4 Chapitre 4.1 – Contextualiser les sciences par le récit de vie et la pédagogie du lieu

Kassandra L'Heureux

Par Kassandra L’Heureux

Chapitre 4.1 (Version PDF)

Présentation de l’auteurE

Mes souvenirs les plus anciens me ramènent au milieu d’un lac au cœur d’une forêt, située à plus de deux heures au nord de la Manawan. J’ai grandi à cet endroit. Je me rappelle très bien partir à bord de mon canot sur le lac, à l’heure où le soleil commence à disparaitre, pour aller « sauver » les libellules qui, en voulant se nourrir, restaient captives de l’eau. Selon mes parents, je devais avoir 5 ans à ce moment-là. J’ai toujours affectionné ces insectes, au départ parce que j’avais compris que plus il y en avait, moins il y avait de moustiques, mais aujourd’hui parce que je comprends qu’ils sont sur Terre depuis plus de 200 millions d’années et qu’ils y « habitent » autant, sinon plus que moi.

« Les histoires apportent la nature dans la culture et attribuent un sens aux lieux, aux espèces et aux processus qui resteraient autrement silencieux à l’oreille humaine» [traduction libre] (Sinclair, 2001, p. 22)

C’est en me questionnant sur mes souvenirs les plus anciens que j’en arrive aujourd’hui à dire que les lieux de mes expériences font partie de moi et façonnent ma personnalité. Depuis ces deux dernières années, j’ai eu la chance de fréquenter plusieurs endroits sur la Terre. Je n’ai « habité » à aucun de ces endroits, n’y étant restée que quelques mois. Ces lieux traversés ont pourtant laissé au passage une marque sur ma personnalité, sur ma vision du monde. Ce sont les récits de mes apprentissages, ceux capturés entre deux continents, cet émerveillement et mes innombrables questionnements qui ont formé la personne que je suis aujourd’hui, qui alimentent mes réflexions et mon rapport au monde.

Est-ce que tu savais?

Est-ce que tu savais que la pluie a une odeur? Qu’un nuage peut peser plusieurs tonnes? Qu’on retrouve des champignons dans tous les écosystèmes? Que les arbres communiquent entre eux? Ces informations, je les ai apprises au courant des deux dernières années. C’est en marchant vers l’université pour donner un cours de sciences, zigzaguant entre les vers de terre, que je me suis demandé pourquoi il y a une odeur particulière lorsqu’il pleut. J’ai fait confiance à la technologie, j’ai pris les choses en main (mon téléphone) et j’ai demandé à ChatGPT de m’aider. Je suis arrivée dans le cours trempée, mais toute contente de proclamer devant 45 personnes étudiantes, que cette journée-là, j’ai appris que l’odeur fraiche et terreuse de la pluie est due au phénomène de « pétrichor », le résultat d’un mélange de parfums libérés par la terre et les plantes lorsqu’elles sont mouillées1. J’étais tellement fascinée par ma découverte que je ne me suis même pas demandé ce qu’allaient penser les personnes étudiantes. Qu’allaient-elles penser du fait que leur enseignante ait demandé une information à ChatGPT, n’était-elle pas censée tout savoir? En fait, j’espère qu’elles ont su y voir une femme dans la trentaine qui se pose encore des questions et qui s’émerveille devant l’infinie complexité du monde scientifique. J’espère que mon sourire imposant et mon énergie débordante ce matin-là ont rappelé à leur mémoire l’image d’un enfant qui observe et découvre le monde.

