"

Conclusion

Luc K. Audebrand; Patrice C. Ahehehinnou; et Gabriel Huot

Ce manuel présente une définition de l’engagement social qui explore ses multiples facettes. Cette définition permet en effet de reconnaître une grande diversité de contributions en faveur du mieux-être collectif, que ce soit par le comment (temps, expertise, argent, biens ou notoriété), le qui (personnes, groupes ou organisations), le pourquoi (causes, valeurs et aspirations) ou encore le pour qui et le pour quoi (proches, communauté, humanité ou vie sur Terre). L’ouvrage met de l’avant les gestes concrets, ce qui donne une vision de l’engagement profondément tournée vers l’action. Il souligne également le caractère volontaire de l’engagement, offrant ainsi une perspective contemporaine centrée sur un élan authentique.

Ce manuel aborde à plusieurs reprises les profondes interactions entre le mieux-être collectif et le mieux-être individuel. Ceux-ci ne sont effectivement pas en opposition dans le geste de l’engagement social. Prendre soin de l’autre contribuera à prendre soin de soi. Il importe d’ailleurs de valoriser davantage les retombées positives de l’engagement social sur le mieux-être des personnes, des groupes et des organisations. Parmi ces retombées, rappelons les multiples bienfaits de l’engagement social sur la santé physique, mentale et sociale. Tel qu’énoncé dans cet ouvrage, il est même possible de considérer l’engagement social comme la cinquième habitude de vie. La littérature permet de faire émerger ce constat novateur : l’engagement social favorise la santé et le bien-être des personnes, en prévenant notamment le risque de certaines maladies chroniques, en diminuant le risque de mortalité et en favorisant la qualité de vie. L’engagement social pourrait donc être considéré comme un des piliers d’un mode de vie au même titre que l’alimentation saine, la pratique d’activité physique, le sommeil et la gestion du stress. Il serait même possible de le considérer comme un levier recommandé par les professionnels de la santé et des services sociaux. De plus, l’engagement social peut contribuer au bien-être d’autrui et exercer une influence sur les déterminants sociaux de la santé d’une communauté. Puisqu’il participe au mieux-être des proches, d’une communauté, de l’humanité et de la vie sur terre, il peut représenter une composante importante de la santé globale durable, qui vise un esprit sain dans un corps sain, dans un milieu de vie et un environnement sains, sur une planète en santé.

Cela étant dit, il est également essentiel de porter attention aux limites des personnes engagées et d’être alerte aux signes révélateurs d’épuisement causés par un engagement excessif. En effet, l’épuisement peut entraîner un déclin, voire une cessation, de leur contribution, ce qui souligne encore une fois le lien entre le mieux-être individuel et le mieux-être collectif à travers l’engagement social. De plus, considérer l’engagement social comme une saine habitude de vie facilite d’ailleurs l’intégration des notions d’équilibre de vie dans la réflexion.

Ce manuel souligne un autre bénéfice pour le mieux-être individuel, soit celui lié aux différents savoirs. En effet, l’engagement social peut contribuer autant à approfondir les savoirs, le savoir-faire, le savoir-être, le savoir-agir, que le savoir-apprendre. Ce manuel vise ainsi à mettre en valeur le potentiel de l’engagement social en tant qu’occasion d’apprentissages. L’engagement social possède un pouvoir de transformation profond. Il suscite des remises en question, apporte des perspectives nouvelles et permet de développer des compétences.

Participer à créer le changement dans la société peut avoir des répercussions profondes sur notre vie et transformer nos perceptions. S’engager permet de prendre conscience qu’il existe d’autres façons de concevoir la carrière, par exemple en donnant de son temps à des organismes, à des individus ou à des communautés. L’engagement peut être vu comme étant kaléidoscopique, c’est-à-dire qu’il peut prendre forme dans tous les aspects de notre vie.

Caroline Housieaux, chargée d’enseignement, Faculté des sciences de l’administration, 2022

En relation avec la question des savoirs, cet ouvrage propose le cycle d’apprentissage d’une expérience d’engagement social. En suivant cette boucle, une personne s’engage, elle approfondit ses savoirs, son savoir-faire et son savoir-être par l’entremise de son savoir-apprendre, elle mobilise ces savoirs dans l’action (à travers son savoir-agir) en s’engageant davantage ou autrement, renouvelant ainsi le processus. Pratique et compréhension se nourriront l’une et l’autre.

