3 Chapitre 3.1 – La multiperspectivité pour enseigner l’histoire et la géographie selon une approche culturelle et écologique

Louis Gosselin

Par Louis Gosselin

Chapitre 3.1 (Version PDF)

Présentation de l’auteur

«Que diraient les arbres si on les écoutait?» (Laurent Tillon, 2021) 

Originaire d’une famille enracinée à différents endroits du Québec, j’ai développé une ouverture qui me permet aujourd’hui d’apprécier la richesse des particularités culturelles existantes sur le territoire. Fils d’une mère et d’un père enseignants, d’aussi loin que je me souvienne, j’ai été témoin d’échanges et de réflexions sur l’enseignement et le fonctionnement du système d’éducation québécois.

Mis à part avoir considéré brièvement une ou deux autres possibilités de carrière, mon alignement avec le monde de l’enseignement n’a jamais fait de doute, plus précisément en ce qui concerne mon intérêt pour l’histoire et la géographie du Québec et du monde en général. J’ai enseigné 12 ans en Abitibi1 à l’école secondaire de la ville d’Amos, la ville qui m’a vu naitre et grandir. Poussé par une volonté de m’ouvrir à d’autres perspectives pour enrichir la mienne, j’ai ensuite saisi l’opportunité d’enseigner dans une école francophone à Campbell River sur l’ile de Vancouver. Pendant quatre ans, j’ai été immergé dans un environnement où les liens entre la culture et la nature sont sans équivoque. En proximité avec une nature immense et fragile, j’ai vécu une expérience transformatrice à la fois sur les plans personnel et professionnel. J’ai côtoyé des êtres humains (collègues, ami·e·s, concitoyens et concitoyennes) et autres qu’humains (étoiles de mer, saumons, pruche occidentale, baleines, cèdre rouge, orques, pygargues, montagnes, neige, sol, air salin, pluie) qui m’ont permis de développer une sensibilité et une prédisposition au maintien de l’équilibre des écosystèmes qui enrichissent ma perspective de l’enseignement de l’histoire et de la géographie.

Au fil des années, j’ai eu le privilège de parcourir les territoires québécois et canadien de long en large. Cette expérience me permet aujourd’hui d’apprécier encore davantage les diversités culturelles localisées et ancrées dans l’environnement, liées à celui-ci. Malheureusement, ces diversités sont dévalorisées et invisibilisées par une société et un système d’éducation dont les mécanismes servent avant tout l’unité et l’uniformité de la société. Ainsi, j’ai la conviction qu’un rapport écologique à notre environnement repose sur la reconnaissance et le respect de ces diversités pour que les élèves considèrent d’autres perspectives pour enrichir leur manière de voir le monde.

Ma contribution au Collectif Éco-Lier s’inscrit dans une visée d’éducation à l’écocitoyenneté faisant la promotion du vivre-ensemble dans une communauté où l’on vise l’équilibre dans nos rapports avec nos concitoyennes et concitoyens humains et autres qu’humains.

Un témoin du passé qui est bien vivant

Quand je marche dans mon quartier, j’aime bien faire un détour pour saluer le Grand Sage du quartier. Le Grand Sage est un arbre immense. Il faut être au moins trois adultes pour l’encercler avec nos bras. C’est un érable majestueux!

Je ne pourrais pas dire depuis combien de temps il habite à cet endroit, mais à mon avis, il est plus vieux que la ville. Au fait, il faudrait que je sache quel âge a la ville parce que le Grand Sage est peut-être même encore plus vieux. Je pense qu’il a 200, peut-être 300 ans. Il est encore debout et bien vivant. Un jour, après quelques passages, j’ai remarqué qu’on l’avait muni d’un hauban pour l’aider à soutenir ses grosses branches qui frôlent le ciel. Des humains avaient pris soin de lui.

