2 Chapitre 2.1 – Exploration spiralaire de mon identité écologique
Patricia-Anne Blanchet et Kara Edward
Par Patricia-Anne (Patchane) Blanchet et Kara Edward
Présentation des Auteures
À la rencontre de Patchane
Une voix pour dire les récits à transmettre
Des mots pour écrire les pas à suivre
Le sentier qui me guide vers ton enseignement
Apprendre la paix
(Joséphine Bacon, Kau minuat, Une fois de plus, 2023, p. 98)
Il y a des rencontres qui laissent plus de marques que d’autres. La rencontre de Patchane, c’est une rencontre qui laisse des traces indélébiles. Patricia-Anne Blanchet est une acrobate aux mille talents, passionnée de culture et de nature! Elle jongle entre autres avec les multiples chapeaux qu’elle porte – conseillère en pédagogie autochtone, chargée de cours, doctorante, artiviste, mère… La regarder faire tournoyer ces différents chapeaux melons, lapons et hauts-de-forme dans le but de former une ronde, c’est inspirant, voire hypnotisant. Malgré tout, ce qui reste le plus impressionnant, c’est de la voir jongler avec les torches brulantes de sa passion. Patricia-Anne, ta grâce presque équestre, déployée dans ta personnalité extravertie, fougueuse, enflammée et rebondissante, n’a d’égal que ta sensibilité et ta conscience des ondes, des éléments invisibles qui nous entourent. Ta vie, chère collègue, me semble être le pourtour d’une scène circulaire infinie dessinée par les mains de la lumineuse guide de cérémonie que tu es.
À la rencontre de Kara
Kara est une littéraire de haute voltige, une véritable aérialiste de la langue française. Sa passion pour la lecture et la littérature de jeunesse, ses dons de communicatrice et sa dévotion de pédagogue humaniste font de chaque collaboration un feu d’artifice! Dans ses mains agiles, les pages des albums jeunesse défilent, laissant jaillir des univers aux multiples possibles. D’apparence parfois timide, elle garde plus d’un tour dans son chapeau de clown intrépide! Pour cette circassienne émérite, la prouesse la plus périlleuse demeure assurément l’exercice du doctorat en éducation. Dument entrainée par son héritage en didactique du français, elle peut aussi compter sur ses multiples compétences comme chargée de cours ou coordonnatrice de projets de recherche qui brillent comme autant de paillettes sous un chapiteau en fête.
1- Ode hélicoïdale à nos relations!
– Hélicoïdal : « Se dit d’une inflorescence se ramifiant en alternance de part et d’autre de la tige principale, ce qui donne une forme en hélice à la disposition des pédicelles floraux » (Smyth, 2016).
Voilà un bien imposant vocable technique emprunté à la botanique pour ouvrir cette discussion autour des potentialités de l’approche culturelle en français et de sa didactique. Pour le dire plus simplement, nous pourrions parler d’un déploiement rotatif en forme de colimaçon, ce qui rappelle la place de la spirale à la gouverne des lois de l’univers! Sans nous épivarder davantage dans cette tentative métaphorique, nous pourrions dire que la tige de la fleur, soit l’axe central de notre hélice, est constituée de l’intention partagée de faire place à l’oralité et que la force inductive de son mouvement de croissance est la culture dans toutes ses ramifications qui concourent à la construction identitaire.
1.1 Ancrages de nos partages
L’activité pédagogique que nous proposons ici puise ses assises conceptuelles au confluent des didactiques du français et des arts vivants, tout en adoptant une approche culturelle s’inspirant, avec humilité, des fondements de l’éducation autochtone (Battiste, 2013). Cette contribution se veut une offrande à la collectivité en vue d’engendrer des pratiques empreintes d’holisme, c’est-à-dire qui tiennent compte de toutes les dimensions de la personne (tête, corps, cœur, âme) dans ses relations d’interconnectivité et d’interdépendance avec tous les êtres vivants, animés et inanimés, et tous les mondes, visibles comme invisibles (Graveline, 1998). Comme le préconise la huitième compétence professionnelle de la profession enseignante (gouvernement du Québec, 2020), notre proposition est résolument soutenue par le plaisir d’apprendre (plaisir de la langue, plaisir de la rencontre, plaisir du partage). Elle s’incarne sous la forme dialogique d’un échange épistolaire, qui s’appuie sur une relation d’amitié sincère entre nous, Patchane et Kara, deux collègues réunies autour d’une connivence avouée.
