Introduction

Illustration décorative qui comprend trois avions en papier.

Devant la constante évolution du monde de l’éducation et les besoins diversifiés des personnes étudiantes, plusieurs personnes enseignantes cherchent à innover dans le cadre de leur enseignement. C’est là où la pédagogie par le jeu comme pratique pédagogique innovante permet de faire face aux défis complexes de l’apprentissage et de transformer positivement l’expérience éducative (James et Nerantzi, 2019). En effet, il est possible de créer un environnement amusant et ludique dans lequel le jeu et le plaisir favorisent une expérience d’apprentissage plus riche et plus significative (Dearybury et Jones, 2020; Forbes et Thomas, 2023; James et Nerantzi, 2019). Exploiter le potentiel du jeu en enseignement, c’est offrir des expériences d’apprentissage qui préparent les personnes étudiantes à faire face à différentes situations professionnelles avec confiance et compétence (Forbes, 2021). En ce sens, la pédagogie par le jeu confirme que le plaisir associé à l’apprentissage et la rigueur académique ne sont pas mutuellement exclusifs (Lauricella et Edmunds, 2022). Ce manuel vise à mettre en lumière la pédagogie par le jeu en tant que pratique pédagogique innovante et favorable au développement des compétences, en particulier, celles liées au savoir-être.

Illustration du visage de Albert Einstein avec la citation suivante: « C'est le rôle essentiel du professeur d'éveiller la joie de travailler et de connaître ».

Pourquoi s’intéresser à la pédagogie par le jeu et au savoir-être en enseignement supérieur?

Les études supérieures occupent une place de plus en plus importante dans la trajectoire scolaire de la population canadienne. À cet égard, il est estimé que plus d’une personne canadienne sur deux âgée de 25 à 64 ans détient un diplôme d’études collégiales ou un diplôme d’études universitaires (Statistiques Canada, 2016). Toutefois, l’enseignement supérieur peut être source de stress et d’anxiété pour de nombreuses personnes en raison notamment de la charge de travail importante et du climat de performance (Liu et al., 2019). De plus, la pandémie de la COVID-19 est venue exacerber ces difficultés et a grandement influencé l’expérience d’enseignement et d’apprentissage et le bien-être psychologique de la génération actuelle (Bélanger et al., 2023; Bergueul et al., 2023). Comment alors, est-il possible de rendre l’expérience académique à la fois plus amusante et engageante et moins stressante tout en contribuant aux apprentissages?

Les besoins des personnes étudiantes d’aujourd’hui

La génération actuelle de personnes étudiantes se distingue des précédentes par des caractéristiques psychologiques et sociologiques et elle tend à remettre en question certaines méthodes traditionnelles d’enseignement, de nature transmissive, qui peuvent engendrer des problèmes de motivation à l’apprentissage (Béchard et Bédard, 2009; Prégent et al., 2009). En effet, les personnes étudiantes souhaitent s’engager dans des activités qui favorisent la participation active plutôt que la simple écoute passive (Ménard, 2014). Elles ont besoin d’être encouragées à développer leur pensée critique, à remettre en question les idées établies et à développer leur créativité et leur capacité de résolution de problèmes (Svinicky et McKeachie, 2014). Sans vouloir renoncer aux méthodes traditionnelles, les personnes étudiantes d’aujourd’hui préfèrent bénéficier d’interactions et de modalités pédagogiques authentiques visant à les aider à développer des compétences individuelles et collectives (Bhana, 2014).

De plus, le sentiment d’appartenance à un groupe est important pour cette génération qui a vécu plusieurs heures de cours derrière un écran. Ainsi, les activités interactives, le partage d’expériences et les rétroactions constructives sont des pratiques pédagogiques qui répondent davantage au besoin d’autodétermination des personnes étudiantes adultes (Pelaccia, 2018). En particulier, l’intégration d’activités ludiques et du plaisir dans l’enseignement peut contribuer à réduire le stress et à créer un environnement d’apprentissage favorable à la réussite et plus en phase avec les besoins actuels des personnes étudiantes (Forbes, 2021; Leather et al., 2021). Or, ces attentes de la communauté étudiante actuelle peuvent poser un défi au personnel enseignant soucieux de contribuer aux apprentissages tout au long du parcours académique (Bédard, 2006).

