2.1. Le plaisir d’apprendre

Bien que l’apprentissage nécessite du travail et des efforts, il peut légitimement être associé au plaisir (Cavallier, 2007). Il s’agit surtout de concevoir le processus d’apprentissage comme étant quelque chose de plaisant (Gagnon-Mountzouris et al., 2016) et de s’y engager activement. Pourtant plusieurs personnes étudiantes ne se rendent pas à leurs cours dans l’espoir de s’amuser : leur motivation principale tend davantage à être extrinsèque étant liée aux résultats et à l’obtention d’un diplôme et des avantages y étant associé (Lauricella et Edmunds, 2022). Or, ces motivations extrinsèques auront souvent tendance à miner le processus d’apprentissage. En revanche, les personnes étudiantes qui s’investissent dans leurs apprentissages, se donnent les moyens de prendre plaisir aux études sans nécessiter a priori une satisfaction immédiate. Elles accordent autant d’importance au processus d’apprentissage qu’aux résultats (Ramirez, 1998). D’ailleurs, favoriser le plaisir à apprendre chez les personnes étudiantes leur permet d’être plus optimistes face à la résolution de problèmes complexes, réduit le stress et favorise le sentiment d’appartenance au groupe-classe (Fredrickson et Joiner, 2002). Pour la personne étudiante, cultiver le plaisir d’apprendre suppose de porter une attention à ce qui l’entoure et ce qui la questionne (Arnaud et Mellet, 2019). En contexte de classe, le plaisir peut s’exprimer dans des tâches simples qui invitent à l’exploration, à la découverte et à la curiosité ou des situations plus exigeantes qui permettent la mise en œuvre de stratégies et la résolution de défis (Lazzaro, 2004).

L’intégration de jeux est un moyen qui permet de proposer des situations d’apprentissage amusantes dans lesquelles les personnes étudiantes pourront trouver plaisir et développer une certaine autonomie dans leur processus d’apprentissage (Gagnon-Mountzouris et al., 2016). On souligne d’ailleurs qu’à tous les niveaux d’enseignement, l’apprentissage devrait être significatif, pertinent et amusant (Dearybury et Jones, 2020). Les jeux représentent ainsi une modalité d’apprentissage alternative permettant de rejoindre divers types d’apprenants. Ils peuvent éveiller la curiosité, l’imaginaire, la joie et la considération mutuelle. Les jeux peuvent alors répondre aux besoins des personnes étudiantes qui ont plus de difficulté à s’épanouir dans un cadre conventionnel d’enseignement supérieur (Anneta et al., 2006). Le plaisir procuré par l’aspect ludique du jeu peut donc être vu comme un soutien à l’apprentissage de la personne étudiante.

 

 

Dans le cadre d’une recherche récente, Whitton et Langan (2019) ont souhaité mieux comprendre les perceptions des personnes étudiantes relativement à la place accordée au plaisir dans leur expériences d’apprentissage à l’université et aux conditions contributives à celui-ci. La figure suivante présente un aperçu des conditions contributives au plaisir d’apprendre.

Les résultats de cette étude illustrent, entre autres, que le plaisir n’est pas nécessairement uniquement associé à l’utilisation d’un jeu. L’illustration précédente montre que des conditions pédagogiques et des facteurs personnels tant chez les personnes étudiantes que chez les personnes enseignantes peuvent influencer la valeur perçue du plaisir éprouvé lors d’activités d’apprentissage. En particulier, les résultats de l’étude révèlent l’importance de l’enthousiasme et de l’engagement des personnes enseignantes dans l’enseignement de leur matière, ainsi que de leur attitude envers les personnes étudiantes. La création d’un environnement sécurisant qui permet aux personnes étudiantes de se sentir à l’aise avec les autres, de prendre des risques est aussi considéré comme étant une condition importante qui facilite l’apprentissage. L’expérience partagée c’est-à-dire l’apprentissage avec d’autres personnes par le biais de la collaboration et de la discussion, la valorisation de la diversité des expériences, des compétences et des opinions contribuent au plaisir d’apprendre au sein d’un groupe. La mise en œuvre d’une pédagogie stimulante axée sur la nouveauté, l’originalité et où les personnes étudiantes participent activement à des situations d’apprentissage authentiques contribue également au plaisir ressenti par les personnes étudiantes. Enfin, la mise en place d’un environnement d’apprentissage qui permet de diminuer le stress des personnes étudiantes semble être une condition préalable au plaisir d’apprendre, même si cela est plus difficile en contexte où l’évaluation des apprentissages est nécessaire. Cependant, il est aussi possible d’envisager des moyens d’atténuer la pression de l’évaluation, non seulement pour créer un environnement propice au plaisir, mais aussi pour soutenir le bien-être des personnes étudiantes en général.

Par ailleurs, bien qu’une majorité de personnes étudiantes considèrent que les études et les apprentissages devraient comporter une bonne dose de plaisir, certaines personnes auront plutôt l’impression que l’utilisation de jeux est frivole et constitue une perte de temps (Whitton, 2007). Apprécier l’expérience éducative ne réfère pas nécessairement à des actions ou à un environnement caractérisé par la frivolité et le manque de signification. Au contraire, comme le souligne Barrett (2005 dans Lauricella et Edmunds, 2022), le plaisir peut aller de pair avec la rigueur: “learning can be fun because it is hard, challenging, and stretches participants” (p 162).

Ainsi dans un contexte où les personnes étudiantes seraient plus réticentes face à la participation à des jeux, les personnes enseignantes auront avantage à bien situer l’intention pédagogique de l’activité proposée, et ce, afin d’en faire valoir la pertinence et l’utilité. A cet égard, certains auteurs soulignent que l’apprentissage par le jeu sera favorisé si les jeux sont bien conçus et basés sur des objectifs d’apprentissage clairs. (Sanchez et Roméro, 2020). Différents principes pédagogiques à considérer lors de la mise en œuvre d’une pédagogie par le jeu seront présentés au chapitre 3.