Quand je le croise, j’éprouve un profond respect et une admiration pour cet arbre citoyen. Parce que oui, c’est un citoyen. Il fait partie de la communauté. Il m’apparait évident qu’il ait été considéré dans la transformation du quartier. C’est comme si les humains lui avaient demandé son avis sur le plan des rues et l’implantation des maisons. Probablement que d’autres membres de sa famille n’ont pas eu droit au même traitement que lui. En rafale, plusieurs questions traversent mon esprit. Est-ce que d’autres êtres vivants, humains et autres qu’humains, apprécient sa présence? Suis-je le seul à lui avoir donné un nom? Pourquoi, lui, n’est-il jamais tombé lors d’une tempête? Personne n’a-t-il jamais eu l’intention de l’abattre pour construire une maison ou faire un meuble?

Sa présence est un marqueur du temps qui passe et de la société qui se transforme. De sa position, il a vu le monde se construire autour de lui. À mes yeux, il est une référence, un témoin de l’histoire, un repère culturel. Je suis prêt à l’écouter.

Et vous?

Présentation de la démarche

Dans ce chapitre, je vous propose une démarche réflexive et critique qui s’orchestre en cohésion avec une approche culturelle de l’enseignement des sciences humaines, dont les disciplines sont rassemblées dans le programme sous l’appellation du domaine de l’univers social.

Les activités suggérées vous invitent à aller à la rencontre d’un arbre qui vit dans l’environnement de votre école. En s’appuyant sur le principe d’éducation située, les personnes apprenantes sont amenées à mobiliser l’empathie historique pour inclure une pluralité de perspectives (Stradling, 2003). Le processus vise à rendre les élèves responsables de la construction du récit de leur communauté sur la base des différentes perspectives, dont celle de l’arbre. Vous devez comprendre, que dans une perspective écologique de nos rapports au monde, les activités situent l’arbre comme un citoyen portant une ou des perspectives, ayant acquis des connaissances et pouvant enseigner des savoirs aux élèves. Enraciné dans son milieu de vie, l’arbre peut alors être vu comme un passeur culturel pour les êtres humains et les autres qu’humains, un témoin de l’histoire et un gardien du territoire.  

Une écocitoyenneté qui évolue dans l’espace et dans le temps

Les enjeux de société que vivent (et vivront) vos élèves nécessitent une formation à lécocitoyenneté qui permet de réfléchir à leur rapport à la communauté et à lenvironnement. Quil sagisse de réfléchir aux enjeux liés aux changements climatiques, aux situations dinjustice ou aux inégalités sociales maintenues par le colonialisme et le système capitaliste, une approche culturelle en sciences humaines aide les élèves à se situer pour mieux comprendre les valeurs, les normes et les traditions qui construisent notre société. En vous appuyant sur des repères culturels signifiants aux yeux des élèves, il leur sera possible de développer leur pensée critique, d’accorder une place à la diversité et d’envisager des solutions à visée transformatrice pour faire face aux enjeux locaux, régionaux, nationaux et planétaires. 

Le rôle des repères culturels dans l’apprentissage des élèves

Dans les programmes du domaine de l’univers social, le concept de repère culturel est présent de manière explicite dans les contenus de formation. En fait, pour chaque réalité sociale observée, les repères culturels permettent aux personnes apprenantes de construire et d’enrichir leurs visions du monde. La sélection des repères culturels par les personnes enseignantes revêt une grande importance pour l’actualisation d’une éducation à l’écocitoyenneté.

« Recueillement », sable blanc sur carton noir, 28 cmx21.6, 2023
Maude Pelletier – « Recueillement », sable blanc sur carton noir, 21.6x28cm, 2023

Cependant, le PFEQ présente une conception des repères culturels qui entretient un rapport anthropocentrique et colonial avec le monde. C’est-à-dire que les repères culturels visent surtout à valoriser et consolider une expression de la culture qui fait abstraction de nos rapports écologiques avec le monde. Au primaire, on fait référence aux « réalités culturelles » comme des caractéristiques détachées des autres aspects de la société, notamment le territoire (gouvernement du Québec, 2006a). Au secondaire, il est précisé que les repères culturels peuvent prendre diverses formes « pourvu qu’ils revêtent une signification particulière sur le plan culturel » (gouvernement du Québec, 2006b, p. 350). On peut se demander quels sont ces éléments qui « revêtent une signification particulière ». De quel « plan culturel » s’agit-il? Or, la définition de la culture est orientée vers les représentations des êtres humains. À titre d’exemples de repères culturels, le programme réfère à « un événement, un produit médiatique, un objet de la vie courante […] aussi à des personnages, à une réalisation artistique, à une référence territoriale, à une œuvre littéraire, à une découverte scientifique, à des modes de pensée, etc. » (Ibid., p. 350).  