1.2 Comme un seul coeur battant pour la langue et la culture
Nous nous efforçons donc, dans ce chapitre, de ramener à l’avant-scène les dimensions orales et appréciatives, en valorisant leur apport pour la mise en œuvre de l’approche culturelle en enseignement du français.
Comme didacticiennes du français, nous soutenons une vision holistique de l’apprentissage qui évolue au long et au large de la vie (Battiste, 2013; Conseil canadien des apprentissages, 2009). Nous adoptons en ce sens une posture d’humilité culturelle pédagogique (Blanchet et coll., sous presse; Devarennes, 2021) basée sur la reconnaissance des réalités des Premiers Peuples et la valorisation de leurs savoirs ancestraux en éducation. Dans une visée de réciprocité, nous nous efforçons d’inclure leurs voix de manière culturellement pertinente. Nous nous engageons en ce sens à poser un regard réflexif et autocritique sur nos propres biais culturels en vue de les déconstruire.
Devant ce postulat, nous demeurons pour le moins ferventes défenderesses de notre discipline d’appartenance, « le français ». Cette conception propulse l’interconnectivité des trois compétences en français que sont « communiquer oralement », « lire des textes variés » et « écrire des textes variés ». Nous y préconisons le déploiement de stratégies permettant la synergie attendue par le développement de la compétence « apprécier des textes variés [oraux ou écrits] ». Nous croyons que cette complémentarité entre les compétences est essentielle, dans une optique où les compétences langagières et culturelles sont transversales à toutes les autres disciplines scolaires et qu’elles constituent les deux compétences fondatrices de la profession enseignante (gouvernement du Québec, 2020).
L’idée est ici d’aborder le français en imaginant, de manière hélicoïdale, le travail autour des compétences langagières pour soutenir la construction de l’identité écologique d’élèves du primaire. Cette conception de la langue favorise aussi l’ancrage et la mobilisation des apprentissages langagiers dans d’autres disciplines scolaires et contextes éducatifs. Simplement, on pourrait par exemple penser à la mobilisation de la compétence « communiquer oralement » pour apprécier une œuvre artistique dans le contexte de la discipline des arts.
Nous proposons une activité d’apprentissage ludique qui prend appui sur un support appelé Fiche signalétique de l’identité culturelle et écologique. Cet outil pédagogique a initialement été élaboré dans le cadre d’une recherche-action décoloniale en éducation portant sur la théâtralisation de récits de vie d’étudiantes autochtones (Blanchet et coll., (sous presse). Cette contribution permet d’entrevoir l’ampleur des possibilités pédagogiques que recèle notre champ de recherche, de pratique et de formation, et ce, au-delà des prescrits établis. Nous cherchons ici à voir l’apport d’une telle proposition pédagogique inédite pour soutenir le développement identitaire dans une approche culturelle au sein de la discipline français. Voici le pari qui sous-tend notre démarche :
Et si la lecture, l’écriture et l’oral s’alliaient pour coconstruire une approche culturelle en français, enracinée dans des rapports écologiques à soi, à l’Autre et au monde naturel, autant visible qu’invisible?1
2- Repères essentiels sur la dimension culturelle de l’enseignement du français
Bien que l’intégration de la dimension culturelle figure aux programmes de formation de l’école québécoise, l’actualisation concrète de l’approche culturelle de l’enseignement demeure évasive. Elle relève certes de la responsabilité de la personne enseignante qui doit d’abord se l’approprier pour la transmettre à travers des choix de référents qu’elle transpose en activités d’apprentissage (Nadeau, 2021). À l’instar de Nadeau (2021), nous partons ici d’une conception sociologique de la culture comme objet et comme rapport. « La culture comme objet désigne essentiellement un héritage collectif » (Falardeau et Simard, 2007, p. 133) qui renvoie à un « ensemble de savoirs, d’œuvres, de symboles et d’outils perfectibles […] élaborés au fil du temps afin de répondre à des questions sur le monde, à des problèmes, à des intérêts et à des besoins » (Simard, 2002, p. 5). La culture comme rapport (à soi, à l’autre, au monde) renvoie pour sa part à un « ensemble organisé de relations dynamiques d’un sujet situé avec des savoirs, des acteurs, des objets et des pratiques culturels » (Falardeau et Simard, 2007, p. 134).
