9 Effets des PIBs sur la perception auditive et la production de la parole

Elliott H. Berger et Jérémie Voix

Une question importante à considérer lorsque l’on recommande l’utilisation des PIBs est quels effets éventuels, ils auront sur la capacité des porteurs à communiquer verbalement, à écouter les machines en fonctionnement et à répondre aux signaux d’alarme. Certains fabricants de protecteurs auditifs affirment dans leurs publications que leurs appareils bloquent le bruit haute fréquence nocif et laissent passer la parole, mais les personnes, en particulier ceux avec une perte auditive, se plaignent souvent de ne pas pouvoir parler à leurs collègues ou entendre leurs machines quand ils utilisent des PIBs. Chacune de ces affirmations, que ce soient les revendications des fabricants ou les observations des employés, contiennent des éléments de vérité, expliqués dans la discussion qui suit.

Compréhension de la parole

Le niveau auquel un son particulier sera atténué par un PIB dépend uniquement de son niveau incident et de sa fréquence. Les PIBs ne peuvent pas différencier le signal désiré, ici la parole, du signal indésirable, ici appelé “bruit”; les deux signaux seront atténués de façon égale pour une fréquence donnée (voir figure 34). Ainsi, le rapport entre le signal désiré et le signal indésirable, appelé rapport signal/bruit (SNR), résultant, ne sera pas affecté par l’utilisation du PIB, et ce quelle que soit la fréquence considérée. Mais pour la plupart des protecteurs auditifs, l’atténuation dépend de la fréquence, augmentant généralement à mesure que la fréquence augmente, de sorte que la balance fréquentielle du spectre du signal atténué diffère de la condition non atténuée, rendant généralement les sons étouffés. Dans la figure 34, les sons qui ne sont plus audibles en raison d’une combinaison de perte auditive et d’atténuation PIB sont indiqués par les lignes en pointillés qui se trouvent sous les trois courbes de seuil d’audition au bas du graphique. Pour un auditeur avec une audition normale, et même pour un homme de 45 ans avec une perte auditive due à l’âge légèrement inférieure à la moyenne (valeurs prises au fractile 0,7), tous les sons, sauf ceux hautes fréquences, sont encore audibles, avec ou sans protection auditive. Cependant, dans le cas d’une personne souffrant de perte auditive induite par le bruit et qui porte des PIBs, les composantes spectrales de la parole au-dessus de 3000 Hz ne seront plus audibles.

Figure 34 : Niveaux de pression ambiants de la parole et du bruit (lignes pleines en haut) ainsi que sous un bouchon d’oreille typique (niveaux atténués de la parole et du bruit  en lignes en pointillés), comparés aux seuil auditif convertis en niveau de pression acoustique (lignes pleines en gras) pour un auditeur normal âgé de 20 ans (en vert), un homme âgé de 45 ans pour le fractile de 0,7 (ligne ocre) et le même homme avec une perte auditive induite par le bruit (NIHL) pour le fractile de 0,7 (ligne marron). Lorsque les niveaux de bruit et de parole atténués (lignes en pointillés) passent sous la ou les courbes des seuil d’audition, ces composantes fréquentielles du signal ne seront plus audibles par le porteur du bouchon d’oreille.

Généralement, les PIBs améliorent la capacité des individus sans problèmes d’audition à discerner la parole dans des environnements à niveau de bruit élevé. Cela se produit parce que les PIBs réduisent le niveau global du signal avec celui du bruit, permettant ainsi à la Cochlée de répondre sans distorsion, une caractéristique qui ne peut être assurée qu’à des niveaux sonores bien inférieurs à 90 dBA (Lawrence et Yantis, 1956). L’effet est l’équivalent de celui obtenu en portant des lunettes de soleil un jour très lumineux. L’illumination totale de la scène étant réduite, l’œil peut fonctionner plus efficacement, et sans trop forcer. Métaphoriquement parlant, les PIBs réduisent « l’éblouissement acoustique » crée par des sons de haut niveau.

