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4.2 Identifier et renforcer des modèles d’affaires circulaires

De manière générale, la crainte de l’erreur et la perte potentielle de temps et d’argent freinent souvent des transitions vers de nouvelles pratiques. Le manque de retour d’expérience contribue à cette inertie. Pour éviter ces scénarios, les parties prenantes optent alors pour des modèles connus, éprouvés et généralement rentables. L’analyse des 19 projets menés dans le cadre du Lab construction illustre principalement des approches techniques, technologiques et réglementaires. La démonstration de la viabilité économique reste parfois à renforcer – et représente un levier majeur pour promouvoir de nouvelles pratiques. En effet, de nombreuses parties prenantes du secteur de la construction souhaitent des stratégies viables pour s’engager pleinement dans une transition circulaire. Toutefois, il est nécessaire de comprendre que la notion de rentabilité est influencée par les typologies de matières à circulariser et les contextes particuliers (notamment les tarifs locaux de l’enfouissement) dans lesquels le projet s’inscrit. De plus, la rentabilité dépend fortement du mode de calcul du retour sur investissement (ROI) et du périmètre des mesures qui sont prises, dont notamment l’évaluation de l’internalisation des coûts.

Par exemple , le projet de mise en place d’une plateforme de Démantèlement des portes et fenêtres en vue du recyclage, a mis en évidence des facteurs qui s’influencent mutuellement : la contamination, la qualité de la matière, la valeur ajoutée des produits recyclés, les frais de transport, ainsi que les cours des matériaux neufs influencent considérablement les tarifs sur le marché du recyclage.

D’autre part, la diversité des recycleurs sur chaque territoire et la proximité géographique des centres de recyclage influencent les options disponibles. D’ailleurs, les matériaux n’ont pas tous le même potentiel de reprise chez les recycleurs : par exemple, le métal est souvent racheté à des taux de reprises élevés alors que le bois engendre des frais d’accueil. Pour assurer une filière de démantèlement et de recyclage de portes et fenêtres viable, une massification des gisements à toutes les étapes de la chaîne de valeur, notamment à travers des démantèlements de bâtiments par lots, est nécessaire. Cela permettra d’optimiser les méthodes de démantèlement, ce qui se traduit en un travail plus efficace et plus rentable, tout particulièrement pour des typologies de portes et fenêtres à faible complexité. À cet effet, une collaboration doit être engagée avec les fabricants de portes et fenêtres afin de revoir les assemblages des produits pour assurer un démantèlement ultérieur qui soit facile.

À l’échelle du secteur, il serait opportun d’envisager des dispositions salariales spécifiques pour les travailleurs de la déconstruction sur chantier. Une autre option possible consiste en l’industrialisation des processus de démantèlement qui inclut des machineries et des lignes de tri mécanisées afin de réduire les coûts opérationnels. Le développement de réseaux multifilières de recyclage permettra également d’outrepasser les limites territoriales imposées par le transport. Pour y parvenir, il apparaît de manière générale qu’un soutien financier complet de l’écosystème est nécessaire et qu’il peut être fait notamment par l’entremise de subventions publiques.

La mise en œuvre de pratiques circulaires serait plus attrayante si elle était accompagnée à la fois d’une démonstration de la viabilité économique des stratégies ainsi que des aides et incitatifs financiers – voir le chapitre V sur les recommandations. Dans un même ordre d’idées, les modèles d’affaires circulaires doivent également se développer en intégrant les bénéfices qualitatifs. Bien que ces derniers soient difficilement mesurables, ils ont trait à des enjeux qui sont liés aux changements de perceptions ainsi qu’à des enjeux socio-économiques.

Ce type d’enjeux socio-économiques a d’ailleurs été au centre du projet d’étude sur les Bénéfices de l’économie de fonctionnalité en lien avec la consommation énergétique des actifs, lequel a permis de mettre en lumière cinq aspects stratégiques qualitatifs liés à ce nouveau modèle d’affaires circulaire :

  1. la résilience des systèmes,
  2. la fiabilité des services,
  3. la collaboration et l’accessibilité aux compétences,
  4. l’accès à un réseau d’experts, et
  5. le partage des connaissances des employés du réseau.

Ces cinq aspects stratégiques ont chacun un impact majeur et se combinent pour optimiser davantage leurs retombées positives à l’échelle d’un projet. Ils démontrent également les bénéfices opérationnels de l’économie circulaire.


Lire la suite : 4.3 Optimiser les débouchés pour les matières : développer la logistique du réemploi et les filières de recyclage

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