4.4 Structurer, harmoniser et rendre disponible la donnée tout au long du cycle de vie
Le manque de données s’est révélé être un obstacle majeur pour plusieurs projets. Les données disponibles varient en types et concernent divers enjeux. Par exemple, le projet d’analyse des stratégies d’économie circulaire pour le secteur LaSalle, Ville-Saint-Pierre et Lachine a mis en lumière un manque de données liées à l’énergie des bâtiments ainsi qu’un manque d’accessibilité aux données urbanistiques. Cette quête des données s’est révélée être une tâche complexe, ce qui a empêché d’atteindre les objectifs initiaux, plus particulièrement dans le cadre de l’étude de la performance environnementale et de l’analyse du cycle de vie du projet. Des constatations similaires ont été faites au cours du projet sur Rénovation de bâtiments administratifs et la valorisation des matériaux, au cours duquel la collecte des données a été chronophage en plus d’avoir mis en lumière l’incertitude des données des premiers inventaires quant au potentiel de réemploi des actifs à rénover. Aussi, faute de bases de données complètes, fiables et adaptées au contexte québécois, il existe une difficulté de calculer les indices de circularité des matériaux (MCI), des produits (PCI), des systèmes (SCI) et des bâtiments (BCI), comme l’a démontré le projet qui a étudié la Traçabilité des matériaux.
Les obstacles rencontrés au sein de ces projets reflètent les enjeux généraux auxquels le secteur fait face :
- un manque de disponibilité voire une perte des données concernant les actifs bâtis tout au long de leur cycle de vie, et
- un manque de suivi et de traçabilité de ces données lors de l’exploitation et de la fin de vie des actifs.
Ce manque d’information représente un obstacle important au réemploi des matériaux qui impacte directement la possibilité d’instaurer une culture de circularité dans le domaine de la construction.
De plus, l’interopérabilité des données reste à ce jour lacunaire dans le secteur de la construction. Par exemple, le projet d’étude du potentiel de réemploi des bâtiments par la Ville de Trois-Rivières a démontré que l’appréhension des utilisateurs face à l’utilisation de logiciels de données SIG spécifiques peut enrayer leur accessibilité, leur extraction, la lecture et l’échange. Enfin, certaines données telles que les données administratives ou urbanistiques sont difficiles à obtenir.
Pour remédier à ces obstacles, plusieurs stratégies ont été identifiées. Comme discuté précédemment, la mise en œuvre de processus assurant la traçabilité présente un potentiel significatif pour améliorer la transparence dans la chaîne d’approvisionnement et la gestion de la qualité des produits et matériaux de construction. Elle apparaît être une condition essentielle pour transformer l’économie linéaire en économie circulaire, car elle permet de maintenir le lien entre toutes les étapes du cycle de vie d’un actif. Elle est susceptible de devenir un aspect de plus en plus important de l’économie circulaire du fait qu’elle répond aux besoins émergents pour une meilleure gestion de l’information tout au long du cycle de vie des biens. Actuellement, aucun outil, processus ou plateforme ne répond pleinement aux enjeux de circularité.
Il est donc primordial de développer des plateformes, incluant les bases de données, adaptées au contexte québécois, contenant des informations fiables et mises à jour, afin de réaliser des analyses robustes. Ce développement implique de considérer l’ensemble du cycle de vie des produits et matériaux ainsi que les exigences en fin de vie. Ce système doit inclure toutes les données traçables relatives aux entités, activités, acteurs, processus, systèmes et contextes. De plus, il doit permettre aux parties prenantes de mettre à jour ces données. Enfin, pour assurer la traçabilité, des modèles de données soutenant l’automatisation et l’intégration, voire une standardisation des données selon différents cas d’usage, doivent être envisagés.
L’optimisation de la gestion de données représente quant à elle un levier dans l’optimisation de la logistique inverse, comme l’a mis en exergue le projet d’étude de la Logistique interne d’un centre de réemploi à Montréal. La gestion des données a un impact important sur l’anticipation du stockage des matériaux et des produits de réemploi, ainsi que sur le contrôle des flux entrants et sortants et sur les indicateurs de performance de durabilité. En effet, une bonne gestion des données a permis, dans le cadre du projet, de déterminer de façon précise la surface au sol nécessaire pour le stockage des produits triés par catégories, mais également d’élaborer des indicateurs de performance (KPI) adaptés au centre de réemploi en vue d’un suivi des aspects environnementaux et des aspects de gestion. Le développement d’une gestion de données efficiente facilite l’appréhension des flux entrants et sortants, la réalisation des inventaires et assure la traçabilité des produits. En plus de la gestion de ces données, leur qualité est primordiale afin de pouvoir établir des indicateurs de performance adaptés et suivre leur évolution.
Au regard de ce qui vient d’être présenté, les données influencent l’opérationnalisation des indicateurs et des calculs des niveaux de performance ainsi que la traçabilité des matériaux et produits tout au long de leur cycle de vie.
Par conséquent, la fiabilité, l’accessibilité et la gestion des données à travers des plateformes et des bases de données représentent des leviers majeurs pour la circularité. Ces derniers doivent être abordés de manière systémique à tous les niveaux de développement, soit :
- réglementaire (standardisation),
- technique (interopérabilité des outils) et,
- économique (responsabilité).
Lire la suite : 4.5 Mieux définir et diffuser les concepts
Analyse du cycle de vie : analyse visant à déterminer et à mesurer les impacts environnementaux, les conséquences sociales ou les coûts d'un produit ou d'un procédé tout au long de son cycle de vie.
Opération par laquelle on utilise une matière résiduelle ou un bien de consommation de nouveau, sans en modifier les propriétés.
Material Circularity Indicator, Indice de circularité des matériaux.
Product Circularity Index, indice de circularité des produits. À ne pas confondre avec le Processus de Conception Intégré, terme également utilisé dans cet ouvrage.
System Circularity Index, Indice de circularité du système.
Building Circularity Index, Indice de circularité du Bâtiment.
Ensemble des étapes de la vie d'un produit, d'un procédé ou d'un service.
La capacité de suivre et de tracer l'historique, l'emplacement, l'application et le mouvement des matériaux, des produits ou des systèmes, du point d'origine au point de consommation ou d'élimination, tout en fournissant des informations détaillées sur les processus de transformation, les intermédiaires et les acteurs impliqués à chaque étape de la chaîne de valeur.
Capacité que possèdent des systèmes de données hétérogènes à fonctionner conjointement, grâce à l'utilisation de langages et de protocoles communs, et à donner accès à leurs ressources de façon réciproque.
Système d’Information Géographique.
Système de production, d'échange et de consommation où les ressources sont extraites puis utilisées pour fabriquer des produits qui seront ensuite livrés, consommés puis jetés, sans prise en compte de la capacité de support des écosystèmes.
Système de production, d’échange et de consommation visant à optimiser l’utilisation des ressources à toutes les étapes du cycle de vie d’un bien ou d’un service, dans une logique circulaire, tout en réduisant l’empreinte environnementale et en contribuant au bien-être des individus et des collectivités.
Toutes les étapes de la vie d'un produit, d'un procédé ou d'un service, depuis sa conception et sa fabrication jusqu'à sa fin de cycle et son éventuelle réintégration dans l'économie.
Un système de gestion logistique des produits qui se base sur le retour, la récupération ou le recyclage des produits vers l’entreprise de production.
Indicateurs de performance clé (Key Performance Indicators en anglais).