5 Le cadre conceptuel
Motivation et objectifs d’apprentissage
-
Le coût moyen dans cette industrie est constant et s’élève à 50 $ la tonne ;
- La production actuelle est de 50 000 tonnes par année ;
-
L’élasticité-prix de la demande est évaluée à 1.
À partir de ces informations, il est possible d’effectuer une ACA. Comment procéder ? Quel cadre d’analyse devez-vous utiliser ? Les dépenses du gouvernement reflètent-elles exactement le coût social des fonds publics ? Comment tenir compte de l’équité ? Si le bien produit par cette industrie constitue un intrant pour d’autres industries, faut-il tenir compte de la hausse des coûts de ces autres industries dans l’ACA ?
Au terme de ce chapitre, vous serez capable de :
- Comprendre et maîtriser les deux approches pour concevoir le cadre conceptuel d’une ACA, soit l’approche sociale et l’approche par partie prenante ;
- Interpréter la notion de coût marginal des fonds publics ;
- Saisir comment les aspects d’équité sont pris en compte dans l’ACA pondérée;
-
D’appliquer de manière appropriée la classification de la nature des impacts (primaires, secondaires et induits).
5.1 Les deux approches pour concevoir le cadre d’analyse
5.1.1 L’approche sociale
Dans l’approche sociale :
-
Le raisonnement s’effectue par rapport à l’ensemble de la collectivité de référence ;
- L’objectif consiste à déterminer l’avantage brut et le coût du projet pour la société ;
- Les transferts et les flux entre les parties ne sont pas pris en considération ;
- Le raisonnement se fait généralement par rapport à la quantité (ou horizontalement), c’est-à-dire en abordant le projet en termes de changement dans la quantité échangée.
Dans des contextes simples, il est facile de déterminer directement la valeur sociale nette d’un projet[1].Par contre, dans d’autres situations, on trouve la valeur sociale nette en répondant aux trois sous-questions suivantes :
-
Quelle est la valeur sociale brute générée ou détruite par le projet ?
- Quelle est la valeur sociale des ressources épargnées par le projet ?
-
Quel est le coût social des ressources mobilisées par le projet ?
- Scénario de référence : les échanges dans le marché ne sont pas autorisés, de sorte que [latex]Q = 0[/latex].
- Scénario avec le projet : les échanges sont autorisés, de sorte que [latex]Q = Q^*[/latex].
La valeur sociale nette du projet est donc bien de 8 750 $, soit la surface abd.
Notons que nous n’avons pas pris en compte le paiement des consommateurs aux vendeurs, puisqu’il s’agit d’un flux financier entre deux parties prenantes.
5.1.2 L’approche par partie prenante
Dans l’approche par partie :
- L’analyse s’effectue au niveau des parties prenantes ;
- L’impact net sur chacune des parties doit être évalué;
- Les transferts et les flux financiers entre les parties doivent être pris en compte;
- Le raisonnement se fait généralement en prix (ou verticalement), c’est-à-dire en abordant le projet en termes de changement dans le prix.
Explorons à nouveau plus en détail les différents aspects de cette démarche. Dans cette approche, le raisonnement se déroule au niveau de chaque partie prenante. Plus les parties prenantes sont identifiées de manière détaillée et nombreuses, plus il devient difficile de discerner tous les flux qui les relient. Par conséquent, il est recommandé de débuter l’analyse en regroupant les parties prenantes en catégories plus larges, puis de les subdiviser progressivement si l’analyse le requiert.
La principale caractéristique de l’approche sociale est qu’on y tient compte des transferts et des flux entre les parties prenantes. Si l’analyse est cohérente, ces flux se soldent, de sorte que la valeur sociale nette est identique à celle obtenue par l’approche sociale.
Appliquons cette approche au projet d’autorisation des échanges dans le marché illustré par la Figure 5.1.
