3 Mécanismes et limites de l’atténuation de PIB

Elliott H. Berger et Jérémie Voix

Dans l’oreille non occluse, le trajet sonore dominant pour les sons venant de l’environnement extérieur va du canal auditif au tympan.  Cependant, dans l’oreille occluse, quatre voies sonores distinctes peuvent être identifiées comme illustré à la Figure 7: (1) les fuites d’air, (2) l’oscillation du dispositif de protection auditive, (3) la transmission structurelle à travers le et (4) la conduction osseuse et tissulaire.

Figure 7: (A) Voies sonores à travers un bouchon d’oreille, (B) voies sonores à travers un casque antibruit, (C) schéma synoptique des quatre voies sonores de l’oreille occluse. [Illustration par Elliot H. Berger et Jérémie Voix]

Fuites d’air

Pour une atténuation maximale, les s doivent essentiellement réaliser une étanchéité à l’air avec les parois de l’oreille ou les régions circum-auriculaires entourant le pavillon. Une fuite d’air peut réduire l’atténuation de 5 à 15 dB sur une large gamme de fréquences en fonction de la taille de la fuite. Les pertes les plus notables sont généralement observées à basses fréquences. C’est la voie clé à laquelle les défenseurs de l’audition et les utilisateurs doivent faire attention, car une fuite d’air peut affecter considérablement les performances du . L’existence de fuites d’air dues à un mauvais ajustement ou à un mauvais état des s est souvent ce qui différencie l’atténuation optimale obtenue en laboratoire de l’atténuation réelle lors de l’utilisation courante. D’autre part, une étanchéité parfaite à l’air ne garantit pas un niveau d’atténuation sonore maximal, car les trajets #2 et #3 peuvent être dominants, réduisant l’atténuation sonore globale indépendamment de l’étanchéité du .

Oscillation

En raison de la flexibilité de la chair de l’oreille, les bouchons d’oreille peuvent vibrer à la façon d’un piston, limitant ainsi leur atténuation des basses fréquences. Les serre-têtes antibruits vibrent également comme un système masse-ressort, la raideur du ressort dépendant des caractéristiques dynamiques du du dispositif et de la chair circum-auriculaire, ainsi que du volume d’air emprisonné à l’intérieur des s. Ce mouvement, aussi décrit comme un mouvement de corps solide, donne lieu à un phénomène de pompage qui limite l’atténuation des basses fréquences. Les valeurs d’atténuation maximales représentatives à 125 Hz pour les casques antibruit, les bouchons d’oreilles prémoulés et les bouchons d’oreilles en mousse sont respectivement d’environ 20 dB, 30 dB et 40 dB.

Transmission structurelle à travers le

Pour les bouchons d’oreilles, les surfaces extérieures d’un vibreront en réponse aux forces appliquées par les ondes sonores incidentes. Cette vibration se propage à travers le matériau protecteur et est transmise à sa surface interne où le mouvement résultant fait rayonner une onde sonore d’amplitude plus faible dans le volume fermé entre le et le tympan du porteur. Pour les matériaux non poreux, la quantité d’atténuation sonore dépend de la masse, de la rigidité et de l’amortissement interne du matériau du bouchon d’oreille. Cette transmission structurelle à travers le (trajectoire #3) et l’oscillation précédemment vue (trajectoire #2), sont des phénomènes couplés et représentent un continuum de propagation du son et des vibrations (Viallet et al., 2013). Pour un bouchon d’oreille fabriqué à partir de matériaux fibreux tels que le coton ou les matériaux poreux, le fait qu’il soit imprégné d’air réduira son atténuation puisque le son pénètre dans l’appareil comme s’il y avait beaucoup de minuscules fuites d’air.

Pour les casques antibruit, la transmission structurelle à travers les matériaux des s et des coussins limitera normalement l’atténuation acoustique pour les fréquences supérieures à 1 kHz. La transmission du son à travers les parois de la est distincte de celle due à l’oscillation du , qui est principalement due à la dynamique du coussin (Boyer et al., 2013).