S’engager c’est aussi accepter de se laisser transformer par les autres à travers l’effet qu’ils ont sur nous.

Nolywé Delannon, professeure agrégée, Faculté des sciences de l’administration, 2022

Il ne faut pas attendre que les autres amorcent le changement souhaité. Il faut arrêter d’en parler, puis poser des gestes. À travers ces actions, questionnez-vous sur la validité des gestes que vous avez posés. Est-ce que cela en valait la peine? Est-ce que cela a du sens? Devriez-vous continuer ou chercher autre chose? Avancez, faites-le, allez sur le terrain et demandez aux gens ce qu’ils en pensent. Écoutez, prenez le temps d’écouter ce que disent les autres.

Maxime Amar, président fondateur de la Clinique SPOT – Clinique communautaire de santé et d’enseignement, 2022

Le modèle de pratique réflexive sur l’engagement social, présentée dans cet ouvrage, permet non seulement d’accompagner ce processus, mais aussi de faciliter l’apprentissage tout au long de la vie en favorisant le savoir-apprendre, tout comme le savoir-agir. De plus, il peut être appuyé par les différents chapitres de ce manuel, débutant d’ailleurs lui aussi en interrogeant le pourquoi.

En effet, en plus des effets bénéfiques sur le mieux-être individuel, l’engagement social profite aussi au mieux-être des proches, des communautés, de l’humanité et de la vie sur Terre. L’engagement social mérite d’être valorisé davantage, car il occupe bien plus qu’une position en marge de nos sociétés; les actions des personnes et des organisations engagées constituent bien plus qu’un simple baume face aux enjeux sociétaux. Il est aussi possible de placer l’engagement social encore plus au cœur de nos vies : celui-ci pourrait même constituer l’ADN de communautés plus solidaires, bâties sur des relations d’entraide. Le modèle individualiste, dans lequel la quête de son propre intérêt est vue comme un dogme n’est pas un absolu qui ne peut être remis en question, pas plus que les défis sociétaux ne doivent reposer que sur la responsabilité des gouvernements.

Une distinction intéressante peut être établie entre les concepts de « responsabilité sociale » et « d’engagement social ». En effet, si le premier est généralement associé à la norme, à ce qui est attendu d’une personne, d’un groupe, ou d’une organisation, le second se distingue par son caractère plus volontaire. L’engagement social semble surérogatoire et peut donc, dans certains cas, aller au-delà de la responsabilité sociale. Il évoque ainsi une participation encore plus active.

Il est même permis de proposer des solutions innovantes pour favoriser l’engagement. Par exemple, en Suisse, les personnes qui font du bénévolat auprès des personnes âgées peuvent accumuler des heures de bénévolat dans une banque de temps et les échanger par la suite, lorsqu’elles seront elles-mêmes âgées. À Brooklyn, il existe une épicerie où les membres doivent mettre la main à la pâte, car elle est entièrement gérée par ceux-ci.

L’importance de l’engagement social pourrait en fait augmenter en fonction des transformations actuelles et à venir. Il est fort possible que ce soient les communautés solidaires qui sauront le plus faire preuve de résilience. Peut-être sommes-nous appelés à changer en profondeur la perception de notre rôle social à l’égard du mieux-être collectif.

Il est toutefois à propos de faire preuve d’un optimisme prudent lorsqu’il est question du rôle de l’engagement au sein de nos sociétés. Il importe de tenir compte de la disponibilité, des limites ainsi que des besoins des personnes engagées. Faire reposer le poids de l’engagement social uniquement sur leurs épaules serait une erreur. Rappelons que l’adjectif « social » dans le concept d’engagement social renvoie davantage à sa nature qu’à son objet. Par conséquent, les réponses seront également collectives. Il faudra privilégier des approches facilitatrices, comme la mise en place par les organisations de programmes permettant le bénévolat durant les heures de travail (pour ne citer que cet exemple). Cette réflexion peut cependant aller beaucoup plus loin et s’inscrire dans une remise en question de la société de performance et viser un ralentissement de nos rythmes de vie, accordant le temps nécessaire à cette saine habitude de vie qu’est l’engagement social. Nous pouvons entreprendre ces changements dès maintenant, puisqu’ils peuvent contribuer à notre mieux-être individuel et collectif.

Licence

Symbole de License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International

L'engagement social Droit d'auteur © par Luc K. Audebrand; Patrice C. Ahehehinnou; et Gabriel Huot est sous licence License Creative Commons Attribution - Pas d’utilisation commerciale - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.