- Les parties prenantes sont les producteurs et les consommateurs ;
- Le projet peut se concevoir comme une baisse du prix de 300 $ (soit le prix de réserve pour lequel il n’y a pas d’échange) à 175 $ (le prix d’équilibre sur le marché concurrentiel). On raisonne donc en prix ou verticalement dans la Figure.
-
Comme on l’a vu au chapitre 4, l’impact net de cette baisse du prix sur les consommateurs correspond au surplus du consommateur et celui sur les producteurs au surplus du producteur.
Le Tableau 5.1 présente, en détail, la détermination des impacts nets sur les parties incluant le paiement de 12 250$ effectué par les consommateurs aux producteurs, qui représente un flux financier entre des parties prenantes. Il convient de noter que ce flux se compense lors du calcul de la valeur sociale, de telle manière que l’on obtiendra un montant final de 8 750 $.
Partie | Avantages brutes | Coûts | Impact net |
Consommateurs | abcf = 16 625$ | ebcf = 12 250$ | abe = 4 375$
Accroissement du SC |
Producteurs | ebcf = 12 250$ | dbcf = 7 875$ | ebd = 4 375$
Accroissement du SP |
Valeur sociale nette = abd = 8 750$ (Hausse du surplus social) |
Pour les projets ayant un impact sur un marché, les parties prenantes seront souvent les consommateurs et les producteurs, de sorte que le changement dans le surplus social s’évalue comme :
Changement dans le surplus social causé par le projet =
Changement dans le SC (surplus du consommateur)
+ Changement dans le SP (surplus du producteur)
Ainsi, le changement du surplus social induit par le projet, également désigné par la valeur sociale nette du projet, est égal à la somme des variations du surplus du consommateur et du surplus du producteur. Cette dernière grandeur inclut à la fois la variation du profit économique des producteurs (soit le changement de [latex]\pi[/latex]) et toute modification éventuelle des coûts fixes comparativement entre le scénario de référence et celui du projet.
Les autres parties prenantes
L’État est souvent un acteur important dans les ACA. On doit donc prendre aussi en compte le changement du surplus du gouvernement (SG). Le changement dans le SG se définit ainsi :
Changement dans le SG =
Changement dans les revenus des pouvoirs publics provoqué par le projet
– Changement dans les dépenses des pouvoir publics engendré par le projet
Ainsi, avec trois acteurs :
Changement dans le surplus social causé par le projet =
Changement dans le SC
+ Changement dans le SP
+ Changement dans le SG
D’autres acteurs peuvent également être pris en compte dans l’analyse. Par exemple, si le projet engendre un impact environnemental diffus, il peut être pertinent d’inclure une partie prenante intitulée « Les tiers » qui prend en considération le coût environnemental. Il s’agit donc d’évalue la réduction du surplus de cette partie prenante.
Comme nous l’avons vu précédemment, il n’est pas nécessaire de considérer l’impact sur les facteurs de production d’un projet lorsque leur rémunération est concurrentielle. Par exemple, si des travailleurs sont licenciés à cause du projet, leur perte de salaire est compensée par les revenus qu’ils peuvent obtenir dans leur meilleure alternative d’emploi disponible. Ainsi, il n’y a pas d’effet net à inclure dans l’analyse.
En revanche, si la rémunération d’un facteur de production n’est pas concurrentielle, il peut s’avérer nécessaire d’inclure le changement dans la rente de ce facteur de production dans l’ACA[3].
Par exemple, les travailleurs d’une industrie reçoivent une rente annuelle de 10 000 $ liée au pouvoir de négociation de leur syndicat. Si un projet a pour conséquence de réduire le nombre de travailleurs de cette industrie, les employés licenciés retrouveront un emploi à un salaire concurrentiel, c’est-à-dire sans leur rente. L’ACA du projet, dans l’approche par partie, doit tenir compte de cette perte de rente des travailleurs (soit 10 000 $ multipliés par la réduction du nombre de travailleurs). Notons cependant que cette rente correspond probablement à un coût pour une autre partie prenante, par exemple, l’État ou les consommateurs.