Des sciences contextualisées

Historiquement, les sciences dites naturelles (astronomie, biologie, chimie, géologie, physique, etc.) ont longtemps été associées à une approche rigide, axée sur des méthodes établies depuis de nombreux siècles. Peut-être même que cette perspective vous ramène à vos souvenirs du secondaire, aux rapports de laboratoire que vous deviez rédiger. Cette vision des sciences, souvent comprise comme un cadre « universel », « objectif » et axé sur « la vérité », suppose qu’elles soient considérées comme indépendantes de leurs contextes sociaux et culturels. Cette vision est incomplète, puisque les sciences sont fortement contextualisées. C’est-à-dire qu’elles sont ancrées dans des contextes culturels, sociaux, géographiques, etc. La perception de ce qui constitue les « faits scientifiques » varie selon la définition et la perspective du monde ainsi que la culture de la personne qui observe. Notre compréhension des phénomènes scientifiques est influencée par notre expérience. Grâce à elle, nous arrivons alors à des conclusions comme celles-ci : « Le brouillard se forme surtout au lever du jour; les nuages sont constitués d’eau; il y a du brouillard et de la buée dans la salle de bain quand je prends ma douche; les voitures et les personnes font de la “fumée” l’hiver, mais pas l’été » (Potvin, 2011, p. 168). Toutefois, une distinction importante existe entre la formation du brouillard et de la fumée. Le brouillard provient de l’évaporation qui accumule la vapeur d’eau dans l’air jusqu’à saturation et condensation. La fumée, elle, est un mélange de gaz et de particules solides. Ces conclusions, souvent qualifiées de conceptions (Giordan, 1998; Potvin, 2011; Vosniadou, 2008), constituent un ensemble de croyances qui influencent profondément notre façon de voir le monde. Nous développons ces croyances dès notre enfance et elles constituent un cadre à travers lequel nous interprétons et assimilons de nouvelles informations. Toutefois, ce cadre n’est pas immuable; il peut évoluer au fil du temps et de nos expériences, notamment lorsque nous sommes devant de nouveaux points de vue ou des données contradictoires, ce qui peut conduire à un changement de convictions (Vosniadou, 2008). Les sciences sont donc influencées par notre vécu, qui comprend notre histoire, notre milieu de vie, nos interactions, etc.

Tous et toutes, nous portons un regard particulier sur le monde, un monde auquel nous appartenons, auquel j’appartiens. Je ne me considère pas comme extérieure aux phénomènes que j’observe. Le matin de ma marche vers le cours de sciences, par exemple, j’ai été transportée dans le monde des lombrics et j’ai aussi vécu un dilemme moral intérieur : que faire des vers de terre? Dois-je les éviter, tenter de les ramasser pour les déposer sur le gazon? Non! S’ils en sont sortis, il doit y avoir une raison. Est-ce qu’un ver de terre peut mourir noyé? Si je l’écrase, est-ce que les oiseaux vont le manger quand même? Est-ce que les pêcheurs ramassent des vers de terre les jours de pluie pour les utiliser comme appâts? Est-ce un métier, ramasseur de vers de terre? Combien de vers de terre peut-on ramasser dans une journée? Cette journée-là, j’ai choisi de marcher à l’aveugle. J’ai écrasé plusieurs vers de terre.

Je constate que les sciences sont partout autour de nous et qu’elles façonnent notre vision du monde. La relation entre les sciences et les sociétés est profonde et complexe, elle influence nos vies, nos croyances et nos perspectives. En plus d’être à la base des innovations technologiques qui modifient notre mode de vie et nos moyens de communication, elles influencent aussi la santé, la politique et même l’économie. Les découvertes scientifiques élargissent notre vision du monde en fournissant de nouvelles perspectives sur l’univers, sur les vivants (humains et autres qu’humains), sur la complexité des systèmes naturels et sur les multiples relations entre chacun de ces éléments. En posant un regard scientifique sur le monde, notre responsabilité envers la planète, nos réflexions concernant ce qui est éthiquement acceptable, ou non, ainsi que la perception de notre place dans le monde peuvent être transformées.

