actionnaires et en démarrage d’entreprise. Trois rencontres ont lieu entre Juan, Tammy, Greg, Roberta et l’avocate. À ces rencontres, les risques de partenariat sur le long terme sont discutés. Ceci permet de clarifier certains éléments de la discussion, d’introduire de nouveaux aspects inconnus des membres de l’équipe et d’injecter un brin de réalisme dans ce qui peut se produire dans des projets étudiants qui voient le jour en cours d’études et qui se continuent au-delà. C’est aussi l’occasion de discuter de la propriété intellectuelle et des coûts afférents. Ce qui est souhaité des premières ententes de partenariat avec les entreprises rencontrées lors de l’exposition est également abordé.

Si ces rencontres permettent aux quatre personnes étudiantes d’y voir plus clair quant à la situation, elles provoquent aussi un sentiment d’être un peu dépassées par toutes les décisions à prendre. Le moment est venu de préciser les ententes avec les primo-adoptants industriels rencontrés à l’exposition, et elles craignent de ne pas savoir comment négocier l’entente. Par ailleurs, elles sont excitées, mais aussi craintives devant l’occasion d’explorer le marché chinois. Quoi prévoir et comment se protéger sont des questions qui les habitent. De plus, pour la demande de subvention, des frais de 5000 $ sont exigés par la représentante rencontrée à l’exposition. Ils concernent l’ouverture et la préparation du dossier. L’équipe n’a pas l’argent en caisse, bien que le programme offert par l’État de l’Arizona semble tout indiqué pour elle.

Bref, la réflexion sur quoi et comment exécuter pour se lancer prend forme, et des décisions sont à prendre. Devant tout ce qui émerge, Juan rappelle à l’équipe un apprentissage précieux intégré lors de la phase d’exploration du projet : aller à la rencontre de personnes qui ont vécu l’expérience avant eux peut grandement les aider. Les quatre décident ainsi de mettre sur papier toutes les personnes qu’elles connaissent qui pourraient les mettre en contact avec des industriels de la région ou d’ailleurs qui ont eu à prendre ce genre de décisions. Parmi elles, il y a leurs parents, leurs amis, les parents de leurs amis, les membres du corps enseignant de l’université ainsi que les accompagnateurs et accompagnatrices au sein d’incubateurs et d’organismes régionaux. Une liste est dressée, et les quatre membres de l’équipe lancent les communications, par courriel et par téléphone, pour solliciter des rencontres en personne ou des rendez-vous téléphoniques.

Leur ambition est d’explorer l’expérience de personnes qui ont eu à vivre les premiers contrats de vente dans un contexte de développement technologique ou encore d’autres qui ont fait de la commercialisation en Chine. Enfin, ils veulent comprendre à travers ces entrevues ce qui peut être fait pour optimiser les premières dépenses et assurer les entrées d’argent. Toutes ces interrogations mèneront à d’autres rencontres et à de nouveaux questionnements. Cela dit, l’équipe se sent confiante et soutenue pour la suite. Elle garde en tête qu’il y a toujours quelqu’un, quelque part, qui a vécu des expériences similaires et qui peut les conseiller. Il s’agit de multiplier les rencontres et de bâtir sur ces expériences racontées.

 

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