L'illustration présente la phrase suivante: « enseigner est la profession sur laquelle toutes les autres professions dépendent ».

Les bienfaits du jeu

Le jeu a été étudié scientifiquement et il comporte plusieurs bienfaits (Brown, 2009). La recherche montre que le jeu est propice aux apprentissages et qu’il contribue au développement optimal et au bien-être des êtres humains tout au long de la vie (Brown, 2009). C’est le principal moyen par lequel les enfants appréhendent le monde qui les entoure et qu’ils apprennent à interagir avec leurs pairs (Brown, 2009; Cavallier, 2007). D’ailleurs, on souligne que la privation de jeu peut avoir des effets négatifs sur le développement et la socialisation des êtres humains (Brown, 2009, James, 2022). Malgré ces avantages, le jeu en enseignement supérieur est parfois perçu comme superflu, inapproprié ou comme une modalité qui mine la crédibilité académique (James, 2022).

En effet, chez les adultes, le jeu est souvent opposé aux activités productives comme le travail et les études (Sanchez et Roméro, 2020). Pourtant, l’histoire montre que plusieurs jeux ont été créés pour soutenir l’apprentissage tout au long de la vie et que le jeu est un outil clé dans les liens sociaux qui se tissent à l’âge adulte (Sanchez, 2023; Sanchez et Roméro, 2020). À cet égard, on signale que le jeu chez les adultes relève plusieurs avantages tels que la cohésion de groupe, la créativité, la spontanéité, la motivation intrinsèque, la qualité de vie, la satisfaction et la performance au travail, l’innovation et la performance académique (Forbes et Thomas, 2022; James, 2022; James et Nerantzi, 2019). Le jeu est aussi considéré indispensable au bien-être et un vecteur essentiel de l’apprentissage (Brown, 2009; Forbes et Thomas, 2022). Ainsi, inclure le jeu de façon régulière dans son quotidien contribue à la santé mentale, améliore la capacité à interagir avec les autres et favorise une vision positive de l’avenir (Brown, 2009).

La littérature et l’intérêt porté à l’utilisation du jeu en enseignement supérieur sont devenus plus courants au cours dix dernières années (Forbes et Thomas 2022; James et Brookfield, 2014; Jones et Dearybury, 2023; Whitton, 2022; Whitton et Langan, 2019). De plus en plus de personnes enseignantes font le choix de délaisser des méthodes pédagogiques plus traditionnelles afin d’explorer des méthodes actives et authentiques qui favorisent un apprentissage en profondeur et porteur de sens (Romainville, 2007; Svinicki et McKeachie, 2014). En particulier, en contexte de formation, plusieurs auteurs considèrent que le jeu n’enlève rien à ce qui doit être enseigné et à ce qui doit être appris (James et Nerantzi, 2019; Pellon, 2020; Swank, 2012; Whitton, 2022). Ainsi, le jeu ne remet pas en cause la rigueur ou le sérieux accordé au cours ou à la discipline (Forbes et Thomas, 2022; Jones et Dearybury, 2023).

Diversifier ses pratiques pédagogiques en utilisant la pédagogie par le jeu

La pédagogie par le jeu ou la pédagogie ludique implique d’intégrer des jeux ou des activités ludiques dans le cadre traditionnel de la salle de classe (Forbes, 2021; James, 2022; Lauricella et Edmunds, 2022). Cette approche suppose que l’apprentissage est perçu comme étant plus efficace lorsqu’il est plaisant, engageant et pertinent aux yeux des personnes étudiantes (Lauricella et Edmunds, 2022). En incorporant des éléments de jeu et de plaisir en classe, il est possible de créer un environnement d’apprentissage dynamique et stimulant qui soutient le développement de compétences liées au savoir-être telles que la collaboration, le sentiment de confiance et la cohésion au sein du groupe (Hovington et Lépine, à paraître).