La contextualisation par le récit de vie

Raconter une histoire, faire vivre les apprentissages et partager un bout de ma vie avec les élèves (ou personnes étudiantes) est toujours un moment magique pour moi. À travers le récit de vie se créent les liens entre le contexte et les apprentissages et entre la personne qui raconte et celles qui l’écoutent activement. Le récit de vie se définit comme « un genre oral et une pratique d’enseignement dialogique qui s’appuie sur la narration et consiste à porter un regard rétrospectif sur une expérience personnelle, permettant à la fois au narrateur et au public de réfléchir, d’apprendre, de décrire, de faire l’expérience du présent ou de comprendre l’avenir par des réflexions sur le passé » ([traduction libre] Lavoie et Blanchet, 2019, p. 4). Cette pratique, en contexte pédagogique, est reconnue pour favoriser l’écoute active et encourager le dialogue (Lavoie et Blanchet, 2017). Le récit est un principe de transmission de connaissances qui « met l’accent sur la démonstration, l’expérimentation et la verbalisation, en accordant une importance prépondérante à l’oralité » (Campeau, 2022, p. 19). Ce sont les images, les schémas et les symboles qui prévalent par rapport à l’écrit (Kanu, 2011; Yunkaporta et McGinty, 2009). Ces éléments de démonstration racontés à travers une expérience permettent de faire des liens concrets avec des éléments scientifiques. Les concepts plus « abstraits » prennent vie, car ils sont modélisés à travers le récit de vie et la personne derrière « la prof de sciences » devient quelqu’un qui se rend un peu plus vulnérable, un peu plus visible. Le récit de vie devient ainsi un outil d’apprentissage qui permet d’aborder des éléments de culture, l’expression de l’expérience personnelle, la mise en place d’une relation partagée et qui capte l’attention par les émotions et le suspense qu’elle suscite (Blenkinsop et Judson, 2010).

C’est entre autres par les récits qu’on retient des informations plus facilement. Pourquoi? Notre cerveau n’a pas vraiment deux cases séparées pour les émotions et la manière de penser, contrairement à ce qui est parfois véhiculé comme croyance (Caine et Caine, 1998). Nos émotions, notre façon de penser et nos apprentissages sont interreliés. En fait, le système éducatif traditionnel a peu à peu séparé notre manière de penser logiquement et nos émotions (Stationner, 1998). À travers le temps, la priorisation de l’objectivité a entrainé une distanciation de nos corps et du monde (Hart, 2017). Pourtant, nos corps et nos émotions sont indissociables de la pensée rationnelle, ce qui implique que notre compréhension va au-delà des limites de la pensée purement logique (Damasio, 1994). Cette idée est renforcée par l’argument de Cajete (1999), qui critique le système éducatif pour avoir négligé les formes de connaissances corporelles et affectives, suggérant que cette omission découle d’une déconnexion plus large avec la nature. Ainsi, la réintégration du corps et de l’émotion dans nos processus éducatifs pourrait constituer une réponse à cette déconnexion perçue.

Maude Pelletier – « Écosystème », crayons de couleurs sur papier noir, 24X17.5cm, 2022

L’être humain, qu’il soit jeune ou adulte, attribue un sens personnel à sa vie à travers les émotions qu’il éprouve quotidiennement. Les études en neurologie ont mis en lumière le rôle crucial du cerveau émotionnel dans les processus de prise de décision (Pharand et Doucet, 2013). Les recherches de Ledoux (1996) démontrent que certaines stimulations sont initialement traitées par l’amygdale avant d’être analysées par le cortex préfrontal. Nous réagissons donc émotionnellement avant même d’en avoir conscience. En éducation, les manifestations émotionnelles jouent un rôle essentiel, car elles transmettent des messages à décoder, mais peuvent également interférer avec les capacités d’apprentissage des personnes apprenantes (Guitouni, 1983). Par exemple, lorsque les élèves ne sont pas disponibles émotionnellement, l’apprentissage devient plus difficile, voire impossible (Kulnieks et coll., 2013). Selon Bourassa (2006), l’apprentissage et la pensée ne sont pas uniquement cognitifs, mais aussi profondément influencés par nos expériences émotionnelles. Bref, notre mémoire aime que les informations aient du sens pour nous et, justement, nos émotions permettent de créer du sens (McGeehan, 2001). Lorsque nous nous intéressons vraiment à quelque chose, que cela nous inspire, nous nous souvenons plus facilement de de ce que nous avons vécu. Par son lien explicite avec l’expérience, le récit de vie est une forme naturelle de compréhension humaine. Il permet de tenir compte d’un grand nombre de réalités différentes, dont les réalités culturelles (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization [UNESCO], 2014).

