"

8.5. Jeu de rôle

6.5.1. Qu’est-ce qu’on entend par jeu de rôle?

Le jeu de rôle est utilisé dès l’enfance, et ce, de façon spontanée, voire innée (Chamberland et Provost, 1996). Qu’il s’agisse d’incarner le personnage de son film préféré ou de faire semblant, le fait de jouer à être quelqu’un d’autre  contribue au développement des enfants et à leur compréhension du monde qui les entoure (Bodrova et Leong, 2024).  En contexte de formation en enseignement supérieur, le jeu de rôle peut être utilisé pour mieux comprendre la réalité sociale et professionnelle et faciliter la consolidation des apprentissages (Ulrich et al., 2017). Toutefois, comment définir le jeu de rôle comme outil pédagogique? Comment celui-ci peut-il se déployer? Quel est son apport en enseignement supérieur?

En enseignement supérieur, le jeu de rôle est utilisé dans plusieurs disciplines, notamment l’éducation, la psychologie, les sciences sociales, le droit, les soins infirmiers, la physiothérapie et l’ergothérapie (Jones et Conner, 2021; Kettula et al., 2013; Rao et Stupans, 2012; Ulrich et al., 2017). Il s’agit d’une stratégie pédagogique expérientielle (Laughey et al., 2019) qui permet aux personnes étudiantes d’incarner des rôles précis dans des scénarios fictifs ou hypothétiques inspirés d’événements réels et typiques des contextes éducatifs ou professionnels (Chamberland et Provost, 1996; Garay et al., 2022; Marchand et al., 2012; Proust et Boutros, 2008). Selon le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française (OQLF), le jeu de rôle renvoie à un « [jeu] éducatif où les participants […] sont appelés à jouer un rôle, en entrant dans la peau d’un personnage ou en personnifiant un être inanimé ou une chose abstraite, de manière à mieux comprendre le sens de la présentation interprétative » (OQLF, 1984, paragr. 1). Chamberland et ses collaborateurs, de leur côté, définissent le jeu de rôle comme étant l’« interprétation du rôle d’un personnage en situation hypothétique en vue de mieux comprendre les motivations qui justifient les comportements » (1995, p. 71).

Le jeu de rôle se situe entre le jeu théâtral et l’improvisation. Contrairement au jeu théâtral, où les scénarios et dialogues sont rigoureusement écrits et imposés aux acteurs (Fleury et al., 2003), le jeu de rôle s’appuie sur un ensemble de règles précises tout en offrant aux participants la liberté d’improviser leurs répliques et actions selon les rôles qu’ils endossent (Chamberland et Provost, 1996; Garay et al., 2022). Contrairement à l’improvisation, qui s’avère davantage d’un processus spontané et flexible (Shem-Tov, 2011), le jeu de rôle établit un équilibre entre une structure déterminée et la liberté d’interprétation des participants.

6.5.2. Objectifs du jeu de rôle

Le caractère hypothétique et fictif du jeu de rôle offre un environnement sécurisé et contrôlé où les personnes étudiantes peuvent explorer des situations sociales et pratiquer leurs compétences professionnelles, tout en considérant leurs erreurs comme des opportunités d’apprentissage (Jones et Conner, 2021). En effet, à la différence d’un contexte réel où les comportements et décisions des personnes étudiantes peuvent avoir un impact sur autrui, le jeu de rôle permet « d’exercer des habiletés de communication ou d’essayer différentes façons d’intervenir et d’en percevoir les effets, le tout dans un contexte protégé et non préjudiciable » (Girard et al., 2005, p. 179).

Les jeux de rôle sont d’ailleurs particulièrement pertinents pour atteindre divers objectifs d’apprentissage. Selon la taxonomie de Bloom, ils favorisent l’acquisition de connaissances (domaine cognitif), le développement de compétences pratiques (domaine psychomoteur) et l’amélioration des attitudes et émotions (domaine affectif) (Rao et Stupans, 2012). Plus spécifiquement, en lien avec le domaine affectif, cette stratégie pédagogique peut faciliter le développement d’attitudes ou de comportements essentiels à la pratique professionnelle et pour mieux comprendre les motivations ou réactions sous-jacentes aux comportements des personnes (Girard, 2005). À cet effet, Chamberland et Provost (1996) décrivent quatre catégories d’objectifs liées à l’utilisation du jeu de rôle :

Acquisition d’habiletés techniques et de méthodes : Le jeu de rôle peut avoir comme objectif de mettre en pratique des techniques apprises ou des méthodes enseignées par la personne enseignante. La situation hypothétique visera ainsi à ce que les personnes étudiantes se pratiquent à suivre les étapes ou les procédures associées à une technique ou une méthode donnée. Par exemple, dans un cours portant sur la relation d’aide, le jeu de rôle pourrait être utilisé afin d’aider les personnes étudiantes à appliquer concrètement les principes théoriques ou les procédures des diverses techniques d’intervention enseignées, telles que la reformulation, le reflet ou les questions ouvertes.