En effet, les jeux et les activités ludiques offrent aux personnes étudiantes des occasions de travailler en équipe, de résoudre des problèmes et de développer leur intelligence émotionnelle. D’ailleurs, les activités à caractère ludique et qui sont considérées plaisantes par les personnes étudiantes peuvent favoriser des interactions positives en classe, ce qui peut les encourager à participer davantage et à se sentir plus à l’aise pour poser des questions et partager leurs idées (Hovington et Lépine, à paraitre). S’intéresser à la pédagogie ludique en enseignement supérieur peut contribuer à créer un environnement d’apprentissage plus positif, engageant et propice à la réussite des personnes étudiantes, tout en favorisant leur bien-être émotionnel et leur développement personnel et professionnel.

Lorsqu’une personne enseignante décide d’accorder une place au jeu dans le cadre de son enseignement, certaines questions peuvent se poser: Comment faire ? À quoi ressemble la pédagogie par le jeu en contexte d’enseignement supérieur ? Comment utiliser le jeu dans son champ disciplinaire ? Ce manuel tente de répondre à ces questions en mettant en lumière la pédagogie par le jeu en tant que pratique innovante et favorable au développement des compétences, notamment celles liées au savoir-être.

Le manuel est diffusé sous la forme d’une REL et est structuré autour de cinq chapitres qui abordent des contenus théoriques relatifs à la pédagogie par le jeu. On y retrouve également un répertoire composé de plusieurs exemples d’activités ludiques ou de jeux utilisés par des personnes enseignantes provenant de différentes disciplines tant au collégial qu’à l’université.

Chiffre « 1 » Dans le premier chapitre, nous présentons notre conception de l’apprentissage et les éléments à prendre en compte lorsqu’une personne enseignante souhaite intégrer le jeu dans ses enseignements. De plus, sans être exhaustif, nous brossons un survol du terrain complexe du jeu afin de faire ressortir la pluralité des perspectives.
Chiffre « 2 » Le second chapitre traite du plaisir d’apprendre et d’enseigner en enseignement supérieur. Nous explorons l’importance du plaisir dans l’enseignement supérieur et comment il peut être un catalyseur puissant de développement personnel et professionnel.
Chiffre « 3 » Le troisième chapitre aborde la pédagogie par le jeu, ses avantages pour l’apprentissage et les principes pédagogiques entourant son utilisation.
Chiffre « 4 » Le quatrième chapitre présente l’apport de l’attitude ludique à l’enseignement et à l’apprentissage et les éléments à prendre en compte pour favoriser un climat d’apprentissage bienveillant.
Chiffre « 5 » L’enseignement et l’apprentissage des compétences liées au savoir-être sont abordés dans le chapitre 5, et ce, afin de faire ressortir les facteurs contributifs au développement du savoir-être en contexte de jeu.
Chiffre « 6 » Enfin, le chapitre 6 est consacré à la présentation du répertoire des activités ludiques et des fiches pédagogiques en fonction des catégories de jeux, c’est-à-dire, les jeux brise-glace, les jeux coopératifs/collaboratifs, les jeux d’improvisation, les jeux de rôle, les jeux créatifs et les autres types de jeux. Certaines fiches de jeux ou d’activités sont accompagnées de vidéos qui complètent ou illustrent le déroulement ou les réflexions entourant l’activité ludique.

Le but de tous ces exemples n’est pas de fournir une recette à suivre, mais de stimuler une réflexion sur ce qui pourrait être pertinent dans un contexte d’enseignement et d’apprentissage en prenant en compte la personnalité de la personne enseignante, la nature des contenus à enseigner, le profil des personnes étudiantes et les objectifs d’apprentissage du cours.