L’expérience et les savoirs traditionnels

Est-ce que tu savais que pour les Premiers Peuples chaque histoire, chaque mot révèle un monde de significations et de coutumes? Chaque mot est chargé de concepts, de récits et d’actions transmis à travers les générations (Ryan et coll., 2013). Le recours à des récits oraux est également une pratique qu’on retrouve au sein des familles latines (Haden et coll., 2023). Plusieurs familles d’origines variées utilisent les histoires pour enseigner des leçons de vie, offrir une éducation sur des questions morales, sociales et scientifiques, ainsi que pour transmettre des valeurs et croyances culturelles. Nous devons d’ailleurs plusieurs approches scientifiques contemporaines aux savoirs traditionnels, souvent transmis de génération en génération. Le concept de savoirs traditionnels fait référence, de manière générale, à toute forme de connaissance, de création, d’innovation ou d’expression culturelle détenue par des communautés locales ou autochtones (Brahy, 2006). Cette forme de savoir est généralement transmise d’une génération à l’autre au sein de ces communautés. Les savoirs traditionnels sont habituellement associés à un peuple spécifique ou à son territoire et ils évoluent continuellement en réponse à leur caractère contextuel ancré dans le territoire. Parmi les différentes catégories de savoirs traditionnels comptent les savoirs liés à l’agriculture, à la médecine, à l’écologie et à la culture.

En écologie, par exemple, de nombreux systèmes traditionnels d’exploitation de la forêt illustrent une connaissance fine du fonctionnement des écosystèmes forestiers. L’examen des pratiques des populations autochtones dans la gestion et l’utilisation des ressources forestières offre une opportunité de dialogue pour évaluer la biodiversité, les méthodes de gestion traditionnelles et les aspects culturels des paysages (Berkes et Davidson-Hunt, 2006). Parmi ces pratiques, on retrouve la gestion par succession, la fragmentation du paysage en parcelles, la rotation des cultures et la pratique de la polyculture (Berkes et coll., 2000). Au Canada, différentes pratiques ont cours selon les régions. Saviez-vous que dans les Prairies, les Anishnaabe brulent les forêts de trembles et la végétation des rives pour agrandir la prairie où vivent les bisons (Davidson-Hunt, 2003a)? Au nord de l’Alberta, on brule des sections de la forêt boréale pour aménager des parcs, des corridors, des mosaïques et un habitat susceptible d’attirer des animaux sauvages (Lewis et Ferguson, 1988). Aussi, au nord de l’Ontario, certaines sections de la forêt boréale sont également brulées, mais pour produire des baies et cultiver la terre sur une petite échelle (Davidson-Hunt, 2003b). Afin de préserver la biodiversité, il est essentiel de comprendre comment les activités humaines influent sur les paysages naturels, les façonnant ainsi en paysages culturels. En réalité, la diversité biologique à l’échelle mondiale repose largement sur notre aptitude à maintenir des pratiques d’exploitation des ressources favorisant la perpétuelle régénération des écosystèmes.