2.1 Vision holistique de la culture dans ses rapports multiples
Selon la conception à laquelle nous adhérons et qui s’inscrit dans les visions autochtones du monde (Toulouse, 2016), la culture se développerait à la manière de cercles concentriques dont les contours poreux évoquent les liens relationnels qui se tissent entre les différents niveaux de rapports, que nous préférons ici désigner en termes de relations réciproques et évolutives. Par ailleurs, on peut remarquer dans la représentation schématique ci-dessous (figure 1) que les cercles ont tous la même base, ce qui met en lumière l’aspect de l’interrelation plutôt qu’une vision où une dimension en engloberait une autre. Les relations doivent avoir la même base dans le but de soutenir le développement de l’identité. Cette représentation n’est pas sans rappeler les œuvres miroirs, fenêtres et portes qui sont les œuvres soutenant les individus à cheminer vers la justice sociale, dans une perspective d’inclusion des différences (Bothello et Kabakow Rudman, 2009). Les œuvres miroirs permettent de voir son reflet dans les personnages et leur vécu. Les œuvres fenêtres permettent de poser un regard sur les réalités de l’autre et finalement, les œuvres portes mobilisent les apprentissages acquis par les premières et les deuxièmes dans le but de se positionner et de faire le choix de franchir la porte, d’entrer dans l’action vers la justice sociale.
2.1 Ancrage en didactique du français, volet oral
En didactique du français, à l’écrit comme à l’oral, l’approche par genres formels est souvent privilégiée en ce qu’elle permet de travailler en séquence à partir d’une approche d’enseignement explicite (Dolz et Schneuwly, 2009).
2.2 Quelques éclairages conceptuels
Comme nous l’avons mentionné, la compétence « communiquer oralement » est assurément la moins mobilisée en classe, ce qui nécessite de la camper théoriquement. Cette compétence orale doit être comprise dans son acception large, c’est-à-dire autant en production (parler) qu’en réception (écouter). Elle correspond à « [l]’aptitude à exprimer ses pensées et ses émotions, la maitrise des usages langagiers en contexte, la connaissance des scripts situationnels, la maitrise des genres oraux et l’aptitude à manier l’implicite en production comme en réception (Gagnon, 2005, p. 39) ». Le genre oral renvoie quant à lui à une pratique langagière socialisée, contextualisée et ritualisée qui peut se définir selon un ensemble de caractéristiques, tel que présenté dans le tableau placé en annexe A et inspiré des travaux de Lanctôt (2020) et du référentiel de Chartrand, Émery-Bruneau et Sénéchal (2015). Sans prescrire l’utilisation de cet outil, nous avons cru bon de le rendre disponible afin qu’il puisse être utilisé par les personnes enseignantes qui souhaiteraient approfondir l’activité avec leurs élèves. Ces repères concrets pour enseigner l’oral aident à coconstruire avec les élèves leur conception du genre oral à travailler en classe. Nous les avons mobilisés pour développer notre activité d’apprentissage.
3- Exploration collective et spiralaire de nos identités culturelles et écologiquesi
Réfléchir à son identité, c’est comme tenter de saisir l’esprit qui habite un arbre. Comment définir quelque chose d’aussi intangible? Des équipes de recherche ont réfléchi à la question et certaines ont tissé des connexions avec l’environnement : « L’identité, c’est un arbre aux floraisons multiples : ses racines transmettent le flux de la vie, et ses rameaux, feuilles et fleurs se marquent chaque année des caprices du temps et du climat. Loin d’une plante éphémère, l’arbre a un cycle de vie lent et long qui suit et survit aux générations humaines » (Lieberherr-Gardiol, 1987). Cette citation met en lumière que l’arbre se définit non seulement par son essence, mais également par tout ce qu’il a vécu, les vents qu’il a rencontrés et la richesse de la terre dans laquelle il réussit à s’enraciner. La compréhension de ce qu’est l’identité d’une personne s’avère tout aussi riche et multidimensionnelle.