Ainsi, dans sa forme la plus générale, l’approche par partie s’effectue comme suit :
Changement dans le surplus social causé par le projet =
Changement dans le SC
+ Changement dans le SP
+ Changement dans le SG
+ Changement dans le surplus des tiers
+ Changement dans la rente des facteurs de production
5.2 Le coût marginal des fonds publics
En partant de ce cadre général, plusieurs variantes sont possibles. Une première variante consiste à inclure le Coût Marginal des Fonds Publics (CMFP). Ce facteur vise à tenir compte du fait que le coût d’un projet financé par des fonds publics sera probablement plus élevé que la dépense publique. En effet, le prélèvement des taxes et des impôts engendre des distorsions dans l’économie. Attention, il ne s’agit pas du coût de renonciation, qui est déjà comptabilisé par l’actualisation ! Il s’agit plutôt de reconnaître le fait que récolter 1 $ de fonds publics coûte à l’économie plus que 1 $. Il faut considérer d’abord les coûts administratifs de la collecte des impôts, mais aussi et surtout la perte d’efficacité liée aux impacts des taxes et des impôts sur les comportements des agents économiques. Par exemple, l’impôt sur le revenu réduit l’offre de travail ; les taxes sur les biens créent des distorsions dans les choix de consommation ; les taxes sur le capital nuisent à l’investissement ; les taxes et les impôts favorisent l’économie souterraine. Ainsi, lorsqu’on augmente le fardeau fiscal, il faut réaliser que cette hausse risque de provoquer une diminution de l’assiette fiscale.
La Figure 5.2 illustre cela à partir d’un exemple simple. Initialement, une taxe de 20 % est collectée sur une base fiscale de 100 millions de dollars, de sorte que le montant récolté est de 20 millions de dollars. Supposons maintenant que le taux de taxes augmente de 10 %, de sorte que le taux monte de 20 % à 22 %. Si les agents économiques ne réagissent pas, la base fiscale restera à 100 millions de dollars, et le montant récolté en taxes s’accroîtra de 10 % à 22 millions de dollars. Le coût marginal des fonds publics se calcule ainsi :
[latex]CMFP = \frac{\text{Changement de taux de taxes en %}}{\text{Changement de la recette fiscale en %}} - 1[/latex]
Dans notre exemple, dans lequel il n’y a aucun effet sur la base fiscale, le CMFP = 0, puisque (10 %/10 % – 1) = 0.
Supposons maintenant que la croissance de 10 % du taux de taxes entraîne des changements dans les comportements des agents, de sorte que la base fiscale diminue à 98 millions de dollars. Dans ce cas, la recette fiscale n’augmente que de 7,8 %, soit à 21,56 millions de dollars. Dans ce cas, le CMFP = 0,28 (soit 10 %/7,8 % – 1). En d’autres termes, chaque dollar additionnel récolté aura un coût social de 1,28 $.
Il est possible de tenir compte de cette variable dans une ACA simplement en multipliant le montant net des fonds publics investis dans le projet par (1 + CMFP). Ainsi, une ACA d’un projet dans lequel le gouvernement investit 24 millions de dollars doit comptabiliser un coût de 30,72 millions de dollars (soit 1,28 x 24 millions de dollars) si le CMFP = 0,28. Dans l’approche par partie, la formulation générale devient donc :
Changement dans la valeur sociale nette causée par le projet =
Changement dans le SC
+ Changement dans le SP
+ (1 + CMFP) x Changement dans le SG
+ Changement dans le surplus des tiers
+ Changement dans la rente des facteurs de production
Dans l’approche sociale, l’excédent du coût des fonds publics doit s’ajouter au coût social du projet. Dans l’exemple qui précède, il faut ajouter 0,28 x 24 millions de dollars au coût des ressources mobilisées par le projet. Le montant de 24 millions de dollars aura déjà été pris en compte ailleurs dans l’analyse.