L’expérience et la pédagogie du lieu

Une des approches reconnues pour sensibiliser à la diversité biologique présente autour de nous et pour favoriser une connexion à la nature est la pédagogie du lieu. En effet, cette pédagogie vise plus précisément à établir une connexion entre les personnes apprenantes et leur environnement à travers des expériences, parfois contemplatives, en favorisant ainsi une interaction avec le monde autre qu’humain. On observe actuellement un déplacement et une dissociation qui découlent de la manière dont le monde naturel est objectivé et considéré comme une simple ressource (Evernden, 1999). Cette transformation entraine des conséquences désastreuses, car elle conduit à la requalification de la Terre comme un espace appartenant exclusivement à l’être humain, ce qui supprime la notion de lieu, aucun endroit n’ayant de propriété attitrée (Evernden, 1999). Les êtres non humains dans ces environnements deviennent des objets à exploiter, ce qui nous rend insensibles à nos interdépendances et à nos liens mutuels (Bonnett, 2021). Cette vision anthropocentrée prive ainsi les lieux de leur essence même, tout en privant les êtres humains de l’opportunité de considérer ces lieux comme foyers. Dans une société où de plus en plus de gens, jeunes et moins jeunes, souffrent de déficit de la nature (Louv, 2011), conséquence du nombre croissant d’heures passées à l’intérieur (McDaniel, 2009), l’exposition à la nature et à un monde autre qu’humain constitue une piste de solution. L’exposition à la nature représente alors une façon de remettre en question l’idée selon laquelle les humains sont intrinsèquement différents et supérieurs aux autres formes de vie sur notre planète, en soulignant que la vie humaine et la vie autre qu’humaine sont intrinsèquement liées dans un réseau de vie (Kumar, 2009). Ingold (2020) s’appuie sur les perspectives des Premiers Peuples pour proposer que nous ayons deux parties constitutives de notre être : une partie visible et une partie invisible, qui est l’air que nous partageons avec la nature.

Porter attention à la nature à travers le corps

La connexion à la nature et aux lieux que nous habitons en tant qu’humains est ressentie et expérimentée à travers le corps et les sphères affectives (Cajete, 2015). Dans certaines recherches comme celle de Pulkki et ses collègues (2017), on affirme que l’aliénation humaine de la nature est étroitement liée à l’aliénation du corps. Vivre l’expérience du lieu à travers le corps, c’est permettre une ouverture à l’émerveillement devant la différence. Prendre le temps d’explorer, de découvrir le monde naturel en dehors des murs de l’école permet aux élèves de recentrer leur attention, d’avoir une attitude ouverte et bienveillante envers le monde plus qu’humain et de prendre conscience de leur interrelation avec cette merveille (Bonnett, 2007; Pulkki et coll., 2017). Plutôt que de concentrer leur attention sur ce qui se passe à l’intérieur de leur tête, les élèves peuvent porter leur attention sur la façon de percevoir le monde par le corps. Le corps devient un conduit « par lequel les choses passent et dans lequel elles se déposent parfois et se sédimentent » ([traduction libre] Abram, 2010, p. 230). Ce passage illustre bien le mouvement continuel du monde plus qu’humain.

En prenant le temps de tourner notre attention vers nos sens, nous pouvons faire l’expérience d’une perception directe et réflexive (Abram, 1996). Dans le cadre des cours de sciences avec les futures personnes enseignantes, nous allons parfois à l’extérieur. Au sein de la réserve naturelle du Mont-Bellevue, en contact avec la nature, je demande aux étudiants et étudiantes de s’assoir par terre et de se concentrer sur leur respiration, de réfléchir aux différents vivants et non-vivants qu’ils ont observés. Comment ceux-ci s’intègrent-ils dans différents écosystèmes? Puis, je leur demande de réfléchir à leur rapport individuel et collectif à l’environnement. Comment peuvent-ils favoriser des relations responsables avec les lieux qu’ils habitent, côtoient et traversent?

Ce type d’expérience permet de nous connecter à notre participation au monde plus qu’humain. Cela nécessite un moment calme où nous nous immergeons vraiment dans l’instant. Lorsque nous permettons aux élèves de ralentir et de ressentir pleinement avec leurs sens, nous leur donnons l’occasion de faire une pause dans le mouvement. C’est en demeurant dans notre expérience d’appartenance au lieu que nous pouvons prendre conscience du sens que nous donnons à cet endroit (Payne et Wattchow, 2009). En ralentissant, nous pouvons prendre un engagement multisensoriel et affectif avec un lieu.