Réflexion
L’arbre est un repère culturel qui m’est apparu porteur pour une approche culturelle et écologique de l’enseignement en contexte québécois.
Pensez-vous à d’autres suggestions de repères culturels permettant de réfléchir à la manière dont nous construisons nos rapports au monde ?

La multiperspectivité pour enrichir notre vision du monde

La multiperspectivité se veut avant tout une approche inclusive qui permet de considérer un phénomène, un évènement ou un enjeu en prenant en considération une pluralité de perspectives venant ainsi nuancer notre compréhension et enrichir la construction de notre vision du monde (Smits et Tanghe, 2023). Plus précisément, la multiperspectivité s’exprime par une volonté de se détacher de sa propre perspective pour en considérer d’autres. En tant que personnes enseignantes, vous devez être vigilantes au fait que les perspectives personnelles sont influencées par leur contexte culturel (Smits et Tanghe, 2023).

Pour mieux comprendre la multiperspectivité, vous devez être en mesure de reconnaitre l’idée de perspective. Je propose ici de comprendre la perspective comme le regard que nous portons sur un objet d’étude ou l’angle avec lequel nous l’abordons. La perspective est donc partiale (subjective), partielle (incomplète) et située (appartenant à un contexte) (Haraway, 1988). En prenant l’arbre comme repère culturel, vous pouvez imaginer plusieurs perspectives à l’aide desquelles diriger votre regard. Ces perspectives peuvent notamment être de nature esthétique, utilitaire, émotionnelle, sociale ou écologique. La perspective se manifeste entre autres par le rapport que nous entretenons avec le repère, par la signification que nous lui donnons. L’oiseau, l’écureuil, l’enfant, la grand-mère, l’habitant de la ville, le forestier : tous portent leur propre regard sur l’arbre. Quant à l’arbre, quel regard porte-t-il sur l’Autre? 

Il faut s’attarder ici sur la nature située de la perspective, qui signifie qu’elle s’inscrit dans un contexte et qu’elle est nourrie des expériences vécues par les personnes (Mottier Lopez, 2016). Dans notre contexte, nous pouvons étendre la perspective située aux êtres vivants, humains et autres qu’humains. La perspective située nous amène alors à considérer l’élaboration d’activité selon le principe d’éducation située. Ce principe soutient que le contexte spécifique d’apprentissage et l’expérience concrète des élèves exercent une influence sur la nature des savoirs, ce qui rejoint en partie l’intention visée par l’approche culturelle de l’enseignement. En poursuivant avec l’exemple de l’arbre, on peut comprendre que les perspectives sont situées en fonction de l’angle d’observation. Est-ce que notre perspective à l’égard de l’arbre sera la même pour l’arbre de la forêt que pour l’arbre dans notre cour arrière? Est-ce que l’arbre de la ville a la même perspective de ses relations avec les êtres vivants que celui qui est situé dans un territoire protégé? C’est pourquoi il semble essentiel, dans la volonté d’inclure de multiples perspectives, de prendre une distance quant à la nature des perspectives soutenues en classe, que ce soit par les personnes enseignantes ou par les élèves.  

Réflexion
Prenez quelques instants pour réfléchir aux perspectives qui nourrissent votre vision du monde, la manière dont vous envisagez votre relation aux autres humains et aux autres qu’humains. Tentez de prendre conscience des perspectives qui orientent votre enseignement de l’histoire. Par vos expériences et par vos pratiques enseignantes, quelle vision particulière du monde contribuez-vous à construire chez vos élèves?