Le CMFP varie suivant le type de taxes engagées et les conditions initiales de taxation, comme l’illustre le Tableau 5.2. L’analyste doit donc déterminer la source la plus probable du financement :
- Si le projet est financé en économisant sur d’autres dépenses gouvernementales, alors le CMFP = 0, puisqu’il n’y a pas d’augmentation de la fiscalité ;
- Si la source du financement gouvernemental est incertaine (comprenant possiblement l’emprunt, soit le financement par des taxes à venir), on peut utiliser une moyenne pondérée des CMFP associés aux différentes formes de taxation, en pondérant par la part de chaque source dans les recettes fiscales totales. Sur cette base, Dahlby et Ferede (2011) rapportent un CMFP moyen pour le gouvernement fédéral canadien de 0,26 $. Pour le Québec, Tagne Kuelah (2006) mentionne une évaluation de 0,74 $.
Province | Impôt sur les bénéfices des sociétés | Impôt sur le revenu des particuliers | Taxe de vente |
Colombie-Britannique | 5,38 | 0,82 | 0,26 |
Alberta | 44,33 | 0,44 | 0 |
Ontario | n/a | 1,71 | 0,31 |
Québec | 5,88 | 3,79 | 0,41 |
Source : Commission d’examen sur la fiscalité (2015), p. 72 |
5.3 L’ACA pondérée
Une autre variante consiste à pondérer les impacts sur les différentes catégories d’agents, afin de tenir compte des aspects d’équité. Cette technique suppose l’utilisation de l’approche par partie. En prenant les trois agents habituels, la formulation devient :
Changement du surplus social causé par le projet =
[latex]\alpha_c \times \text{changement du SC}[/latex]
+ [latex]\alpha_p \times \text{changement du SP}[/latex]
+ [latex]\alpha_g \times \text{changement du SG}[/latex]
avec [latex]\alpha_c[/latex], [latex]\alpha_p[/latex], [latex]\alpha_g[/latex], le poids associé aux consommateurs, aux producteurs et à l’État respectivement. Plus le poids est important et plus l’impact sur la catégorie d’agents intervient dans la prise de décision. Il est également possible de désagréger les impacts d’un projet sur les ménages en fonction de leur niveau de revenus (par exemple, selon le quartile du revenu disponible) et d’accorder ainsi un poids plus important aux ménages les moins nantis.
La détermination des poids suppose cependant un jugement de valeur. C’est pourquoi il peut être plus approprié de ne pas utiliser cette approche et de laisser les décideurs réaliser l’arbitrage entre l’efficacité et l’équité[4].
5.4 Les effets primaires, secondaires et induits
Comme nous l’avons indiqué précédemment, un projet aura généralement des impacts sur différents « marchés ». La Figure 5.3 introduit une classification des impacts d’un projet selon qu’ils sont primaires, secondaires ou induits.
Par exemple, la construction d’un nouveau barrage hydroélectrique augmente directement l’offre d’électricité dans le marché de l’électricité (extrant du projet) et la demande de béton (un intrant du projet). Si ce projet engendre d’autres extrants, tels que des activités récréatives rendues possibles grâce à la construction du barrage, ceux-ci doivent aussi être pris en compte dans l’ACA.
- Les biens peuvent former des substituts ou des compléments en consommation ou en production. La construction d’un méga-barrage touche directement le marché de l’électricité, mais indirectement le marché du gaz naturel, un substitut en consommation. Une norme sanitaire qui augmente le coût de l’abattage des bovins aura des conséquences sur l’abattage des porcs, un substitut en production ;
- Les biens peuvent faire partie d’une même chaîne de valeurs. Le marché secondaire peut se situer en amont ou en aval dans la chaîne par rapport au marché primaire. Une réglementation environnementale qui concerne directement les raffineries de pétrole peut engendrer des effets secondaires sur le marché du pétrole situé en amont ou sur celui des essenceries placées en aval.