Conduction osseuse et tissulaire

Même si les s étaient parfaitement efficaces pour bloquer les trois voies sonores précédentes, l’énergie sonore atteindrait toujours l’oreille interne (voir Figure 7c) via la conduction osseuse et tissulaire (“Bone Conduction” en anglais, acronyme conservé dans le texte) à travers le crâne. L’énergie transmise de cette manière contourne le protecteur, imposant une limite à l’atténuation de l’oreille réelle que tout peut fournir. Cependant, le niveau du son atteignant l’oreille par ce moyen est environ 40-50 dB en dessous du niveau de son conduit par l’air à travers le , comme illustré sur la Figure 8 où la performance de protections auditives doubles est également présentée (voir le chapitre Double protection). Les données proviennent de (Berger et al., 2003) et sont représentatives d’autres estimations de la littérature (Schroeter et Poesselt, 1986).

La contribution relative de l’énergie transmise par les voies est indépendante du niveau de bruit dans lequel le protecteur auditif est porté, donc même si les estimations sont généralement mesurées avec des signaux de test de bas niveau, les résultats correspondent aux effets trouvés aux niveaux supérieurs. De plus, la linéarité des voies est démontrée de manière approfondie par le travail de Clavier et al. (2012) qui utilise un modèle de tête conçu en respectant les caractéristiques mécaniques du crâne humain. Ils ont trouvé que les niveaux de pression acoustique à l’intérieur du crâne et l’accélération au niveau de l’os temporal étaient linéairement dépendants des niveaux de pression acoustique externes. À moins que l’atténuation des s ne se rapproche des limites de , ce qui est rarement le cas dans les applications de terrain en prenant en compte les trois voies précédemment vues, le son transmis par les voies n’est normalement pas un problème majeur.

Figure 8 : Limites de la conduction osseuse (BC) imposée à l’atténuation d’un PIB avec tête non couverte et avec tête et visage couverts, ainsi qu’un exemple de l’atténuation fournie par un bouchon d’oreille, un casque antibruit et les deux PIB combinés ensemble.

Puisque les régions de la tête autour de l’oreille externe ne sont qu’une petite partie de la zone totale du crâne exposée au son, les couvrir avec un casque d’oreille est peu important par rapport à d’autres facteurs plus influents sur l’atténuation du protecteur auditif. Par conséquent, la performance relative des bouchons d’oreille par rapport aux casques antibruit n’est pas, en pratique, évaluée en étudiant les voies , mais par des facteurs inhérents à la conception des s et à leur interface avec la tête. L’utilisation de avec un casque, qui ne couvre qu’une partie de la tête et comporte de nombreux trous à travers lesquels l’énergie sonore peut pénétrer, n’assure pas plus d’atténuation que le seul. Augmenter les limites d’atténuation de la conduction osseuse et tissulaire, tel qu’illustré à la Figure 8, exige d’enfermer complètement la tête dans un casque rigide muni d’un masque facial, comme les casques de vol décrits précédemment. Cela peut augmenter l’atténuation jusqu’à 10 dB aux fréquences supérieures à 1000 Hz.

Une question souvent posée est « pourquoi la limite d’atténuation à 2 kHz est-elle visible lorsque des dispositifs d’atténuation plus élevés sont portés ? ». La baisse n’apparaît qu’à des niveaux d’atténuation élevés, car elle est due aux limites de conduction osseuse qui ne sont pas approchées ou observées lorsque des valeurs d’atténuation plus faibles sont rencontrées. Il a été démontré que le pendage lui-même était dû à une résonance rotationnelle des osselets de l’oreille moyenne (Homma et al., 2009).