Le Choix des perspectives à l’étude

Afin dinclure plusieurs perspectives dans lenseignement, je propose de nous inspirer de la stratégie de comparaison meanwhile, quon peut traduire par «au même moment» (Stradling, 2003, p.19). Dans le but de construire une version plus juste de lhistoire, cette stratégie invite à inclure des perspectives complémentaires à la perspective dominante, habituellement la seule présentée. Elle fait entre autres appel au développement de lempathie historique, habileté qui est imagée par lexpression «se mettre dans les souliers de quelquun dautre» [traduction libre] (Stradling, 2003, p.14). Ainsi, dans une visée culturelle et écologique de lenseignement, la stratégie de comparaison permet de donner une voix aux perspectives des «autres», qui sont rendues invisibles par la trame du récit adoptée par le programme officiel. En misant sur le repère culturel de larbre, vous amenez les élèves à se demander, au même moment, quelles perspectives sont portées par larbre. Dans le contexte où vous souhaitez amener les élèves à réfléchir à leur rapport au monde en tant que membres de la communauté des vivants, votre posture enseignante revêt une importance cruciale. Avant même denvisager la mise en œuvre de la multiperspectivité en classe, vous devriez dabord réfléchir à votre position à légard de lenseignement de lhistoire et de la géographie, et ce, plus spécifiquement en lien avec les enjeux qui seront abordés. Puis, en tant que guides, vous devriez offrir lopportunité aux élèves de reconnaitre lexistence de cette diversité de perspectives. Il sera possible ensuite pour vos élèves et vous-mêmes de mobiliser la multiperspectivité dans une situation denseignement-apprentissage visant une transformation de notre vision du monde. 

Réflexion
Quelle est votre posture à l’égard de l’inclusion d’autres perspectives? Présentez-vous celle qui est privilégiée par le programme officiel? Vous arrive-t-il de remettre en question certaines perspectives ou d’en prioriser d’autres? Dans le cas où vous tenez compte de plusieurs perspectives, quels critères orientent votre sélection de perspectives? Dans l’enseignement de l’histoire, quelle place accordez-vous aux perspectives de vos élèves?

Réunir nature et culture dans la construction de nos rapports au monde

Pour l’enseignement au primaire, le programme Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté invite à « l’intégration de la dimension culturelle dans l’apprentissage et l’enseignement » (gouvernement du Québec, 2006a, p. 170). Or, les contenus du programme supportent, sans l’identifier comme tel, l’héritage culturel d’une vision coloniale sur le plan politique dont les principaux changements s’inscrivent dans une visée économique d’exploitation des ressources. En enseignant les contenus du programme sans adopter une distance par rapport à ce que ceux-ci supportent, vous risquez d’entretenir une logique de reproduction des savoirs issus de l’héritage colonial, contribuant à maintenir les élèves dans un rapport de domination de l’humain sur la nature, en particulier sur les êtres vivants autres qu’humains. Par exemple, notre rapport aux végétaux, aux animaux et à l’eau est forgé par une vision extractiviste des ressources, qui est soutenue dans le programme par des associations entre la construction de bateaux, de maisons ou d’objets dans une perspective économique, dans sa fonction « utile » pour l’humain. En histoire ou en géographie, la forêt n’est pas présentée comme un milieu de vie dans une perspective écologique. En effet, dans la perspective anthropocentrée et spéciste (soit celle qui considère l’humain comme un être supérieur aux autres êtres vivants), l’arbre est considéré comme un objet. Une approche culturelle et écologique invite à considérer l’arbre comme un être vivant doté de subjectivité.

Dans l’intention de nous situer comme des êtres écologiques partageant l’environnement avec une communauté de vivants, je vous invite à considérer une diversité de perspectives via les repères culturels que vous choisissez de présenter aux élèves. Dans le processus vous guidant dans la sélection des repères culturels, une réflexion s’impose quant aux perspectives (les vôtres, celles des humains et des autres qu’humains et celles véhiculées par le programme officiel) et ce qu’elles soutiennent quant à nos rapports au monde. 