En pratique, la distinction entre effet primaire et effet secondaire n’est cependant pas toujours évidente. Nous reviendrons sur le traitement des effets secondaires dans l’ACA au chapitre 12. Notons simplement à ce stade qu’il existe un risque de double comptage, puisque les effets secondaires constituent souvent une manifestation alternative des effets primaires.
Dans l’ACA :
- Il faut prendre en considération les effets primaires ;
- Les effets secondaires peuvent éventuellement être ignorés, car ils ne constituent qu’une autre manifestation des effets primaires ;
- Sauf exception, il faut ignorer les effets induits.
5.5 Conclusions
Éléments clés à retenir
- Il est possible de concevoir le cadre d’analyse d’un projet à partir de l’approche sociale, qui repose sur un raisonnement horizontal (variation de la quantité). Dans cette approche, l’objectif est d’évaluer les impacts sociaux du projet sans prendre en compte les transferts et les flux entre les parties prenantes. Les trois questions clés à poser dans cette approche sont les suivantes : i) Quelle est la valeur produite (ou détruite) pour la collectivité ? ii) Quelle est la valeur sociale des ressources potentiellement libérées par le projet ? iii) Quels sont les coûts sociaux associés à la mobilisation des ressources ?
- Dans les marchés sans distorsion, la valeur produite (ou détruite) correspond à la surface sous la courbe de la demande, et la valeur des ressources mobilisées ou épargnées renvoie à la surface sous la courbe de l’offre.
- Le cadre d’analyse peut également être élaboré en utilisant l’approche par partie prenante. Dans ce cas, le raisonnement se fait de manière verticale (variations du prix). L’objectif est d’évaluer l’impact net sur chacune des parties prenantes, notamment le changement dans le surplus du consommateur, du producteur, du gouvernement, des tiers, ainsi que les variations dans les rentes des facteurs de production.
- Dans cette approche, bien que les transferts et les flux financiers entre les parties soient considérés, ils se neutralisent mutuellement lors de l’évaluation de la VAN.
- L’approche par partie permet de documenter les impacts sur différentes catégories d’agents et éventuellement de les pondérer pour tenir compte d’enjeux d’équité (ACA pondérée).
- Il faut aussi déterminer s’il est judicieux d’inclure le coût marginal des fonds publics dans une ACA.
- L’analyste doit distinguer les effets primaires, secondaires ou induits d’un projet. En général, l’ACA porte principalement sur les effets primaires. Dans certaines circonstances, les effets secondaires doivent être ignorés, mais dans d’autres contextes, certains de ces effets doivent être inclus dans l’ACA. Les effets induits doivent le plus souvent être ignorés.
Retour sur la motivation : ACA du renforcement des normes de sécurité
Le gouvernement envisage de renforcer les normes de sécurité, afin de réduire les accidents de travail dans une industrie concurrentielle. On considère que ces nouvelles normes entraîneront une hausse de 5 $/tonne du coût de production. Les dépenses liées aux inspections et à la mise en œuvre ont été estimées à 25 000 $ par année et sont à la charge du gouvernement. Les avantages annuels de l’amélioration de la sécurité sont évalués à 525 000 $. En vous appuyant sur une revue des connaissances et des consultations auprès d’experts, vous avez déterminé que :
- Le coût moyen dans cette industrie est constant et s’élève à 50 $ la tonne ;
- La production actuelle est de 50 000 tonnes par année ;
- L’élasticité-prix de la demande est évaluée à 1.
À partir de ces informations, il est possible d’effectuer une ACA. Comment procéder ? Quel cadre d’analyse devez-vous utiliser ? Les dépenses du gouvernement reflètent-elles exactement le coût social des fonds publics ? Comment tenir compte de l’équité ? Si le bien produit par cette industrie constitue un intrant pour d’autres industries, faut-il tenir compte de la hausse des coûts de ces autres industries dans l’ACA ?