Développement d’attitudes : Le jeu de rôle peut également viser à ce que les personnes étudiantes développent une meilleure connaissance de soi et de l’Autre, et ce, grâce au processus réflexif et à l’engagement affectif qui sont nécessaires pour s’immerger dans la situation fictive. D’une part, la réflexion, qui est au cœur même de cette catégorie d’objectifs, permet à la personne étudiante de mieux comprendre la façon dont ses comportements et ses attitudes sont perçus par les autres (connaissance de soi). D’autre part, la personne étudiante doit réfléchir à la situation en intériorisant la posture et la vision de la personne qu’elle incarne. Cette réflexion permet ainsi à la personne étudiante de développer sa capacité à se mettre à la place d’autrui (connaissance de l’Autre).

Compréhension des faits et des principes : Le jeu de rôle peut aussi permettre une compréhension plus profonde d’un problème ou d’une situation, agissant ainsi comme moyen de communication. Par le vécu de la situation hypothétique, les personnes étudiantes seront en mesure de mieux comprendre un problème ou une situation donnée. Cet angle descriptif permet, par exemple, de reconstituer des événements ou des situations afin de faciliter la compréhension de faits ne pouvant être relatés et saisis d’une autre façon. Cette catégorie d’objectifs requiert toutefois une préparation davantage rigoureuse afin d’être en mesure de bien représenter la situation désirée.

Expression et créativité : Grâce au caractère flexible et souple du jeu de rôle, la personne étudiante, qui adopte un rôle actif lors de la simulation, développe sa créativité et a la possibilité d’exprimer son senti. En effet, par l’absence de répliques données à l’avance, la personne étudiante est dans l’obligation de prendre des initiatives et d’être créative pour susciter le dialogue. Certaines situations hypothétiques peuvent également exiger des personnes étudiantes, une expression de soi, basée sur leurs valeurs et leurs idéologies.

De leur côté, Proust et Boutros (2008) distinguent neuf usages au jeu de rôle :

6.5.3. Les différents rôles

Lors d’une séance de jeu, différents rôles peuvent être expérimentés. Il est conseillé pour les personnes étudiantes d’expérimenter l’ensemble de ces rôles au cours d’une ou plusieurs séances dans le but de maximiser les bénéfices associés à cette modalité pédagogique (Girard et al., 2005).

La personne aidante

Lors du déroulement du jeu, la personne assumant le rôle de la personne aidante est celle qui adopte la posture conforme aux codes sociaux de la profession. Ainsi, la personne étudiante qui joue ce rôle a l’occasion d’expérimenter les techniques enseignées ou de pratiquer certaines habiletés. Elle doit également être en mesure de poser un regard réflexif et critique sur son vécu intérieur lors des interactions auprès de la personne aidée. La personne aidante est donc activement impliquée lors de la période de jeu de rôle.

La personne aidée

La personne aidée est celle qui bénéficie des services ou du soutien de la personne aidante. Ainsi, la personne étudiante qui se positionne dans ce rôle doit penser et interagir comme le ferait une personne aidée, en prenant en compte ses caractéristiques et son contexte de vie. Une description des caractéristiques de la personne aidée de même que quelques répliques sont généralement offertes pour guider la personne qui joue ce rôle afin de débuter le jeu de rôle de façon efficace et en concordance avec l’intention pédagogique (Ward, 2015).

La personne observatrice

La personne observatrice joue un rôle important et essentiel à l’atteinte des objectifs pédagogiques. Lors du déroulement du jeu de rôle, celle-ci demeure silencieuse. Cependant, elle doit demeurer attentive aux interactions entre la personne aidante et la personne aidée. Notamment, il est possible pour la personne observatrice de consigner ses observations à l’écart en fonction des centrations d’observation spécifiques données au préalable par la personne enseignante (Girard et al., 2005). La personne observatrice adopte ainsi un rôle secondaire mais actif lors du déroulement du jeu. Lorsque le contexte le permet, il peut être intéressant de désigner plusieurs personnes observatrices afin de permettre un retour plus exhaustif à la fin du jeu de rôle comprenant une plus grande variété d’observations.