1- Rhume et savoirs traditionnels

La première activité proposée s’inscrit dans une approche visant à reconnaitre la valeur des savoirs traditionnels et s’articule à l’aide du récit de vie. Le but de l’activité est de se familiariser avec certaines étapes de la démarche scientifique, dont la problématique, l’hypothèse et la conclusion. Considérant que les rhumes et les saisons froides font partie intégrante de la vie au Québec, les remèdes de grand-mère sont un exemple courant de savoirs traditionnels présents dans nos classes, et ce, peu importe la culture ou l’origine ethnique des élèves. Ces remèdes varient d’une culture à l’autre et peuvent être davantage liés à des traditions et croyances populaires, ce qui suscite souvent des discussions en classe.

1.1- Le récit de vie de la personne enseignante

La première étape suggérée pour cette activité est que la personne enseignante explique aux élèves ce qu’elle utilise personnellement comme remède pour soulager un rhume ou une douleur quelconque. Le but est de décrire l’action posée (p. ex., boire du thé avec du miel), sans exposer d’emblée les raisons scientifiques qui l’expliquent. Ensuite, la personne enseignante demande aux élèves pourquoi, à leur avis, cela peut être efficace ou non. Selon le degré de familiarité des élèves avec la démarche scientifique, la formulation des hypothèses peut se réaliser en groupe ou individuellement.

1.2- Les savoirs traditionnels et générationnels

Pour cette étape, il est proposé d’inviter les élèves à questionner leur famille et à trouver des remèdes de grand-mère dans leur entourage. Toutefois, si les particularités du groupe ne le permettent pas, voici quelques exemples qui peuvent lancer la discussion.

Europe
Infusion de camomille pour calmer les maux d’estomac La camomille possède des propriétés antiinflammatoires et peut aider à apaiser les troubles digestifs.
Cataplasme de pommes de terre pour soulager les brulures Les pommes de terre peuvent offrir un soulagement temporaire en cas de brulures mineures, grâce à leur action apaisante et rafraichissante sur la peau.
Amérique du Nord
Gargarismes au sel pour soulager les maux de gorge Le sel peut aider à réduire l’inflammation et tuer les bactéries responsables des maux de gorge.
Compresse de sachets de thé infusés et refroidis pour apaiser les yeux gonflés La caféine et les antioxydants du thé peuvent réduire la dilatation des vaisseaux sanguins et atténuer temporairement les yeux gonflés.
Asie
Tisane au gingembre pour calmer les nausées Le gingembre contient des composés bioactifs qui peuvent aider à soulager les nausées en accélérant la vidange de l’estomac.
Bain de pieds chaud avec du sel pour soulager le rhume Les bains de pieds chauds peuvent aider à stimuler la circulation sanguine et à soulager les symptômes du rhume.
Afrique
Miel pour soulager les blessures et les maux de gorge Le miel possède des propriétés antibactériennes et peut aider à apaiser les maux de gorge.
Infusion de feuilles de moringa pour réduire la fièvre Les feuilles de moringa sont riches en antioxydants et peuvent aider à renforcer le système immunitaire.

La forme de discussion proposée se réalise en deux étapes. D’abord, on présente les différents remèdes aux élèves et on leur demande qui les connait. Ensuite, les élèves émettent des hypothèses (soit en groupe, soit individuellement) en ce qui a trait aux fondements scientifiques de ces remèdes.

1.3- Le protocole et l’expérimentation

En équipe de trois ou quatre, les élèves devront choisir un des remèdes présentés en classe (soit ceux de leur famille ou ceux du tableau 1), puis devront créer un protocole scientifique pour expliquer comment prendre le remède. Il ne s’agit pas ici de tester l’efficacité d’un remède, mais bien d’imaginer comment on doit procéder pour le prendre. Selon le niveau scolaire et la familiarité du groupe avec la démarche scientifique, le protocole pourrait être guidé, c’est-à-dire contenir plusieurs étapes bien définies et une liste de matériel précis. Le protocole pourrait également être ouvert, c’est-à-dire que les élèves peuvent alors choisir les différentes étapes du protocole et le matériel utilisé.