La compréhension de la parole est affectée par des facteurs tels que la santé auditive d’une personne, le rapport SNR, les niveaux absolus des signaux, les caractéristiques spectrales et temporelles, les repères visuels (mouvements des lèvres et des mains) et le contexte du message envoyé. La reconnaissance de mots est mesurée en présentant aux auditeurs l’une des listes de mots normalisés préparés et en déterminant le pourcentage de réponses correctes qu’ils obtiennent en répétant les phrases entendues. Les effets du PIB peuvent être évalués en mesurant la reconnaissance des mots dans des conditions constantes, avec et sans les PIBs en place. Les résultats de ces tests sur des sujets sans problèmes d’audition indiquent que les PIBs passifs ont peu, voire pas, d’effet sur l’intelligibilité de la parole dans un bruit de fond d’environ 80 dBA ou plus, mais qu’ils empêchent de correctement comprendre si le niveau de bruit est inférieur (Berger, 2010; Hormann et al., 1984; Howell et Martin, 1975; Suter, 1992). Pour les niveaux de bruit supérieurs à environ 85 dBA, les PIBs passifs peuvent améliorer l’intelligibilité de la parole pour ceux qui ont une audition normale, ou presque normale. Giguère et al., (2010; 2014) fournit des techniques prédictives spécifiques pour les PIBs passifs ainsi que pour des résultats spécifiques liés aux PIBs dit Protecteur auditif à rétablissement du son (Giguère et al., 2015).

En règle générale, les normes sur les protecteurs auditifs, comme EN 458 et CSA Z94.2-14 ont suggéré que les niveaux effectifs de bruit avec protection devraient se situer dans une plage allant du niveau limite d’exposition au bruit, généralement 85 dBA, jusqu’à 70 dBA, offrant ainsi une fenêtre de 15 dB pour la performance souhaitée, comme illustré dans le Tableau 7. Cependant cet objectif est difficile à atteindre en pratique, car il est impossible de prédire avec précision les niveaux d’affaiblissement terrain, la variation des niveaux de bruit ambiant ou encore le manque d’informations sur la condition auditive de l’utilisateur (Giguère et Berger, 2016; Giguère et al., 2014). De plus, certains utilisateurs ne voudront pas de  cette protection « optimale », et se sentiront plus à l’aise avec une atténuation plus élevée voire maximale lorsque leurs besoins de communication le permettent.

Tableau 7 : Adéquation  de la protection auditive en fonction du niveau sonore résiduel (sous le PIB).
Niveau sonore résiduel sous le PIB (en dBA) Résultat de la protection
Plus de 85 Insuffisant
80 – 85 Acceptable
75 – 80 Optimal ou idéal
70 – 75 Acceptable
Moins de 70 Surprotection possible