De plus, selon l’objectif d’apprentissage souhaité par la personne enseignante, les rôles attribués peuvent être 1) spontanés (libres) ou 2) scénarisés (Girard et al., 2005; Ward, 2015).

Rôles spontanés (libres): Bien que certaines consignes de bases soient offertes aux personnes étudiantes afin de leur permettre de bien intégrer leur personnage, aucune réplique préétablie n’est indiquée ou imposée. Les rôles spontanés offrent ainsi une plus grande liberté aux personnes étudiantes, permettant d’agir selon la conception qu’elles se font de cette personne et de réagir intuitivement aux interventions de la personne aidante.

Rôles scénarisés : Les rôles scénarisés sont les rôles où les personnes étudiantes ont recours à un scénario indiquant clairement les répliques à échanger, les réactions à manifester ou les actions à entreprendre lors des échanges. La scénarisation des rôles est généralement davantage présente pour le rôle de la personne aidée dans le but de faciliter le déroulement du jeu de rôle et offrir des rétroactions à la personne aidante (Girard et al., 2005).

6.5.4. Les types de jeux de rôle

Le jeu de rôle peut prendre diverses formes, et ce, en fonction des objectifs d’apprentissages visés et des compétences à mobiliser. Girard et ses collaborateurs (2005) distinguent deux types de jeu de rôle : le jeu de rôle procédural et le jeu de rôle d’exploration. Il est à noter que ces deux types de jeu de rôle peuvent être utilisés lors d’une même situation hypothétique. Cependant, l’un d’eux est généralement prédominant.

 

Jeu de rôle procédural: Ce type de jeu de rôle est utilisé pour faciliter l’acquisition d’une habileté. Il s’avère donc à privilégier lorsque l’objectif du jeu de rôle est lié au développement du savoir-faire des personnes étudiantes.

  • Structure: L’habileté à développer, la technique à maîtriser ou la méthode à employer est généralement décrite et illustrée (souvent à l’aide d’une démonstration) par la personne enseignante avant le début de ce type de jeu de rôle. Un rappel visuel peut également être offert aux personnes étudiantes pour faciliter l’intégration du savoir-faire en explicitant les comportements attendus (ex. : à l’aide d’étapes affichées au tableau ou une feuille aide-mémoire). Ce rappel permet également aux personnes observatrices de s’appuyer sur ces éléments afin de formuler leurs rétroactions lors de la période de retour. De plus, lors de ce type de jeu de rôle, le rôle de la personne/cliente est généralement prédéfini pour permettre à la personne intervenante de bien perfectionner son savoir-faire.

Exemple d’application:

 

Jeu de rôle d’exploration : Le jeu de rôle d’exploration vise davantage l’acquisition de compétences liées au savoir-être, notamment en ce qui a trait à la connaissance de soi. Ce type de jeu de rôle est à privilégier lorsque les personnes étudiantes s’engagent sur les plans affectif et personnel dans une situation et pour leur permettre de poser un regard sur leur posture professionnelle.

    • Structure: Lors de ce type de jeu de rôle, la personne enseignante doit inviter les personnes étudiantes à centrer leur attention sur leur vécu affectif plutôt que sur la performance ou la maîtrise d’une habileté spécifique (ex.: Comment vous sentez-vous? Qu’est-ce que cette situation vous fait vivre?). En effet, le jeu de rôle d’exploration vise à offrir à la personne étudiante l’espace pour observer ce qu’elle ressent lors de l’interaction avec l’Autre. Étant donné que la personne étudiante n’a pas à concentrer son attention sur la maîtrise d’une procédure associée à une habileté spécifique comme pour le jeu de rôle procédural, celle-ci possède une plus grande latitude dans le déroulement du jeu de rôle et dans la suite des interactions. 

Exemple d’application:

6.5.5. Le déroulement type

Plusieurs auteurs proposent un déroulement du jeu de rôle en trois temps : 1) avant le jeu de rôle (aussi appelée étape de la préparation), 2) pendant le jeu de rôle (aussi appelée réalisation) et 3) après le jeu de rôle (étape du retour) (Girard et al., 2005; Lavallière et al., 2018; Marchand et al., 2023). Il est important de considérer que le déroulement présenté ci-dessous est un amalgame de ce que suggèrent ces différents auteurs. Le déroulement peut toutefois varier selon les objectifs visés et selon les préférences de la personne enseignante.