L’activité que nous proposons s’inscrit certes dans une approche par genre, mais dépasse des caractérisations déjà formalisées dans les cadres de référence de la didactique du français, afin de rejoindre la vision holistique qui guide notre conception de la dimension culturelle dans un travail de construction identitaire. La notion de circularité est également au cœur des principes en pédagogie autochtone, en ce qu’elle met de l’avant les connexions entre les personnes et leur environnement, inscrits dans des cycles de vie millénaires (Chilisa, 2012). Mode ancestral de communication basé sur l’oralité, le cercle de parole favorise la rencontre et les partages authentiques, équitables et sansinterférence (Servigny et Chapelle, 2017).
Notre proposition pédagogique s’intitule Apprendre ensemble à se (re)connaitre et se (re)situer! Elle comporte cinq étapes de développement dont la progression peut être imaginée sur trois périodes d’enseignement. Elle prend appui sur un outil pédagogique appelé la fiche signalétique écoréflexive2 de nos identités culturelles, laquelle peut être consultée à l’annexe B. La figure suivante présente une modélisation flexible des étapes à suivre pour guider les apprentissages.
3.1 ÉCRIRE – Mise en mots sur musique : relation à soi
Le point de départ de cette activité pourrait mobiliser une question philosophique. Par exemple, il serait possible d’inviter les élèves à se demander quels sont leur place et leur rôle dans le monde. Dans le but de vous outiller adéquatement pour produire cette question de départ, nous vous recommandons la lecture du chapitre de Christophe Point qui aborde avec brio les éléments de philosophie pour élèves.
La première étape de l’activité est en lien avec la compétence « écrire ». Les personnes participantes seront appelées à remplir une fiche signalétique préconstruite et propice au développement et à l’expression de l’identité culturelle et écologique. Cette fiche se retrouve à l’annexe B du présent chapitre. Une de ses grandes forces réside dans le fait qu’elle est adaptable en fonction des besoins et des envies des personnes enseignantes. Il s’agit d’une étape d’introspection et de réflexion qui concernent nos relations au monde. Nous invitons les personnes enseignantes à instaurer un environnement musical propice à la rédaction. Pour ce faire, il est possible de proposer une liste de lecture composée de trames musicales dans lesquelles sont aussi présentes des ondes gamma, ondes reconnues pour soutenir la concentration3.
Un moment d’interaction est ensuite prévu pour que les élèves circulent et aillent à la rencontre de leurs pairs, afin de continuer de remplir leur fiche à partir de leurs échanges. L’exercice est à terminer à la maison en questionnant les membres de la famille ainsi que d’autres proches ou camarades qui pourraient apporter de la profondeur, de la nuance et de la richesse aux éléments retenus dans la rédaction de la fiche signalétique.
3.2 LIRE – Ronde des identités à deviner : tracer sa relation à l’autre
Toujours dans l’idée que l’activité mobilise toutes les compétences en français et que nous reconnaissons tant l’importance de l’écoute que de la parole dans la compétence orale, cette portion de l’activité permet un échauffement pour la composante de l’écoute. Comme l’expose Archibald Q’um Q’um Xiiem (2020), l’écoute à trois oreilles, soit avec les deux oreilles et le cœur, a toute sa place dans une activité où on doit livrer une partie de qui nous sommes à nos pairs. Sensibiliser les élèves à adopter une posture d’écoute consciente s’avère essentiel.
Concrètement, dans cette étape, la personne enseignante est invitée à distribuer, de manière aléatoire, les fiches signalétiques aux élèves, qui pourront ensuite lire, à voix haute de manière expressive, la fiche d’un de leurs pairs. Les personnes enseignantes pourront ensuite octroyer du temps de préparation aux élèves afin de les laisser s’approprier divers éléments du texte de leur collègue. À la suite d’une lecture expressive spontanée, la classe tente de découvrir l’identité de la personne qui a rédigé la fiche signalétique lue. Cette étape permet entre autres de sensibiliser les élèves à l’importance de l’écoute. Elle leur permet aussi de commencer à réfléchir à différents éléments d’expressivité qui seront nécessaires lors de la mise en voix et en corps de leur propre fiche.