Lorsque l’auditeur est malentendant, la situation est plus complexe. Cependant, il est clair que les PIBs passifs typiques, qui fournissent plus d’atténuation aux fréquences plus élevées, diminuent l’intelligibilité de la parole pour les individus malentendants dans des situations de bruit faible à modéré (typiquement moins de 80 dB). L’intelligibilité de la parole augmentera avec l’augmentation des niveaux de bruit et des rapports SNR (Abel et al., 1982; Chung et Gannon, 1979; Giguère et al., 2010; Rink, 1979; Suter, 1992). La difficulté pour les auditeurs malentendants vient du fait que les PIBs peuvent réduire le niveau des signaux vocaux en dessous de leur seuil d’audibilité, en particulier pour les consonnes de fréquence plus élevée, comme le montre la figure 34. Les modèles prédictifs les plus récents prennent en compte les caractéristiques du bruit ambiant, le rapport SNR, l’atténuation du PIB et l’état auditif du porteur. Ces modèles ont de bonnes capacités pour la prédiction des scores d’intelligibilité de la parole dans le bruit avec les PIBs en considérant à la fois la sensibilité auditive et les effets supra-seuil découlant de la perte auditive (Giguère et al., 2010; 2014).
Cela dit, la complexité procédurale et calculatoire des approches de modélisation proposées ci-dessus les rend probablement difficiles à mettre en œuvre dans la plupart des PPPA. De plus, alors que de telles approches permettent de prédire l’intelligibilité de la parole des personnes malentendantes utilisant des PIBs, les PIBs passifs, pour lesquels l’atténuation ne peut être contrôlée ni en amplitude ni en fréquence, tendent dans la majorité des cas à réduire l’intelligibilité pour les personnes avec pertes auditives, en dessous des limites acceptables. Heureusement, le développement récent des PIBs actifs (détaillés dans le chapitre Protecteurs auditifs actifs) peut offrir une solution à cette situation. Les PIBs actifs, qui peuvent fournir une amplification à faible niveau de bruit et une atténuation à des niveaux plus élevés, peuvent améliorer la compréhension dans le bruit pour tous les utilisateurs, particulièrement ceux avec une perte auditive légère à modérée (Dolan et O’Loughlin, 2005; Giguère et al., 2015).
Les généralisations précédentes peuvent être modifiées dans la pratique par des facteurs supplémentaires. Par exemple, sur le terrain, les messages communiqués peuvent être soit limités (quelques mots clés seulement seront utilisés), soit accompagnés de repères visuels, permettant de « remplir » les mots manquants et d’assurer l’intelligibilité (Rink, 1979). Acton, (1970) a démontré que les personnes s’habituent à écouter dans le bruit, obtenant ainsi de meilleurs résultats en matière de l’intelligibilité de la parole que les sujets de laboratoire ayant des niveaux d’audition équivalents.

Production de la parole

Les PIBs peuvent non seulement affecter la capacité d’écoute, mais aussi affecter la production de la parole. Des études ont montré qu’une personne qui parle en portant des PIBs  voit la qualité de sa parole dégradée, ce qui affecte la communication (Hormann et al., 1984; Howell et Martin, 1975). Cette observation est au moins partiellement expliquée en remarquant les effets d’un PIB sur la perception de sa propre voix par un locuteur. Le PIB atténue significativement l’énergie transmise par voie aérienne, mais a peu d’effet sur l’énergie transmise par voie solidienne (conduction osseuse, BC), sauf dans les basses fréquences où les niveaux de voix perçus sont effectivement amplifiés en raison de l’effet d’occlusion (voir le chapitre Effet d’occlusion). Cela modifie le contenu fréquentiel des sons que le locuteur contrôle (sa voix) et le fait que le niveau de sa propre voix reste le même ou augmente légèrement tandis que le niveau des bruits ambiants est considérablement réduit par le PIB. Il lui semble que sa voix est plus forte que le bruit, et les niveaux de parole tendent à être abaissés en conséquence, généralement de 2 à 4 dB. Par conséquent, les employés devraient apprendre que, tout en portant des PIBs dans des environnements bruyants, la communication peut être améliorée simplement en parlant légèrement plus fort que ce qu’il paraît nécessaire (Berger, 2010).

Dans le calme, cependant, la tendance est de parler fort lorsque des PIBs sont portés. En effet, dans le calme, le niveau de leur parole est déterminé par la perception que les locuteurs ont du niveau absolu de leur voix au lieu du rapport entre le niveau de leur parole et celui du bruit ambiant. Bien que la composante de leur voix transmise par conduction osseuse soit encore amplifiée par l’effet d’occlusion, l’atténuation de leur voix perçue par conduction aérienne est généralement plus notoire, et donc les locuteurs ont tendances à sous-évaluer le niveau de leur parole, les forçantforçants ainsi à parler plus (trop) fort.

