2.2. Le plaisir d’enseigner

Le plaisir d’enseigner chez les personnes enseignantes est lié au plaisir d’apprendre des personnes étudiantes (Romainville, 2016). En effet, le plaisir d’apprendre va de pair avec le désir de former et passe nécessairement par l’implication et la responsabilité partagée des personnes enseignantes et étudiantes. Il a été montré que les personnes enseignantes souhaitent que les aspects associés à la dimension émotionnelle (par ex. relations avec les personnes étudiantes) de leur enseignement leur permettent de s’enrichir, autant dans la relation pédagogique qu’au plan professionnel (LeTor, 2006). En effet, pour les personnes enseignantes, la relation avec les personnes étudiantes fait partie des joies du métier (Tardif et Lessard, 1999). À cet égard, on reconnait la nécessité d’un environnement universitaire positif qui accorde une importance au plaisir et aux relations positives en contexte d‘enseignement supérieur (Oades et al., 2011). Qui plus est, le plaisir ressenti en enseignement améliore l’humeur, la motivation, la santé physique et psychologique et l’implication au travail (Marion et Lafortune, 2015).

Cultiver le plaisir d’enseigner suppose de mettre l’accent sur ce qui rend heureux en enseignement, et ce, même lorsque les conditions de travail sont plus difficiles. En effet, les travaux de Bouffard et Lapierre (2017) montrent que plus la personne se sent bien, plus elle ressent du plaisir dans les activités qu’elle exerce. De plus, une autre étude illustre que les valeurs de plaisir, de stimulation et de dépassement de soi suscitent davantage le bien-être au travail des enseignants (Llena et al., 2019) En particulier, une personne enseignante qui fait preuve d’authenticité et qui met en actes ses valeurs personnelles dans ses cours, impacte positivement son plaisir d’enseigner (Llena, 2019).

La réflexion sur la place qu’occupe le plaisir dans l’acte d’enseigner n’est pas nouvelle. En 1997, Banner et Cannon en ont tracé les contours qui sont encore très pertinents. Pour eux, plusieurs personnes enseignent parce que cet acte leur procure la forme la plus profonde de satisfaction. Il serait en effet difficile d’imaginer des personnes enseignantes efficaces qui ne soient pas fascinées par leur matière, qui n’aiment pas être parmi les personnes étudiantes et qui ne s’épanouissent pas en nourrissant l’esprit et la vie des autres. En fait, plusieurs personnes enseignent parce que cela implique une bonne part de plaisir qui se traduit par le rire, l’humour et des jeux. C’est pourquoi, selon Banner et Cannon, l’enseignement devrait être source d’une variété de plaisir en étant, à la fois, travail et jeu. En ce sens, la classe deviendrait un lieu où s’épanouissent les cœurs et l’esprit. Comment, alors, une personne peut-elle s’assurer que par l’acte d’enseigner elle vit du plaisir tout en le communiquant aux personnes étudiantes ? Banner et Cannon identifient six pistes pour comprendre le plaisir en enseignement.

Le plaisir consiste à créer une atmosphère dans laquelle les personnes étudiantes prennent plaisir à apprendre. Lorsque l’apprentissage est lié à des objectifs qui sont à la portée des personnes étudiantes, qu’il favorise leur compréhension du monde et de nouveaux domaines de connaissances, alors il conduit à des plaisirs et à des satisfactions de la plus haute importance.

 Tant qu’il n’est pas utilisé aux dépens d’autrui, l’humour peut favoriser la compréhension, mettre en lumière les forces, désamorcer les difficultés et soutenir l’engagement. Ainsi, l’utilisation de l’humour à bon escient est encouragée. Les séances de cours, même lorsqu’elles sont axées sur des tâches sérieuses, peuvent souvent être remplies d’éclats de rire.

 Peu de personnes sont attirées par un apprentissage aride et austère. La plupart des personnes apprennent mieux lorsqu’on leur montre que les exigences de l’apprentissage ne mènent pas seulement à une connaissance spécifique dans un cours, mais aussi à une compréhension plus large de l’être humain. C’est pourquoi les personnes enseignantes ont tout avantage à révéler comment certains apprentissages ont enrichi leur propre vie et comment leur enseignement est l’expression de leur désir d’enrichir également la vie des autres. En fait, illustrer le plaisir profond que leur procure leur propre apprentissage est un vecteur pour insuffler l’engagement à apprendre.

Afin de favoriser le sentiment de satisfaction associé à un apprentissage, il importe de reconnaître que celui-ci comporte parfois des frustrations et des déceptions. Lorsque les difficultés d’un apprentissage sont reconnues , les personnes étudiantes peuvent les accepter et ainsi continuer plus facilement à investir des efforts pour apprendre et ainsi récolter les gains qui découlent de leurs efforts.

Les plus grandes joies des personnes enseignantes naissent souvent de la découverte que des personnes à qui elles ont enseigné ont bien réussi, que leur vie a été enrichie par les compétences développées dans le cadre de leurs études.

Ce plaisir un peu égoïste se traduit par cet espoir qui habite toute personne enseignante, celui que les personnes étudiantes aient développé leurs compétences et qu’en retour elles se souviennent avec affection et respect des personnes enseignantes qui ont croisé leur chemin.