Afin d’enrichir les discussions, il peut être intéressant de faire tester les différents protocoles par une autre équipe. Cela permettra aux élèves de prendre conscience que l’élaboration d’un protocole scientifique clair peut s’avérer ardue!

1.4- Réflexions en groupe

Pour conclure l’activité, on invitera les élèves à se questionner sur la provenance des différents éléments nécessaires pour réaliser les remèdes (p. ex., pommes de terre, sel, gingembre, thé). Il s’agit en effet d’éléments de la nature, certains vivants et d’autres non. Comment sont-ils cultivés et transportés jusqu’ici? Est-ce que certaines plantes sont ou étaient indigènes du Québec?

2- Expérimenter le lieu à travers le corps

Le contact avec la nature permet de développer un spectre de relations avec le lieu variant d’une simple reconnaissance de l’existence du lieu à une volonté de faire un sacrifice personnel pour préserver ou améliorer ce lieu. L’expérience d’un lieu peut aussi permettre de s’identifier à celui-ci, ou encore de s’y connecter au niveau spirituel ou émotionnel (Pierce, 2017). Lorsque nous sommes à l’extérieur, nos perceptions sensorielles méritent que nous prenions le temps de nous arrêter pour réfléchir à la façon dont notre corps et notre esprit sont influencés par notre environnement (Cajete, 2015). Le but de cette activité est de proposer une démarche d’observation des sensations corporelles ressenties dans un lieu extérieur particulier. Il ne s’agit pas ici d’une démarche d’observation d’un élément extérieur à soi, mais plutôt d’un voyage à l’intérieur de soi-même pour prendre conscience de sa relation avec l’environnement. Les réflexions issues de ce moment de pause permettent de nous concentrer sur nos sens et de nous immerger dans le moment présent, laissant émerger l’appartenance au lieu et les multiples relations écologiques présentes dans le lieu (Payne et Wattchow, 2009).

2.1- Préparation

Afin de familiariser les élèves avec le vocabulaire des émotions et du ressenti, il est possible de prendre une ou plusieurs périodes pour aider les élèves à comprendre comment ils et elles se sentent. Cette activité est construite sur la complémentarité entre les apprentissages réalisés à l’intérieur et ceux réalisés à l’extérieur, c’est-à-dire que certains apprentissages sur les sensations, par exemple, peuvent être réalisés à l’intérieur, soit en consolidation ou en préalable aux sorties à l’extérieur. Un outil intéressant qui pourrait être utilisé est la roue des émotions de Plutchik (1980).

Figure 1 : La roue des émotions de Plutchik (1980).

Les émotions sont organisées en huit catégories principales (la colère et la peur; le dégout et la confiance; la joie et la tristesse; l’anticipation et la surprise). Les émotions varient en intensité : celles proches du centre sont plus fortes et celles en périphérie de la roue sont plus légères.

2.2- Expérimenter le ressenti corporel

Lors d’une sortie avec les élèves (le type de milieu et la saison peuvent varier selon le contexte scolaire), demander aux élèves de choisir un endroit dans le lieu extérieur. Demandez-leur de s’assoir au sol et de ralentir leur respiration, de toucher le sol, d’observer les éléments de la nature qui les entourent et qui se trouvent sur le sol. Demandez-leur de se concentrer sur ce qu’ils et elles ressentent. En verbalisant le ressenti, les élèves peuvent travailler leur vocabulaire et leur capacité à nommer les stimulus. Qu’est-ce qui leur est communiqué par leurs yeux, leurs oreilles, leur nez, leurs mains? Comment les informations qui parviennent à leurs sens influencent-elles leurs émotions? La sensation est-elle seulement agréable ou désagréable? Pourquoi? Est-ce que certains bruits, odeurs ou textures leur rappellent des souvenirs? Si oui, lesquels? Quels sont les éléments vivants et non vivants que les élèves perçoivent avec leurs sens? Est-ce quelque chose qui leur est déjà connu? Est-ce la première fois qu’ils et elles voient, entendent, touchent ou sentent cela?

