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6.4. Comment exploiter le potentiel de la pédagogie par le jeu dans le cadre de son enseignement?

Dans une perspective d’apprentissage expérientiel, intégrer des activités ludiques telles que des jeux de rôles, des jeux coopératifs, des débats ou des jeux de discussion peut enrichir l’expérience éducative (Hovington et Lépine, 2024). Pour maximiser le potentiel pédagogique de ces activités, la personne enseignante peut mettre en place des stratégies favorisant l’expression de soi, les interactions entre les membres du groupe et la réflexion individuelle et collective.

De plus, plusieurs travaux mettent en lumière l’importance de l’attitude ludique et d’un climat d’apprentissage positif lors de l’animation d’activités en classe (Lauricella et Edmunds, 2022). Ces deux éléments jouent un rôle clé dans la création d’une expérience d’enseignement-apprentissage significative et positive (Hovington et Lépine, 2023).

Même s’il est difficile d’agir directement sur l’attitude des personnes étudiantes, une personne enseignante qui adopte elle-même une posture ludique, de manière sincère et authentique, peut influencer positivement l’ambiance de la classe et susciter un état d’esprit similaire chez les personnes apprenantes.

Le modèle de Kolb présente l’avantage de distinguer clairement l’expérience concrète vécue pendant le jeu de la phase de réflexion qui suit. Comme le souligne Sanchez (2023), l’apprentissage par le jeu ne se limite pas à l’activité elle-même : il nécessite une phase de métacognition qui permet aux personnes étudiantes de prendre du recul, d’analyser leur expérience et de transférer les apprentissages à d’autres contextes. La manière dont une activité est perçue, comme un jeu ou non, dépend à la fois de la personne étudiante et de la posture adoptée par la personne enseignante (Sanchez, 2023). Pour maximiser le potentiel pédagogique d’une activité ludique, il est donc recommandé de suivre un processus structuré, incluant une phase d’introduction (prébreffage), laparticipation active à l’activité, puis une phase de retour réflexif (débreffage) favorisant la consolidation des apprentissages.

6.4.1. Introduction – Avant la mise en œuvre d’un jeu ou d’une activité ludique

L’introduction ou le prébreffage permet de communiquer les informations nécessaires au bon déroulement du jeu ou de l’activité. En éclaircissant les attentes, l’introduction du jeu favorise la mise en place d’un sentiment de confiance et veille à ce que toutes les personnes étudiantes reçoivent les mêmes directives. De plus, l’introduction contribue au bon déroulement de l’activité et que toutes les personnes qui y jouent, en tirent le meilleur parti.

En particulier, il s’agit du moment permettant de préciser les règles du jeu. Celles-ci peuvent être explicites et dirigées vers l’atteinte d’un objectif précis ou elles peuvent être négociées et construites au fur et à mesure du jeu (Brougère, 2008). En ce sens, il importe de décrire comment la réalisation de l’activité sera utile pour développer les compétences visées. Il s’agit aussi d’une occasion pour attribuer les rôles aux personnes participantes et de préciser les consignes liées aux contraintes de temps et d’espace.

De plus, l’intérêt suscité par le jeu ou l’activité et la clarté des objectifs à atteindre viendront influencer la capacité de la personne étudiante à s’approprier le jeu et à lui accorder un sens. Comme le souligne Sanchez (2013), la personne étudiante adopte un rôle de joueur et accepte de jouer un rôle qui n’est pas celui qui est habituellement attendu en contexte d’enseignement supérieur. En ce sens, le rôle de la personne enseignante est crucial car une activité mal introduite risque d’influencer l’engagement des personnes étudiantes. Voici donc quelques principes pédagogiques qui permettent d’optimiser l’introduction du jeu.

Stratégies à mettre en place avant l’activité

Inclure des activités d’introduction qui encouragent la création d’un environnement où règnent la confiance et le respect. Préciser les visées pédagogiques, par exemple l’activité permettra de :

 

 

Éviter de surcharger les personnes étudiantes avec trop d’information avant l’activité. La période d’introduction de l’activité peut être effectuée à l’avance, en personne avant que ne se déroule le jeu même; ou s’enregistrer d’avance en prévision de l’activité, en format vidéo ou audio.

6.4.2. Participation active – Pendant le jeu ou l’activité ludique

La phase de participation constitue le cœur de l’expérience d’apprentissage ludique. C’est à ce moment que les personnes étudiantes sont pleinement engagées dans l’activité, mobilisant leurs connaissances, leurs compétences et leurs stratégies pour relever les défis proposés. Cette participation active favorise l’immersion, la motivation et l’interaction entre les pairs, tout en permettant aux personnes apprenantes d’expérimenter, de prendre des décisions et d’en observer les conséquences dans un cadre sécurisant. Pour maximiser l’effet pédagogique de cette phase, il est important que l’activité soit claire, stimulante, bien structurée et en lien avec les objectifs d’apprentissage visés.

Stratégies à mettre en place pendant l’activité

 

6.4.3. Retour réflexif – Après le jeu ou l’activité ludique

Dans un contexte d’enseignement supérieur qui vise l’appropriation de concepts et le développement de compétences, l’apprentissage par le jeu est facilité par un retour réflexif avec une personne enseignante qui est mesure de fournir un sens à ce qui a été vécu et de permettre de tirer profit des apprentissages qui pourraient être utiles dans d’autres contextes similaires (Hovington et al., 2022). Dans la mesure où la personne enseignante souhaite favoriser le développement du savoir-être, l’expérience de l’activité ludique a tout avantage à se présenter comme une expérience qui pourrait être vécue dans des conditions semblables à celles qui sont l’objet d’apprentissage. Comme le souligne Sanchez (2023), pour favoriser un apprentissage expérientiel ludique, il importe que la personne étudiante soit en mesure de développer un raisonnement qui lui permette de faire le lien entre la situation de jeu et les situations professionnelles ou de la vie courante au cours desquelles elle pourra mobiliser les mêmes compétences. Ainsi, le temps accordé à la réflexion en groupe ou en individuel est primordial car il permet à la personne étudiante de porter un regard réflexif sur l’expérience vécue. Ce retour réflexif, communément appelé « debreiffing ou débreffage » se déploie de différentes façons. Le débreffage est une activité menée pendant le jeu, ou une fois le jeu terminé. C’est une occasion pour les personnes étudiantes de se pencher sur les décisions qu’elles ont prises et sur les actions qu’elles ont accomplies. Elles peuvent ainsi acquérir des connaissances et développer des compétences propres à leur discipline. La personne enseignante verra à guider l’analyse de l’expérience en faisant appel à ses compétences d’animation, à ses savoirs disciplinaires et à ses observations lors de la mise en œuvre d’une activité. Dans certains cas (des jeux vidéos par exemple), la personne enseignante pourrait avoir accès à un compte rendu des réponses des personnes étudiantes et pourrait les aborder de façon plus spécifique. En ce sens, la période débreffage est plus qu’une simple réflexion : c’est un procédé délibéré et systématique.

Stratégies à mettre en place lors du retour réflexif :

La période de débreffage vise aussi à permettre l’expression des émotions et de recueillir des informations à propos des perceptions des personnes étudiantes face au jeu et les modifications éventuelles à lui apporter. Ainsi, la personne enseignante est invitée à favoriser les échanges permettant l’expression et le partage de l’expérience de jeu. Il est aussi recommandé de procéder à ces échanges dès la fin d’une activité ou d’un jeu car les personnes étudiantes seront encore imprégnées des émotions vécues.