3.3 INCARNER – Mise en voix et en corps
Cette troisième étape de l’activité est un moment où on invite les élèves à faire un échauffement complet, autant en ce qui a trait aux compétences en français qu’en ce qui concerne les besoins relatifs à la théâtralité.
D’abord, les élèves devront reprendre leur propre fiche signalétique et puiser dans la séance d’écoute pour mener cette étape de l’activité. Grâce à leurs connaissances et leur créativité, les élèves devront indiquer des intentions dramatiques dans la marge de leur travail. Cela pourrait, par exemple, se traduire par l’élève qui inscrirait en marge de sa feuille de faire un mouvement ondulatoire du bras lorsqu’il est question du vent qui caresse les feuilles d’un arbre.
Une fois cette annotation terminée, les personnes enseignantes sont invitées à animer un échauffement vocal et corporel afin de soutenir la capacité des élèves à théâtraliser et à préparer une prestation orale dans laquelle leur identité écologique pourra être incarnée. Le tableau 1 réunit des exemples d’exercices que la personne enseignante pourra sélectionner à sa guise.
Tableau 1. Exercices variés pour réaliser un échauffement vocal et corporel
Échauffement vocal | Proposer divers exercices ludiques et rapides visant à développer la projection, l’articulation, la prononciation, le rythme et la modulation de la voix : vocalises, virelangues, respiration abdominale, sifflement de serpent, bourdonnement d’abeille, bruit d’un moteur de voiture, etc. |
Échauffement corporel | Proposer divers exercices ludiques et rapides visant à développer l’aisance et l’amplitude corporelles, la présence scénique et la détente : visualisations, alignement de la colonne vertébrale, ancrage de l’algue ou du roseau, postures de yoga, centres d’énergie, équilibre de plateau, etc. |
Source : Blanchet (sous presse)
Les personnes enseignantes sont encouragées à permettre le travail en dyade dans le cadre de cette étape. En collaborant avec leurs collègues de la classe, les élèves seront en mesure de développer leur répertoire expressif. Il leur sera possible de répéter leur texte à la maison. Dans le cadre de la prestation devant la communauté composée de membres de la famille et camarades des élèves, les costumes et les accessoires sont autorisés (sur une base volontaire, il n’y a aucune obligation à en utiliser). À cet effet, il convient de faire parvenir aux parents quelques recommandations pour soutenir leur enfant.
3.4 EXPRIMER – Les richesses de mon identité écologique
Pour terminer la séquence, nous invitons les personnes enseignantes à planifier une prestation théâtralisée engagée vers la décolonisation où les élèves présenteront les éléments de leur fiche signalétique de manière vivante et animée. La communauté élargie sera conviée à cette présentation qui se déroulera en cercle. Si l’emplacement le permet, et dans le but de mettre en lumière l’importance du monde qui nous entoure dans le développement de notre identité, les personnes enseignantes peuvent inviter les élèves et le public à se positionner en cercle autour d’un arbre pour produire cette prestation et l’offrir en cadeau à l’arbre. Une activité comme celle proposée par Louis Gosselin dans le chapitre concernant l’approche culturelle en univers social pourrait tout à fait s’inscrire en prolongement à cette activité. En complémentarité à cette activité où la présentation est offerte à un arbre, nous proposons aux personnes enseignantes de faire une lecture interactive de l’album Debout comme un grand cèdre de Nicola I. Campbell, auteure nłeʔkepmx, syilx et Métis, qui met en relief, de façon douce et imagée, l’importance que le territoire revêt dans la construction identitaire.
Pour mener à bien la prestation et pour illustrer l’importance de l’individu dans la communauté ainsi que l’importance de la communauté dans la construction de son identité écologique, les personnes enseignantes peuvent planifier des phrases pivots évolutives, travaillées dans un chœur vocal qui reviendrait de manière séquentielle et récurrente lors de la déclamation. On pourrait penser, par exemple, qu’après cinq phrases dites de manière individuelle, une phrase en chœur serait prononcée. Ces phrases pourraient, par exemple, être libellées ainsi : Je suis unique, je suis sensible, je suis conscientisé·e, je fais preuve d’ouverture, je suis moi, etc.