2.3- Représenter les émotions suscitées par les sensations

Au retour en classe, inviter les élèves à dessiner leur ressenti (émotions et sensations) en incorporant les éléments de l’extérieur qui ont eu un impact sur celui-ci. La personne enseignante devra insister sur l’importance de bien représenter les éléments du lieu extérieur fréquenté en demandant par exemple aux élèves : « Quelles sont les choses que vous avez observées à l’extérieur? Est-ce qu’il y avait des arbres? Est-ce qu’il faisait soleil ou s’il pleuvait? Pouvait-on ressentir le vent? Comment peut-on dessiner le vent? »

Les élèves peuvent choisir les médiums qui leur permettent de mieux exprimer leur ressenti. La personne enseignante devra s’assurer de mettre une variété de médiums à la disposition des élèves. Selon leur niveau d’aisance avec les différentes techniques, la personne enseignante peut faire une présélection des médiums.

2.4- Raconter les émotions véhiculées

Distribuer aléatoirement un dessin à chaque élève. Ensuite, chaque élève devra essayer de deviner l’émotion véhiculée par le dessin et émettre une hypothèse. L’élève devra se mettre dans la peau de son ou sa collègue et raconter la sortie à l’extérieur, mais à partir du dessin observé.

2.5- Partager l’expérience individuelle et collective

En terminant, les élèves pourront reprendre leur dessin respectif et s’exprimer sur les sensations et émotions réellement ressenties lors de la sortie à l’extérieur. Quels ont été les éléments naturels, vivants ou non, qui ont attiré leur attention? La personne enseignante peut ainsi faire un retour sur la diversité d’émotions ressenties et sur le processus d’observation des émotions de chaque élève. Il pourrait être intéressant de demander quel ou quels endroits les élèves ont préférés et pourquoi, afin d’illustrer que le sentiment d’attachement à un lieu varie d’une personne à l’autre.

Conclusion

En conclusion, l’évolution des sciences naturelles, longtemps perçues comme universelles et objectives, révèle désormais leur forte contextualisation dans des cadres culturels, sociaux et géographiques. La présence omniprésente des sciences dans notre quotidien souligne l’impact profond qu’elles exercent sur nos vies, nos convictions et nos perspectives, transcendant ainsi notre responsabilité envers la planète et notre position éthique dans le monde. La contextualisation des sciences, que ce soit par le récit de vie, les savoirs traditionnels ou bien la pédagogie du lieu, offre une voie pour renouer avec notre environnement et reconnaitre notre interconnexion avec le monde autre qu’humain. En valorisant la place des savoirs traditionnels dans l’enseignement des sciences, nous pouvons tendre vers la régénération des écosystèmes qui prône une vision plus durable et inclusive de la préservation de notre environnement. En explorant la nature à travers nos sens et notre corps, nous pouvons expérimenter directement notre appartenance à ce monde, favorisant ainsi une relation plus consciente et respectueuse envers les lieux que nous habitons.

Je réalise également que de tenter de rendre compte de l’émerveillement vécu devant ce que le paysage nous révèle, qu’il soit naturel ou non, est un processus bien complexe. À la fois si simple – se laisser émouvoir – et difficile – tenter de le faire partager aux autres. J’écris ces quelques lignes, trop brèves à mon avis, en espérant qu’elles sauront susciter le désir de s’interroger sur ce rapport au monde, sur ce à quoi on s’identifie individuellement et collectivement.

Notes de bas de page

1- Plus précisément, il s’agit de la libération des composés organiques volatils comme des bactéries et des huiles végétales présentes dans le sol.

Références

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