Réflexion
Sur le plan de la construction de la vision du monde, de l’identité et du pouvoir-agir, quelles limites percevez-vous dans les perspectives majoritairement adoptées par le programme officiel en ce qui concerne les rapports entre les arbres et les humains?

Quelques pistes d’activités

Activité 1 : Réfléchir à sa perspective située

Cette première activité a pour intention de vous amener (vos élèves et vous) à vous situer par rapport à l’idée de communauté des vivants et interroger vos perspectives quant aux rapports que vous entretenez avec l’arbre. En d’autres termes, il s’agit de réfléchir à votre ouverture à considérer d’autres perspectives que la vôtre ou que celle supportée dans le PFEQ. Prenez un instant pour réfléchir à :

  • votre perspective
  • celle du PFEQ
  • celles des autres
  • celles qui ne sont pas considérées

 

Je propose ici une réflexion guidée, qui peut être réalisée en groupe de discussion, de façon individuelle ou en combinant les deux. Vous devez prendre en considération les paramètres de votre groupe pour adapter l’intervention en fonction de l’intention visée.

Plan de questionnement pour les personnes enseignantes et les élèves.  

  • Est-ce que l’arbre est important dans ta vie? Pourquoi?
  • Quelle est ta relation avec l’arbre? A-t-il un ou des rôles précis? Avez-vous la même importance?
  • As-tu un arbre préféré? Penses-tu à un arbre en particulier?
  • Crois-tu que l’arbre a toujours été comme tu le vois maintenant?
  • Qu’est-ce qui a changé? Qu’est-ce qui est resté pareil?
  • Quel âge a l’arbre? Comment le sais-tu?
  • Pourquoi et pour qui l’arbre est-il important? *Amener les élèves à considérer d’autres humains et d’autres qu’humains, comme les gens qui font un piquenique, les oiseaux, les insectes, etc.
  • Quelle relation entretiennent ces êtres vivants avec l’arbre?
  • Lorsque tu regardes un arbre, que vois-tu? *Explorer les représentations des élèves.
  • À qui offrirais-tu un arbre en cadeau? Pourquoi?

Activité 2 : L’arbre, mon concitoyen

Cette activité amène les élèves à prendre conscience de la présence d’êtres vivants autres qu’humains comme témoins de l’histoire et habitants des lieux. Elle permet de considérer une perspective qui accorde un rôle ou une fonction autre que celle de ressource. Chaque personne choisit un arbre qui fait partie de sa communauté; avec lequel il ou elle entretient une relation, une histoire.

Vous devez maintenant identifier un arbre qui fait partie de votre communauté et qui est important pour vous. Chaque personne (enseignante et apprenante) peut identifier l’arbre de son choix. Pour certaines des questions, vous n’aurez peut-être pas la réponse précise. C’est normal. Vous pouvez alors formuler une hypothèse (je pense que) ou avancer une approximation (environ…).

A) Ce qui définit mon arbre concitoyen
  • Où est situé cet arbre (sur le terrain de ta maison, dans la forêt, dans un parc)?
  • À quel moment le rencontres-tu?
  • Est-ce que cet arbre a un nom?
  • Est-ce un feuillu ou un conifère?
  • Connais-tu son essence?
  • Pourquoi cet arbre est-il important pour toi?
  • Y en a-t-il d’autres comme lui?
  • Quelles sont ses caractéristiques? Ses qualités? Ses défauts? Qu’a-t-il de particulier pour que tu lui accordes une place spéciale?
B) L’arbre est un repère de temps 
  • À quel stade de sa vie est cet arbre (enfant, adolescent, adulte, ainé)?
  • Quel âge a-t-il? 5 ans, 50 ans, 500 ans?
  • Crois-tu qu’il soit né à cet endroit? Comment le sais-tu?
  • Est-ce que cet arbre est un arbre-parent? Pourquoi penses-tu cela?
  • Qu’est-ce que cet arbre a vu ou a pu voir dans sa vie? De quel évènement a-t-il été témoin dans le passé de la communauté?
  1. Je pense que… parce que…
  1. J’imagine que… parce que…
  • Pourquoi crois-tu que cet arbre a pu vivre aussi longtemps? Vivra-t-il encore longtemps selon toi? Est-il en sécurité? En danger? Pourquoi?
  • Qu’est-ce qu’il aime de la communauté dans laquelle il vit? Qu’est-ce qu’il aime moins?
C) Représentez votre arbre concitoyen à l’aide d’un dessin 