Perception des alarmes et indicateurs sonores

Les effets des PIBs sur la capacité des utilisateurs avec et sans problèmes d’audition à détecter les alarmes et indicateurs sonores sont  similaires à ceux sur l’intelligibilité de la parole (Giguère et Berger, 2015; Suter, 1992). Cependant, lorsque les employés sont absorbés par des tâches prenantes et ne s’occupent pas spécifiquement des sons qui peuvent les avertir d’un danger ou leur indiquer un dysfonctionnement d’une machine, la question de la détection et de discrimination est non seulement importante, mais devient même critique pour savoir s’i ces sons vont effectivement attirer leur attention. Une faible attention aux signaux d’alarme, liée au fait d’être attentif à la tâche à accomplir, peut entraîner une élévation de 6-9 dB des seuils effectifs, voire plus pour certains individus,  pour des stimuli auditifs (Wilkins et Martin, 1978).

Une étude terrain a évalué l’efficacité des bruits d’avertissement intentionnels (sirène d’avertissement) et accidentels (tintement de composants métalliques s’échappant de leur conteneur) dans des conditions d’usine réelles, en utilisant des sujets employés sur le site d’essai (Wilkins, 1980). On a constaté qu’il n’y avait pas d’effet significatif du port de la protection auditive sur la capacité des sujets normaux ou malentendants à détecter la sirène ou le son du cliquetis lorsqu’ils attendaient précisément son apparition. Cependant, lorsque les sujets étaient distraits ou concentrés sur leurs tâches habituelles, le signal d’avertissement accidentel (le tintement) était moins perçu comme tel par les personnes ayant une perte auditive importante. De plus, les PIBs nuisaient à sa perception indépendamment de la sensibilité auditive des porteurs. En revanche, même lorsque les sujets étaient distraits ou concentrés sur leurs tâches habituelles, il n’y avait pas de variations significatives dans les taux de réponse au son d’avertissement intentionnel (la sirène) dus à leur audition  ou à leur protection (oreilles protégées ou non protégées).

Par le passé, certaines législations ont délibérément exempté certaines catégories de personnes exposés au bruit, comme les personnes travaillant dans le secteur des transports routiers et ferroviaires allemands, de porter des PIBs passifs traditionnels, car ces derniers pourraient masquer certains signaux d’alerte importants et augmenter ainsi le risque d’accident (Liedtke, 2002). Aujourd’hui la situation est différente. Les protecteurs auditifs à profil d’atténuation plus plat, décrits plus en détail dans lea prochain chapitre PIBs à atténuation uniforme et modérée, ont souvent été recommandés lorsqu’une bonne communication verbale ou perception sonore est essentielle, particulièrement pour les personnes ayant une perte auditive à haute fréquence. (Hiselius, 2000). Les PIBs dont l’atténuation est inférieure à 3,6 dB / octave entre 125 et 4 000 Hz sont maintenant acceptables sur la base des critères établis pour l’audibilité du signal, l’intelligibilité de la parole et la perception de l’information (Liedtke, 2009).

Giguère et Berger, (2015) ont testé ce critère avec un modèle théorique basé sur des données réelles et ont trouvé que les PIBs le remplissant étaient avantageux pour ceux ayant  une perte auditive modérée à sévère, mais que la courbe d’atténuation du PIB était sans conséquence pour ceux dont l’audition était normale.  Ils ont également constaté que la détection sonore à partir de 2500 Hz devient progressivement plus sensible à la pente de l’atténuation PIB et au niveau de protection obtenu par son utilisation, en fonction du type de perte auditive de l’utilisateur. Aussi est-il nécessaire de choisir avec circonspection le PIB afin d’éviter la surprotection et de continuer à assurer la sécurité des personnes avec perte auditive.  Il peut être judicieux que le personnel de santé et de sécurité discute des besoins individuels du PIB avec le soignant du travailleur (audiologiste et / ou médecin).