Réponse
L’industrie opère dans un environnement concurrentiel, ce qui permet d’utiliser le modèle de l’offre et de la demande pour prévoir l’impact du projet sur le marché. Notre démarche exige d’abord d’établir le contexte initial du marché, soit le scénario de référence. Ensuite, nous effectuerons une prévision de l’équilibre du marché, suite à la mise en place des nouvelles normes, soit le scénario avec le projet.
Le scénario de référence : La quantité initiale échangée Q0 s’élève à 50 000 tonnes par année. Étant donné que le coût moyen demeure constant à 50 $ la tonne, cela induit un coût marginal constant également à 50 $. Le prix d’équilibre initial, noté P0, se monte donc à 50 $. Vous pouvez observer la situation initiale d’équilibre dans la Figure 5.4, où elle est représentée au point b.
Le scénario avec projet : Les coûts moyens et marginaux ainsi que l’offre subissent une hausse, pour atteindre 55 $ la tonne, à la suite de l’introduction de nouvelles normes. Cette augmentation des coûts se répercute intégralement sur le nouveau prix d’équilibre, désigné P1, qui s’établit à 55 $. Ensuite, nous devons déterminer la quantité échangée à ce nouveau prix, une tâche que nous pouvons accomplir en utilisant le concept d’élasticité-prix de la demande. Par conséquent, une augmentation de 10 % du prix devrait induire une réduction de 10 % de la quantité d’équilibre, aboutissant à Q1 = 45 000 tonnes. Vous trouverez également la représentation graphique de cette anticipation du nouvel équilibre dans la Figure 5.4, où elle est marquée par le point a.
Nous pouvons maintenant utiliser l’approche sociale et l’approche par partie pour déterminer la valeur nette du projet.L’approche sociale
- La valeur sociale perdue à la suite de la diminution de la production de Q0 à Q1 se mesure par l’aire de la surface abfe, soit 262 500 $ (un coût) ;
- La valeur sociale des ressources libérées se mesure par la surface gbfe, soit 250 000 $ (un avantage) ;
- Le coût des ressources mobilisées par le projet correspond à l’aire de la surface dagc, soit 225 000 $ (un coût).
À ces impacts sur le marché, il faut ajouter l’avantage sur la santé des travailleurs de 525 000 $ et retirer les coûts de surveillance de 25 000 $.
La valeur nette annuelle du projet est donc évaluée à 262 500 $.
L’approche par partie
Les parties prenantes sont les clients de l’industrie, les producteurs, les travailleurs et le gouvernement. Le tableau ci-dessous évalue les impacts sur chacune de ces parties.
Partie | Impact | Valeur annuelle |
Clients | Baisse du surplus — surface dabc | – 237 500 $ |
Producteurs | Aucun impact (pas de surplus) | 0$ |
Travailleurs | Gains en terme de sécurité[6] | 525 000 $ |
Gouvernement | Baisse du SG lié au coût de la surveillance | – 25 000 $ |
Valeur nette annuelle | 262 500 $ |
Les réponses aux autres questions se trouvent directement dans le texte du chapitre.
Les dépenses du gouvernement évaluent‑elles adéquatement le coût social des fonds publics ?
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Section 5.2 |
Comment tenir compte de l’équité ? | Section 5.3 |
Si le bien produit par cette industrie constitue un intrant pour d’autres industries, faut-il tenir compte dans l’ACA de la hausse des coûts de ces autres industries ?
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Il s’agit d’un effet secondaire qui est déjà pris en compte dans la valorisation des effets primaires (baisse du surplus des clients). Voir la section 5.4.
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Exercices
(*) Indique que la solution est disponible
(**) Indique que la solution est disponible en accès restreint
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- (**) La production annuelle de tomates de serre au Québec atteint 25 000 tonnes, générant des revenus de 75 millions de dollars pour les exploitations agricoles. Cela équivaut à un prix moyen de 3 000 $ par tonne. Supposons que la Figure 5.5 illustre la courbe d’offre et de demande sur le marché de gros des tomates de serre au Québec.
- Déterminez la valeur de l’élasticité-prix de la demande à l’équilibre du marché ?