On vous invite maintenant à dessiner votre arbre concitoyen. Vous pouvez ajouter autant de détails que vous le souhaitez : son écorce, ses feuilles, ses branches, un nid d’oiseau, un trou, une branche cassée, etc.

N’oubliez pas d’ajouter des informations qui permettent de l’identifier.

Activité 3 : Réfléchir à la ou aux perspectives existantes

Vous devez identifier les différentes perspectives présentes dans nos rapports avec l’arbre.

Quelles perspectives l’être humain peut-il porter sur l’arbre?

Quelles perspectives l’arbre peut-il porter sur l’être humain et sur les autres qu’humains?

Est-ce que ces perspectives ont toujours existé? Est-ce que certaines perspectives naissent en fonction de l’évolution de nos rapports au monde?

Comment les perspectives et les regards que l’on porte aux autres, aux évènements et aux phénomènes arrivent-ils à évoluer ou à changer?

Activité 4 : Une sortie sur le terrain pour aller à la rencontre de l’arbre

Cette activité nécessite une préparation en amont afin d’obtenir les autorisations exigées pour une sortie à l’extérieur du terrain de l’école.

A) Avant la sortie : identifiez un arbre 

Impliquez les personnes apprenantes dans le processus de décision permettant de choisir un arbre. Différentes options s’offrent à vous :

  • Effectuez une première sortie avec les élèves pour faire une exploration permettant d’identifier des arbres qui provoquent une attraction, qui suscitent un intérêt. Cette démarche amène les personnes apprenantes à justifier leur choix. Pourquoi cet arbre?
  • Avant la leçon, vous pouvez prendre des photos de quelques arbres situés dans le quartier environnant de l’école et les présenter en classe pour faire le choix d’un arbre. Cependant, cette option fait moins appel aux sens et aux émotions que peut générer l’expérience en contexte avec l’arbre avec lequel vous invitez les personnes apprenantes à entrer en relation.
  • Dans le cas où le temps est une contrainte majeure, il demeure possible de passer sur l’étape « Identifiez un arbre », en choisissant vous-même l’arbre pour la classe. Il demeure pertinent que vous expliquiez votre choix. Vous pouvez également demander aux élèves : « Pourquoi croyez-vous que j’ai choisi cet arbre? »

 

Dans un contexte où plusieurs arbres sont accessibles (forêt, boisé, etc.), la même démarche peut être effectuée de manière individuelle, c’est-à-dire pour chaque personne apprenante. Évidemment, cette démarche nécessite plus de temps et d’organisation sur le terrain.

B) Le jour de la sortie

Vous devez amener les personnes apprenantes à l’endroit où se trouve l’arbre.

 

Être à l’écoute de l’arbre 

  • Une fois à proximité de l’arbre, accordez quelques minutes aux élèves pour observer l’arbre dans son environnement. Insistez sur le fait que l’observation se fait avec les sens (ce que je peux voir, toucher, sentir, écouter, ressentir). Vous pouvez proposer une grille d’observation ou simplement demander aux élèves de retenir les informations.

*Notez que dans ce contexte, même s’il demeure pertinent pour établir un rapport culturel et écologique avec l’arbre, le sens du gout est déconseillé, surtout si vos connaissances sont limitées en ce qui concerne les végétaux comestibles.

  • Ensuite, formez un cercle dont l’arbre fait partie intégrante. Cela permet d’inclure l’arbre dans la discussion et de le situer comme être vivant pouvant contribuer à la construction de notre vision du monde.