Les alarmes et autres signaux d’avertissement intentionnels peuvent être réglés en hauteur et en intensité pour être bien perçus dans la plupart des conditions. Les signaux d’avertissement semblent être plus efficaces lorsque leur composante acoustique primaire est inférieure à 2 kHz, puisque les employés malentendants présentent généralement  des pertes plus importantes au-dessus de cette fréquence, et que de nombreux PIBs atténuent moins  en dessous de cette fréquence. Le lecteur intéressé pourra se référer aux méthodes de calcul utilisées pour la conception de signaux d’avertissement sur le lieu de travail et en particulier Zheng et al., (2007) pour un modèle psychoacoustique spécifiant le niveau et le spectre des signaux acoustiques d’alarme prenant en compte l’atténuation du protecteur auditif. En outre, la technologie des alarmes de recul basée sur l’utilisation d’un signal à large bande a récemment gagné en popularité dans de nombreux pays. Les signaux à large bande génèrent un champ sonore plus uniforme derrière les véhicules, sont plus faciles à localiser dans l’espace, au moins pour les bouchons d’oreilles, et sont considérés légèrement plus forts à certains niveaux représentatifs d’alarme. Cependant, les seuils de détection et les degrés d’urgence semblent être plus sévèrement affectés par l’utilisation des PIBs pour l’alarme large bande que pour l’alarme tonale. Une sélection rigoureuse des PIBs garantit de minimiser les problèmes de détection (Vaillancourt et al., 2013). D’autres études terrain (Cohen, 1976; Schmidt et al., 1982) ont fourni des preuves supplémentaires concernant les dangers associés à l’utilisation d’une protection auditive dans les environnements bruyants. Ces auteurs ont démontré que la mise en œuvre d’un HLPP nécessitant l’utilisation des PIBs réduisait, plutôt qu’augmentait  le nombre d’accidents du travail.

Perception naturelle des sons ambiants

La Perception naturelle des sons ambiants comprend plus que la détection, la reconnaissance et l’identification d’une source sonore, dont les aspects ont été discutés ci-dessus. Elle comprend également la localisation de la source en azimut et en élévation, ainsi que l’estimation de la distance, de la vitesse et de la direction, des capacités qui peuvent toutes être affectées par l’utilisation des PIBs. Une altération de cette perception peut entraîner des risques mortels dans un environnement militaire, et peut- être dangereuse dans un environnement  de travail civil (Brungart et al., 2003a; Simpson et al., 2002). Une batterie de tests pour évaluer les effets des dispositifs sur la communication, ainsi que la capacité à accomplir l’ensemble des tâches énumérées ci-dessus est en cours de développement et a été appelée « DRILCOM » pour la détection, la reconnaissance, l’identification, la localisation et la communication (Casali et Clasing, 2013). D’autres évaluations multidimensionnelles ont également été rapportées (Giguère et al., 2012).

Deux indicateurs auditifs majeurs permettent aux oreilles non protégées de localiser  la provenance des sons dans le plan azimutal (horizontal). Les différences temporelles interaurales (ITD) décrivent le fait que, à l’exception des sources dans le plan médian, le son atteindra une oreille avant l’autre, permettant ainsi la localisation de la source par le système auditif central. Les différences de niveaux interauraux (ILD) résultent de l’effet d’écran acoustique créé par la tête qui implique que l’oreille la plus éloignée de la source sonore a des niveaux de pression acoustiques inférieurs, variants avec la fréquence. La fréquence limite en dessous de laquelle les ITDs dominent, et au-dessus de laquelle les ILDs sont les plus importantes, est d’environ 1500 Hz. Dans la dimension verticale, un troisième indicateur  aide à détecter l’élévation d’une source sonore dans les fréquences plus élevées. Ce processus est principalement permis grâce aux résonances et anti-résonances du pavillon et de la Conque de l’oreille qui sont sensibles à l’angle d’élévation de la source sonore. Il y a de plus des contributions d’autres indices spectraux causés par les réflexions et la diffraction de l’onde sonore sur le torse, les épaules et la tête.