- Cette valeur vous paraît-elle réaliste ?
Dans le but de promouvoir l’autosuffisance alimentaire, le gouvernement du Québec envisage d’accorder aux producteurs de tomates de serre un accès au tarif d’électricité préférentiel de 3 cents par kilowattheure (kWh), normalement réservé aux alumineries, plutôt que le tarif actuel de 5,8 cents par kWh. Supposons que cette réduction du prix de l’électricité entraîne une réduction des coûts de 500 $ par tonne produite. Analysez les répercussions de ce projet sur le marché de gros des tomates de serre au Québec en utilisant à la fois l’approche sociale et l’approche par partie.
Si on voulait faire une ACA plus complète de ce projet, quels seraient, selon vous, les autres impacts importants à prendre en compte ?
- (*) Un projet vise à moderniser une ligne de chemin de fer entre la région A, qui est éloignée et isolée, et la région urbaine B. Pour chacun des effets suivants, déterminez la nature de l’impact, c’est-à-dire trouvez s’il est direct, indirect ou induit.
E1. Le projet permettra d’augmenter la production minière dans la région A en diminuant les coûts du transport ; E2. Le prix des aliments importés dans la région A baissera ; E3. Gains de temps des personnes voyageant en train entre la région A et B ; E4. Baisse des revenus des transporteurs aériens qui relient les deux régions ; E5. Diminution des coûts d’entretien de la route qui relie les deux régions, à la suite de la réduction du trafic de camions ; E6. Hausse des activités touristiques dans la région A ; E7. Hausse du salaire moyen du personnel ferroviaire ; E8. Hausse du prix des rails de chemin de fer ; E9. Accroissement des ventes dans les bars de la région A, grâce aux travailleurs employés par le projet. - (*) (Avancé) L’État a décidé de produire 5000 unités d’un bien. Pour cela, un seul intrant est nécessaire : des travailleurs peu qualifiés. Avec la technologie existante, il faut 6 unités de travail pour produire une unité d’extrant, et il n’y a aucun coût fixe. Le taux de salaire est de w = 10 $ par unité de travail. Ce taux est fixé par un marché du travail concurrentiel sans distorsion. Il est également possible d’investir un montant fixe de 130 000 $ pour acquérir une nouvelle technologie qui permettrait de doubler la productivité.
- Effectuez une ACA par partie de la décision d’investir ou non dans la nouvelle technologie. Remplissez le tableau ci-dessous. Vérifiez votre réponse en utilisant l’approche sociale.
- Comment se modifieraient vos réponses si le salaire versé comprenait une rente de 2 $. En d’autres termes, les unités de travail employées pour produire le bien sont rémunérées à 10 $, mais le salaire dans leur meilleur emploi alternatif est de 8 $ par unité.
- (**) La production annuelle de tomates de serre au Québec atteint 25 000 tonnes, générant des revenus de 75 millions de dollars pour les exploitations agricoles. Cela équivaut à un prix moyen de 3 000 $ par tonne. Supposons que la Figure 5.5 illustre la courbe d’offre et de demande sur le marché de gros des tomates de serre au Québec.