Partage des observations 

En groupe, assis ou debout, invitez les personnes apprenantes à partager leurs observations : « Qu’as-tu vu? Qu’as-tu entendu? Qu’as-tu senti? Qu’as-tu touché? Qu’as-tu ressenti?
La perspective de l’arbre 

Puis, pour développer l’empathie et adopter la perspective de l’arbre, invitez les personnes apprenantes à formuler des inférences et des hypothèses en lien avec leurs observations.

  1. Il me semble que l’arbre…
  1. Je pense que l’arbre…
  1. J’ai remarqué que l’arbre…
  1. L’arbre me fait penser à…

 

S’intéresser à l’arbre et ses qualités 

Susciter l’intérêt des élèves en les questionnant sur les caractéristiques particulières de l’arbre. Par exemple, l’essence de l’arbre, son âge ou sa date de naissance. À quel stade de sa vie est-il rendu? Par exemple, cet arbre est-il un arbre enfant, parent ou grand-parent? Quels rapports l’arbre entretient-il avec le monde, avec les autres êtres vivants (humains et autres qu’humains)? Autres particularités ou caractéristiques observables.

 

*Notez que cette étape représente une bonne occasion d’établir des liens interdisciplinaires avec les contenus en sciences (par exemple, la reproduction des arbres, les manières d’estimer l’âge, la hauteur de l’arbre, la diversité des essences, les régions climatiques, physiologiques, etc.). Les réponses et réflexions des élèves peuvent être recueillies de plusieurs manières (enregistrement audio, tableau, schéma, texte, dessin).

 

Situer dans le temps 

Selon le niveau des élèves, les amener à situer la naissance de l’arbre dans le temps en comparant avec d’autres repères (personnes, évènements, période historique) de la vie des personnes apprenantes, par exemple : avant ou après ma naissance? Avant ou après celle de mon grand-père? Était-il là avant l’arrivée des premiers humains sur le territoire? etc.

Activité5: Mener une recherche sur lhistoire de mon quartier 

Cette activité amène les personnes apprenantes à construire leur interprétation de lhistoire à partir de la perspective de larbre au fil du temps. 

A) Sur le terrain (les racines)

Profitez de votre présence sur le terrain pour amener les élèves à interroger les personnes habitant dans le quartier.

  • Interviews des résident·e·s et des passant·e·s pour obtenir des informations sur l’arbre et sur l’histoire de la communauté.
    • Depuis quand habitez-vous dans le quartier?
    • En quelle année votre maison a-t-elle été construite?
    • Depuis quand habitez-vous ici, est-ce que l’arbre a toujours été là?
  • Recherche de traces du passé dans le quartier, par exemple en identifiant des repères reliés au patrimoine bâti. Nous pourrions penser à des dates sur les bâtiments.
La recherche et la sélection d’informations dans la documentation (les racines et le tronc)

Selon les moyens technologiques et la documentation disponible concernant l’histoire de votre quartier, la recherche d’informations amène les personnes apprenantes à explorer les différentes sources d’information de l’histoire locale. Par exemple :

  • Dossier d’archives de la société d’histoire
  • Carte de la municipalité
  • Livre commémoratif de la municipalité
  • Témoignage des membres du voisinage (p. ex., des personnes ainées, des passant·e·s, des résident·e·s à proximité de l’arbre)
  • Traces du passé dans l’environnement
Construire une interprétation de l’histoire de mon quartier, de ma ville à partir de la perspective de l’arbre (les branches et les feuilles)

Les cernes de l’arbre sont des signes du temps qui passe. Ils permettent de se situer dans le temps de la même manière qu’on peut le faire avec une ligne du temps « conventionnelle ». À la suite de la recherche, les personnes apprenantes sont amenées à sélectionner différents documents qui permettent de raconter l’évolution de votre communauté (quartier) en y associant les informations selon l’âge de l’arbre.