Les effets des PIBs sur la capacité de localisation dépendent de la façon dont le protecteur modifie les indices ITD, ILD et les résonances du pavillon et de la Conque. En théorie, les bouchons d’oreille qui procurent une atténuation similaire dans les deux oreilles auront un effet identique sur le temps d’arrivée et sur  les niveaux résiduels de l’onde sonore incidente, ce qui aura peu d’impact sur les valeurs de l’ITD et l’ILD. En supposant que les bouchons d’oreille soient bien ajustés et n’occupent pas la Conque, les indicateurs provenant du pavillon et de la Conque restent également inchangés, permettant également la localisation verticale. Cependant, en pratique, deux études qui ont mesuré l’impact sur la capacité à localiser pour plusieurs types de PIBs ont trouvé que les bouchons d’oreille qui s’ajustent profondément peuvent être plus perturbateurs que les bouchons d’oreille à atténuation plus faible, et même dans un cas, que les serre-têtes antibruit (Alali et Casali, 2011; Mershon et Lin, 1987). Ceci est probablement dû à la forte atténuation offerte par les bouchons d’oreille, rendant inaudibles les trois indicateurs mentionnés ci-dessus. En général, les serre-têtes antibruit passifs, même s’ils offrent une atténuation nettement plus faible que les bouchons d’oreille profondément ajustés, ont tendance à interférer davantage avec la précision de la localisation verticale, car ils affectent les indices directionnels du pavillon et de la Conque. Pour la même raison, ils ont tendance à augmenter la confusion avant / arrière tout en conservant des capacités de localisation horizontale quelque peu similaires lorsque le mouvement de la tête et du torse est possible (Noble et al., 1990). La double protection passive a un effet encore plus perturbateur puisqu’elle peut faire de la conduction osseuse le chemin sonore dominant, affectant de façon dramatique les mécanismes de localisation auditive naturelle mentionnés ci-dessus (Brungart et al., 2003a; Simpson et al., 2002).

Certains PIBs actifs, tels que les PIBs à rétablissement de son (présentés plus loin dans le chapitre PIBs sur la transmission du son dépendant de l’amplitude), cherchent à réduire les perturbations des indices permettant la détection et l’identification des sons tout en protégeant contre les bruits de niveau excessifs. Ceci est obtenu en utilisant des microphones ambiants (ou microphones externes) sur les surfaces externes des protecteurs et en transmettant le son sous le PIB via un système électroacoustique. De tels dispositifs sont couramment utilisés dans des environnements militaires, mais mais ont également été bien reçus   dans des lieux de travail civils (Williams, 2011).

Il n’existe pas encore de mesures auditives normalisées pour tester l’aptitude au travail ni de mesures efficaces qui permettent d’évaluer la performance des porteurs protégés en ce qui concerne les tâches auditives de détection, de reconnaissance, d’identification, de localisation et de communication. Néanmoins, les études actuelles visant à évaluer les PIBs actifs et passifs en termes de performances DRILCOM mentionnées ci-dessus, telles que Clasing et Casali, (2014), montrent clairement les différences entre les différents PIBs. Un PIB électronique circumaural, pour lequel les microphones ambiants sont montés à l’extérieur des Oreillettes, peut complètement supprimer les indices directionnels du pavillon et de la Conque  tout en augmentant les valeurs d’ITD, supprimant ainsi simultanément les indices auditifs critiques pour la localisation horizontale. En conséquence, ils entraînent typiquement une performance de localisation médiocre pour les porteurs non entraînés et un taux élevé de confusion de localisation avant / arrière qui peut uniquement être quelque peu atténué par le fait que le porteur puisse tourner la tête. Pour les PIBs actifs intra-auriculaires, l’emplacement du microphone ambiant est également critique, et seul un microphone situé au-delà de l’entrée du conduit conserve en pratique tous les indices de localisation (Brungart et al., 2003b).