Partie | Avantage | Coût | Effet net | Description des impacts |
État | ||||
Travailleurs | ||||
VAN = |
Partie | Avantage | Coût | Effet net | Description des impacts |
État | ||||
Travailleurs | ||||
VAN = |
Bibliographie
Boardman A. E., Greenberg, D. H., Vining, A. R. et Weimer, D. L. (2018). Cost-benefit analysis: concepts and practice (5th ed.). University of British Columbia. https://doi.org/10.1017/9781108235594
Commission d’examen sur la fiscalité (2015). Rapport final de la Commission d’examen sur la fiscalité québécoise : se tourner vers l’avenir du Québec (Volume 3, Un état de la situation). Gouvernement du Québec. https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2465596?docref=U9LevGi6-Gn1DrfaBThwig
Dahlby B. et Ferede, E. (2011). What does it cost society to raise a dollar of tax revenue? The marginal cost of public funds. C.D. Howe Institute Commentary, (324), 1-17. https://www.cdhowe.org/sites/default/files/attachments/research_papers/mixed/Commentary_324.pdf
Tagne Kuelah, J.-R. (2006). L’évaluation du rendement d’une dépense publique : un précis méthodologique à l’usage des évaluateurs de programmes du Ministère. Ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation. https://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/DepotNumerique_v2/AffichageNotice.aspx?idn=87409
- L’avantage social net d’un projet peut également se nommer « valeur sociale nette » ou « changement dans le surplus social ». Parfois, pour simplifier, le terme « social » est éliminé. Dans une ACA, la terminologie privilégiée est celle de la Valeur Actualisée Nette (VAN), que nous utiliserons lorsque l’actualisation aura été introduite dans le prochain chapitre. ↵
- On suppose que les coûts fixes sont nuls. ↵
- On parle de « rente » plutôt que de « surplus » dans le cas de facteurs de production. ↵
- Voir le chapitre 19 de Boardman et al., (2018) pour plus de détails. ↵
- Voir le chapitre 12 pour des exceptions. ↵
- Nous attribuons l’ensemble des avantages liés à la sécurité aux travailleurs, mais dans les faits, une partie des gains devraient peut-être revenir au gouvernement sous forme d’une baisse des coûts des soins de santé par exemple. ↵
Rapport entre le coût total et le nombre d’unités produites.
Variation en pourcentage de la quantité demandée à la suite d’une variation de 1 % du prix. Elle s’exprime souvent en valeur absolue, donc sans le signe négatif. Une demande parfaitement inélastique possède une élasticité-prix nulle et est représentée par une droite verticale. Une demande parfaitement élastique possède une élasticité-prix infinie et elle correspond à une droite horizontale.
Situation servant à déterminer l’impact d’un projet au moyen de l’évolution de l’avantage social net de ce scénario. Il s’agit en général du statu quo, soit la situation sans le projet, ce qui n’est pas pour autant une situation « à coût nul » et ne veut pas forcément dire « ne rien faire ».
Relation entre la quantité demandée et le prix du bien ou du service considéré, toutes choses étant égales par ailleurs. Elle peut s’interpréter comme une mesure de l’avantage (ou de la valeur) marginal que retire un individu de la consommation de chaque unité supplémentaire. Elle mesure donc son consentement maximal à payer à la marge pour chaque unité supplémentaire.
Un transfert est un impact qui représente un paiement pour une partie prenante et un revenu pour une autre partie prenante, sans qu’il n’y ait de contrepartie sous forme de biens ou de services économiques pour celle qui paie.
Les flux financiers entre les parties prennent la forme d’un paiement pour l’une des parties prenantes et d’un revenu pour l’autre, en échange d’un bien ou d’un service.
Le surplus du consommateur (SC) représente la somme des différences entre le consentement maximal à payer, tel que mesuré par la courbe de la demande, et le prix effectivement payé pour se procurer un bien ou un service. Autrement dit, il quantifie la différence entre le montant total que les consommateurs seraient prêts à payer (CAP) et ce qu’ils dépensent réellement (la dépense). Cela reflète les gains obtenus par les consommateurs grâce à l'échange sur le marché, soit leur avantage net.
Le surplus du producteur (SP) mesure la somme des différences entre le prix de vente et le coût marginal pour toutes les unités vendues. Il s’agit aussi de la différence entre les recettes d'exploitation et les coûts d'exploitation (ou coûts variables).
Valeur qu’une ressource aurait pu fournir dans son meilleur usage alternatif.
Erreur classique dans la réalisation d’une analyse coûts-avantages consistant à compter deux fois un même impact qui se manifeste sous des formes différentes.
Marché dans lequel le prix reflète l’avantage et le coût social à la marge du bien échangé.
Coût ne variant pas en fonction du niveau de production.