Avant : Avant de débuter le jeu de rôle à proprement dit, il est recommandé que la personne enseignante amorce l’exercice en présentant les notions théoriques liées aux habiletés qui seront développées et appliquées lors du jeu de rôle (Lavallière et al., 2018). Il s’agit également d’un moment pour la personne enseignante de présenter les intentions pédagogiques de même que les règles de fonctionnement nécessaires au bon déroulement du jeu de rôle (Patin, 2005).

Pendant : La personne enseignante annonce le début du jeu de rôle. Les personnes aidée et aidante amorcent dès lors leurs interactions. La personne détenant le rôle de la personne aidée tente de diriger la situation mise en scène en se référant à ses savoirs théoriques et expérientiels (Patin, 2005). De leur côté, les personnes observatrices s’assurent de demeurer attentives à la dynamique interactionnelle tout en consignant à l’écrit les faits observés, les techniques utilisées, les bons coups et les opportunités d’amélioration. La personne enseignante peut, elle aussi, prendre des notes de ses observations afin d’enrichir les rétroactions à la fin de l’exercice. Finalement, lorsque la personne enseignante considère que les objectifs pédagogiques ont été atteints, celle-ci peut annoncer la fin du jeu de rôle. D’ordre général, un jeu de rôle ayant en moyenne une durée de cinq à quinze minutes s’avère généralement suffisant pour permettre aux personnes étudiantes d’en retirer des bénéfices (Girard et al., 2005). Cela dit, la durée requise peut varier selon la situation hypothétique et les objectifs pédagogiques.

Après : Une fois le jeu de rôle terminé, la personne enseignante a tout intérêt à prévoir un moment pour effectuer un retour collectif ou en sous-groupe. La période de retour permet aux personnes aidante, aidée et observatrice de s’exprimer et d’analyser l’exercice réalisé (Marchand et al., 2023). Ainsi, les personnes observatrices ont l’occasion de partager leurs observations réalisées pendant le jeu de rôle et de formuler des commentaires constructifs (ex. : bons coups et opportunités d’amélioration). Ensuite, les personnes jouant le rôle de la personne aidée et de la personne aidante ont l’occasion de partager leurs perceptions et d’émettre des commentaires sur l’expérience vécue (Girard et al., 2005). Lors du retour, la personne enseignante peut, elle aussi, effectuer des rétroactions ou ajouter des questions de relance et de réflexion dans le but de faciliter les échanges et les prises de conscience. Ce retour permet à la personne enseignante d’effectuer des liens avec les notions théoriques enseignées au préalable. Cette étape du jeu de rôle s’avère donc essentielle pour soutenir les apprentissages effectués lors de l’expérimentation et soutenir le transfert des connaissances vers la pratique (Girard et al., 2005; Marchand et al., 2012).

6.5.6. Les avantages au jeu de rôle

Le jeu de rôle en enseignement supérieur offre de nombreux avantages pédagogiques, tant pour les personnes étudiantes que pour les personnes enseignantes. Du côté des personnes étudiantes, il constitue une stratégie efficace pour soutenir le développement des habiletés relationnelles, telles que l’empathie et l’introspection (Jones et Conner, 2021; Laughey et al., 2019). À cet effet, comme le soulignent Chamberland et Provost (1996, p. 81), « [l]es mises en situation sont habituellement organisées autour d’un problème et amènent les participants à se percevoir par rapport à celui-ci et à comprendre la position, les sentiments et les attitudes des autres ». De plus, étant donné l’importance des interactions sociales dans cette approche pédagogique, le jeu de rôle encourage le travail d’équipe, la négociation et l’apprentissage par les pairs, renforçant ainsi les compétences en communication et en collaboration (Kettula et al., 2013). Il encourage également l’apprentissage autodirigé et la créativité, offrant aux personnes étudiantes un cadre dynamique et engageant (Jones et Conner, 2021).

Le jeu de rôle procure également un contexte additionnel de formation pratique où les personnes étudiantes peuvent rapidement mettre en application certaines notions théoriques complexes (Chamberland et Provost, 1996; Marchand et al., 2023). En effet, la formation en enseignement supérieur peut parfois être perçue par certaines personnes comme étant davantage théorique et s’éloignant parfois de la réalité professionnelle (Marchand et al, 2012). Il s’agit donc d’une méthode précieuse pour compléter les apprentissages pratiques, en particulier dans les programmes de formation où des stages réels sont limités ou ne sont pas possibles, en permettant aux personnes étudiantes d’appliquer la théorie à des situations concrètes (Kettula et al., 2013). Le jeu de rôle peut ainsi combler cet écart en plaçant les personnes étudiantes en action.