Même si les capacités de localisation sont affectées par les PIBs actifs, il a été suggéré que le porteur du protecteur puisse s’adapter et réapprendre les nouveaux repères de localisation grâce à la plasticité cérébrale associée au  système auditif (Trapeau et Schöenwiesner, 2011). Il a même été récemment démontré que, pour la plupart des sujets normo-entendants, dans le plan horizontal, un entraînement approprié du porteur de PIBs actifs peut conduire à des performances DRILCOM aussi bonnes que s’il ne portait pas de protections (Casali et Robinette, 2014). Cependant, il a également été démontré que l’apprentissage auditif par utilisation continue d’un certain type de PIB actif n’est pas transférable à un autre type de PIB actif, ni à l’oreille ouverte. Par conséquent, il est fortement recommandé aux utilisateurs des PIBs actifs de s’habituer et de s’entraîner avec les appareils qu’ils utiliseront sur le terrain.

Remarques générales

La revue précédente suggère que les PIBs peuvent être efficacement utilisés pour la préservation de l’audition dans des environnements à niveau de bruit élevé, bien qu’ils aient certains effets négatifs sur la communication, mais aussi qu’ils soient avantageux dans d’autres environnements.

Pour les personnes malentendantes, l’utilisation de PIBs passifs à des niveaux de bruit plus faibles doit être soigneusement prise en compte. Lorsque des troubles auditifs importants sont présents, en particulier dans le cas des porteurs de prothèses  auditives, les décisions concernant le travail dans un milieu bruyant et / ou l’utilisation de protections auditives ne sont pas claires (Berger, 1987). Même avec un suivi  individuel, des conseils personnalisés, des examens audiologiques complets et des consultations d’experts, les solutions idéales sont difficiles à trouver. La décision revient parfois à choisir entre préserver l’ouïe, déjà altérée, d’un employé ou lui imposer des difficultés de communication supplémentaires au travail. L’utilisation des PIBs actifs (voir le prochain chapitre) s’avère être un grand avantage pour de nombreux personnes malentendants puisqu’ils restaurent l’intelligibilité de la parole à des niveaux de bruit plus faibles sans pour autant affecter l’atténuation à des niveaux de bruit plus élevés (Giguère et al., 2014, 2015). Enfin, les sons d’alarmes et d’avertissement peuvent être complétés ou remplacés par des signaux visuels ou tactiles afin d’aider les personnes malentendantes.

Le bruit intermittent pose un problème important puisque les PIBs passifs provoquent une dégradation de la communication pendant les intervalles de silence. Par conséquent, les serre-têtes antibruit, ou les dispositifs semi-insérés, seront les types de PIBs passifs préférés pour de telles conditions, car ils sont facilement enlevés et remis en réponse au caractère intermittent du bruit. Malheureusement, les bouchons d’oreille passifs sensibles à l’amplitude ne peuvent normalement pas être recommandés dans le bruit en milieu professionnel, car lorsque du bruit est présent, il n’est généralement pas d’un niveau suffisant pour activer leurs caractéristiques sensibles au niveau. Aussi, ce genre de PIB ne peut fournir une protection adéquate, en particulier aux basses et moyennes  fréquences. Heureusement, les PIBs actifs, dont l’atténuation dépend du niveau (sensible à l’amplitude), aussi appelé Protecteur auditif à rétablissement du son peuvent apporter une réponse pratique et satisfaisante au problème d’exposition intermittente au bruit, puisqu’ils peuvent devenir acoustiquement transparents pendant les périodes de silence, comme nous le verrons plus loin dans un chapitre à venir sur les Dispositifs avec atténuation dépendante du niveau (protecteur à rétablissement de son).

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Paupières d'oreilles - Tome I Droit d'auteur © 2023 par Jérémie Voix et Elliott H. Berger pour l'ensemble des chapitres du Tome I ainsi que Pegeen Smith pour le chapitre "Les tests d'ajustement des protecteurs auditifs" est sous licence Licence Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Pas de modification 4.0 International, sauf indication contraire.

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