  • À partir de la souche de l’arbre ci-dessous, la personne apprenante sélectionne un fait ou un évènement qui peut être associé à chaque temps de la vie de l’arbre. *Évidemment, selon l’arbre qui aura été choisi, la durée déterminée va varier.
  • Pour chaque période, vous devez identifier la perspective de l’arbre en fonction de l’évènement (qui s’est produit à ce moment). Quelle a été sa réaction? Était-il favorable ou défavorable à cet évènement?

Exemples de réponses selon la perspective de l’arbre :

En 1905, l’arbre est plutôt défavorable à la construction de la maison. Il a vu certains de ses semblables être coupés et utilisés pour le chauffage de la maison. Tout comme lui, des êtres humains s’enracinent sur le territoire en construisant une maison. Depuis ce temps, la maison fait partie de son environnement. Il fournit de l’ombre aux personnes qui habitent la maison lors des journées chaudes.

 

En 1970, l’arbre s’inquiète de l’aménagement du territoire. L’augmentation de la population humaine coïncide avec la diminution de la population des êtres vivants autres qu’humains (arbres et autres végétaux, cerfs, poissons, oiseaux et autres animaux).

 

En 2024, l’arbre est en faveur, même heureux de la décision des autorités municipales. Sans que cela garantisse sa survie, il constate un certain niveau d’empathie à son égard. Il apprécie que les êtres humains reconnaissent sa valeur culturelle.

Pour approfondir les apprentissages :

Une période vouée à une activité visant à promouvoir des perspectives multiples à l’égard de l’arbre avec une visée transformatrice ou émancipatrice. 

  • Répéter l’expérience avec un autre repère culturel pour construire la perspective culturelle et écologique du rapport au monde
  • Retourner à la rencontre de l’arbre à différents moments de l’année
  • Faire une excursion en forêt (diner, rallye photo, etc.)
  • Visiter une entreprise (artisanale, industrielle)
  • Contribuer à la protection d’un arbre par une mobilisation citoyenne
  • Écrire une lettre aux élu·e·s au nom de l’arbre pour les conscientiser à une problématique concernant la règlementation des arbres
  • Planter des arbres, donner un arbre à une personne
  • Récolter du bois et construire un objet en bois (geste altruiste)

Notes de bas de page

1- Il est à noter que le nom officiel, Abitibi, provient du nom anichinabé Apitipi.
Apitipik se prononce a-pi-ti-pik. Apitipik signifie « aux eaux mitoyennes » en référence à la ligne de partage des eaux entre les bassins versants de la Baie James et du St-Laurent. Gouvernement du Québec. (2012). Commission de toponymie du Québec. https://toponymie.gouv.qc.ca/ct/ToposWeb/Fiche.aspx?no_seq=116

Ressources et lectures inspirantes 

Donaldson, S. et Kymlicka, W. (2016). Zoopolis : une théorie politique des droits des animaux (P. Madelin, trad.). Alma.

Leboeuf, M. (2018). Paroles d’un bouleau jaune : tu n’es pas un individu, tu es un écosystème. Multimondes. 

Tillon, L. (2021). Être un chêne : sous l’écorce de Quercus. Actes Sud. 

Van Meter, P., List, A., Lombardi, D. et Kendeou, P. (dir.) (2020). Handbook of Learning from Multiple Representations and Perspectives. Routledge. 

Vergnolle Mainar, C. (2007). Quelle convergence entre la géographie et l’histoire dans une perspective d’« éducation à l’environnement pour un développement durable »?. Éducation relative à l’environnement, 6. https://doi.org/10.4000/ere.3986  

Wall-Kimmerer, R. (2021). Tresser les herbes sacrées : sagesse ancestrale, science et enseignements des plantes. Le lotus et l’éléphant. 

Zhong Mengual, E. (2021). Apprendre à voir : le point de vue du vivant. Actes Sud. 

Références bibliographiques 

Gouvernement du Québec. (2006a). Chapitre 7. Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté. Programme de formation de l’école québécoise.

Gouvernement du Québec, (2006b). Chapitre 7. Histoire et éducation à la citoyenneté. Programme de formation de l’école québécoise : enseignement secondaire, premier cycle. https://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PFEQ/prfrmsec1ercyclev2.pdf

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