3.5 APPRÉCIER – Ma création et celle de mes pairs
Avec la communauté qui se sera déplacée pour l’évènement, les personnes enseignantes pourraient partager une infusion locale pour échanger sur les différentes présentations. Cet échange avec les personnes venues assister à cet évènement permet une première itération du processus appréciatif de l’activité.
Il est important de reconnaitre la valeur de l’expérience vécue lors de cette activité, mais nous invitons les personnes enseignantes à réfléchir à un moment de partage intégrateur avec les élèves. En plus de revenir sur leur expérience, il leur serait alors possible d’exprimer leur appréciation selon cette proposition : « Quelles présentations ont le plus résonné (raisonné4) dans ta tête, ton corps, ton cœur et ton âme, bref, dans tout ton être? » Toujours dans une optique de manifester leur appréciation de leur propre production, mais également de celle des autres, les élèves pourraient conclure leur expérience en réalisant une représentation visuelle (dessin, peinture, collage, etc.) de leur identité écologique.
Prolongement
Dans le but de donner un accès pérenne aux élèves à leur production construite de manière collaborative dans le cadre de cette activité, un prolongement envisagé serait de produire un enregistrement audio ou vidéo de leur déclamation. Cet enregistrement peut se faire soit sous un format audio ou encore vidéo. Cela permettrait d’intégrer la compétence professionnelle à travailler avec les différentes technologies. Si les ressources le permettent, pourquoi ne pas envisager un enregistrement par drone pour avoir une trace à vol d’oiseau de cette production?
Transdisciplinarité
L’activité proposée dans ce chapitre permet non seulement à l’élève de prendre conscience de sa perception comme individu dans cet infini qu’est le monde qui l’entoure, mais aussi de la manière dont il ou elle trace la nature de ses relations à l’autre et au monde. Pour parvenir à tracer les différents cercles (voir figure 1), il faut comprendre ce qui constitue l’essence de chacun de ces cercles. À notre avis, cette prise de conscience est au fondement de toutes les disciplines scolaires en plus de permettre de tisser des liens entre les ramifications de toutes ces disciplines. Nous croyons donc que notre activité est fondamentalement transdisciplinaire et qu’elle peut être conduite dans toutes les classes et que les apprentissages qu’elle permet peuvent soutenir les apprentissages en lien avec toutes les disciplines, mais aussi les transcender et permettre aux élèves de construire leur identité écologique.
Fermer le cercle… ou le retracer?
Jamais une statue ne sera assez grande
Pour dépasser la cime du moindre peuplier
Et les arbres ont le cœur infiniment plus tendre
Que celui des hommes qui les ont plantés
Renaud, Fatigué, 1985
Notes de bas de page
1- Le monde naturel visible renvoie à tous les règnes qui coexistent sur la Terre mère (animal, minéral, végétal) et aux éléments (eau, terre, air, feu), alors que le monde naturel invisible renvoie à l’intangible qui ne peut être perçu par les cinq sens (rêves, visions, esprits gardiens, ancêtres, etc.) (Absolon, 2010).
i- De nombreux albums de littérature de jeunesse portant sur la question de l’identité peuvent être mobilisés en parallèle pour mener cette activité. Nous pensons entre autres à l’album Wowgwis de la tête aux pieds de Rebecca Thomas, auteure mi’gmaq.
2- Une fiche signalétique menant à réfléchir à son identité en tenant compte de la multiplicité des rapports écologiques à soi, à l’Autre, au monde social, au monde naturel visible et invisible.
3- Sur les différentes plateformes musicales, des pièces qui sont de durées et de genres variés mobilisent ces ondes. Il suffit d’inscrire « musique avec ondes gamma » dans la barre de recherche pour avoir accès à une grande variété de pièces.
4- L’utilisation des deux termes mis en commun vise à illustrer que des éléments dans la classe peuvent trouver écho chez les élèves, mais qu’ils peuvent également les faire réfléchir.
Annexes
Annexe A – Caractérisation du genre oral
Annexe B – Fiche signalétique écoréflexive de mon identité culturelle et écologique
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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