Il offre aussi une occasion d’interagir avec une clientèle variée dans un cadre simulé, préparant ainsi les étudiants aux défis de leur future pratique professionnelle (Lavallière et al., 2018). D’ailleurs, la rétroaction immédiate de la personne enseignante et des pairs permet aux personnes étudiantes d’ajuster leurs stratégies et d’améliorer leurs apprentissages, tout en stimulant leur motivation et leur engagement (Stevens, 2015).

Enfin, le jeu de rôle présente également des avantages pour la personne enseignante. En effet, il s’agit d’une stratégie pédagogique relativement simple d’utilisation, qui permet d’évaluer des compétences difficiles à mesurer autrement (Chamberland et Provost, 1996). Certains apprentissages déterminants nécessitent que les étudiants adoptent un rôle actif et s’immergent dans des situations simulées qui s’apparentent à des contextes sociaux et professionnels réels (Proust et Boutros, 2008). Ainsi, en intégrant le jeu de rôle dans leurs pratiques pédagogiques, les enseignants offrent aux étudiants une expérience formatrice riche, leur permettant de mieux articuler la théorie et la pratique tout en développant des compétences essentielles à leur profession future.

6.5.6. Limites ou éléments à considérer : 

Bien que le jeu de rôle offre de nombreux avantages pédagogiques, certaines limites ou éléments doivent être considérés avant son implémentation afin d’en maximiser l’efficacité.

D’abord, l’utilisation du jeu de rôle peut générer de l’anxiété, de l’insécurité ou de la gêne chez les personnes étudiantes (Johnston et Michaud, 2010; Kettula et al., 2013). Ces réactions peuvent être expliquées par l’incertitude inhérente à cette méthode, due à l’absence de lignes directrices claires dans certaines situations et à la grande latitude accordée aux participantes et participants (Kettula et al., 2013). De plus, la présence des pairs en tant que spectateurs peut accentuer la pression ressentie, pouvant rendre certaines personnes étudiantes plus hésitantes à s’engager pleinement dans l’activité. Ainsi, comme le jeu de rôle repose sur la confiance et le respect mutuel, il est essentiel que les personnes étudiantes aient tissé des liens interpersonnels avant de l’introduire. La personne enseignante doit ainsi gagner la confiance des personnes étudiantes, valoriser leurs compétences encourager leur confiance en soi et avoir des attentes réalistes (Johnston et Michaud, 2010). De plus, pour prévenir ou atténuer l’anxiété, l’insécurité et la gêne, les personnes enseignantes doivent, dès le départ, clarifier les étapes du jeu de rôle et clarifier les attentes. En particulier, elles doivent miser sur l’instauration d’un climat bienveillant, où les erreurs sont permises afin que chaque personne étudiante se sente à l’aise d’expérimenter et d’apprendre sans crainte du jugement (Kettula et al., 2013).

Ensuite, le manque d’engagement de certaines personnes étudiantes peut également être un limite à l’utilisation du jeu de rôle (Chamberland et al., 2006; Johnston et Michaud, 2010). En effet, dans certains contextes, le jeu de rôle peut être moins motivant s’il ne reflète pas directement des situations réelles auxquelles les personnes étudiantes seront confrontées dans leur futur milieu de travail. Cette limite peut toutefois être atténuée par la création de mise en situation inspirée de situations réelles et par la combinaison à d’autres stratégies pédagogiques qui placent les personnes étudiantes en contact avec la réalité des milieux de pratique, telles que des personnes conférencières invitées ou des stages de formation pratique qui enrichissent l’expérience simulée. Par ailleurs, le jeu de rôle peut parfois donner une image déformée du milieu professionnel, en exagérant ou en simplifiant des situations complexes, ce qui pourrait nuire à la compréhension réaliste des défis auxquels les personnes étudiantes seront confrontées dans leur pratique professionnelle. Il est donc essentiel que les personnes enseignantes abordent ces aspects lors du retour collectif afin de favoriser une réflexion critique sur les apprentissages réalisés (Kettula et al., 2013).

Enfin, l’utilisation du jeu de rôle peut demander un investissement important en temps et en énergie de la part des personnes enseignantes puisque cette approche pédagogique requiert une planification, une organisation et une mise en œuvre minutieuses des scénarios (Johnston et Michaud, 2010).

 

Références

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