Références

Berger, E. H., Kieper, R. W. and Gauger, D. (2003). “Hearing Protection: Surpassing the Limits to Attenuation Imposed by the Bone-Conduction Pathways,” J. Acoust. Soc. Am., 114(4), 1955–1967. doi:10.1121/1.1605415

Boyer, S. W., Doutres, O., Sgard, F., Laville, F. and Boutin, J. (2013). “Sound Transfer Path Analysis to Model the Vibroacoustic Behavior of a Commercial Earmuff,” Proceedings of Meetings on Acoustics, 19(1), 040008. doi:10.1121/1.4800075

Clavier, O., Wilbur, J., Dietz, A., Zechmann, E. and Murphy, W. (2012). “Measurement of Bone-Conducted Impulse Noise from Weapons Using a Head Simulator,” J. Acoust. Soc. Am. 132 (3, Part2), p. 2014. doi:10.1121/1.4755453

Homma, K., Du, Y., Shimizu, Y. and Puria, S. (2009). “Ossicular Resonance Modes of the Human Middle Ear for Bone and Air Conduction,” J. Acoust. Soc. Am., 125(2), 968–979. doi:10.1121/1.3056564

Schroeter, J. and Poesselt, C. (1986). “The Use of Acoustical Test Fixtures for the Measurement of Hearing Protector Attenuation. Part II: Modeling the External Ear, Simulating Bone Conduction, and Comparing Test Fixture and Real-Ear Data,” J. Acoust. Soc. Am., 80(2), 505–527. doi:10.1121/1.394046

Viallet, G., Sgard, F. and Laville, F. (2013). “Influence of the External Ear Tissue Domains on the Sound Attenuation of an Earplug Predicted by a Finite Element Model,” in Proceedings of Meetings on Acoustics, 19(1), 040007. doi:10.1121/1.4800006


About the Auteures

Elliott est président de Berger Acoustical Consulting, LLC.  Auparavant, en tant que Division Scientist pour la multinationale 3M, il a étudié la protection auditive, la conservation de l’audition et les sujets connexes pendant plus de 40 ans.  Il est l’auteur de 20 chapitres de livres et de plus de 75 articles publiés, dont un grand nombre dans des revues évaluées par des pairs, a reçu un certain nombre de prix d’art oratoire et a enseigné à plus de 12 000 participants en Amérique du Nord, en Europe, en Afrique, en Australie et en Nouvelle-Zélande, dans le cadre de 143 séminaires d’une journée parrainés par E-A-R/3M sur la protection et la conservation de l’audition et la sensibilisation à l’audition.  Il préside le groupe de travail américain de l’American National Standard Institute sur l’atténuation des protections auditives, a fait partie d’un comité de la National Academy of Science sur la perte auditive dans l’armée et d’un comité de la National Academy of Engineering sur la technologie pour une Amérique plus silencieuse, est membre de l’Acoustical Society of America, ancien président de la National Hearing Conservation Association. Il est membre de l’ASA, ancien président de la NHCA, membre de l’American Industrial Hygiene Association et ancien président de son comité sur le bruit, ancien membre du conseil d’administration du Council for Accreditation in Occupational Hearing Conservation, lauréat du Lifetime Achievement Award de la NHCA, et a été récompensé lors de la conférence Acoustics Virtually Everywhere 2020 de l’ASA par une séance d’hommage à sa carrière.  Parmi ses sons préférés figure le battement argenté des feuilles d’un massif de bouleaux de rivière chatouillé par la fraîche brise du soir.

Physicien de formation et acousticien par passion, le professeur Jérémie Voix cumule plus de 25 années d’expérience en lutte contre le bruit en milieu de travail. Il siège à l’Association canadienne de normalisation (CSA) et participe activement à l’écriture des dernières normes sur la protection auditive (Z94 et Z1007) et sur la mesure de l’exposition au bruit (Z107). Membre actif de l’American National Standard Institute (ANSI), il était responsable de la toute récente norme ANSI S12.71 sur les tests d’ajustements (“fit-test”) des protecteurs auditifs. Depuis 2018, il prend part également à l’initiative “Make Listening Safe” sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Titulaire de la chaire de recherche industrielle ÉTS-EERS en technologies intra-auriculaires (CRITIAS), il développe avec son équipe les futures générations de dispauditifs (“hearables”).

Partagez ce livre