10 Les autres distorsions

Motivation et objectifs d’apprentissage

Afin d’encourager la concurrence sur le marché pharmaceutique, un projet envisage de soutenir un fabricant de médicaments génériques projetant de démarrer la production d’un traitement anticancéreux. Actuellement, ce médicament est produit exclusivement par une entreprise qui le vend 500 $ la dose. L’introduction d’une version générique pourrait diviser ce prix de moitié. Le producteur générique prévoit fabriquer 15 000 doses par année, ce qui correspond à environ 75 % du volume actuel des ventes. Comment calculer la valeur sociale engendrée par la production de la nouvelle usine ? Devrait‑on évaluer les doses produites au tarif actuel de 500 $, au prix anticipé une fois que la production générique sera lancée ou encore faudrait-il considérer un autre prix ?

Ce chapitre termine l’évaluation des extrants d’un projet en présence de distorsions autres que celles examinées dans les chapitres précédents. À la fin de ce chapitre, vous aurez acquis une compréhension des enjeux associés à l’ACA dans les contextes suivants :

  • L’exercice du pouvoir de marché, que ce soit de la part des acheteurs ou des vendeurs ;
  • Les situations d’asymétrie d’information entre les parties prenantes ;
  • Les défis posés par la rationalité limitée des décideurs.

10.1 Le pouvoir de marché

Jusqu’ici, notre analyse s’est concentrée sur les marchés concurrentiels caractérisés par l’existence de nombreux acheteurs et vendeurs, et dans lesquels aucun participant n’exerce une influence significative sur le prix du marché. Toutefois, il existe des cas où cette hypothèse d’atomicité ne tient pas, en raison de conditions de monopole ou d’oligopole du côté de l’offre, ou de monopsone ou d’oligopsone du côté de la demande[1]. Dans de telles circonstances, certaines entités peuvent posséder un pouvoir de marché qui leur permet d’influencer les prix.

Le pouvoir de marché se manifeste lorsqu’une ou plusieurs entités dans un marché, en raison de leur taille, disposent d’une capacité d’influencer les prix de ce marché.

10.1.1 Le pouvoir de marché des vendeurs

Dans un contexte où le nombre de vendeurs est limité ou dominé par quelques acteurs principaux, ceux-ci comprennent que restreindre la quantité offerte sur le marché leur permet de soutenir des prix supérieurs à ceux d’un marché concurrentiel, augmentant potentiellement leurs profits. Par conséquent, le pouvoir de marché des vendeurs conduit à une différence positive entre le prix et le coût marginal. L’indice de Lerner, qui mesure l’ampleur du pouvoir de marché, se définit par l’écart qui existe entre le prix et le coût marginal par rapport au prix :

[latex]L = \frac{P - Cm}{P}[/latex]

Dans un contexte de concurrence parfaite, cet indice est nul (P = Cm). Il atteint son maximum de 1 lorsque le coût marginal est nul (Cm=0). De manière générale, le pouvoir de marché (et donc la valeur de L) augmente avec :

  • La concentration du marché : Un marché est d’autant plus concentré qu’il comprend peu d’entreprises ou que certaines d’entre elles détiennent des parts de marché importantes. Plus un marché est concentré, plus les entreprises sont conscientes de l’impact de l’augmentation de la production sur les prix. La concentration du marché[2] se trouve donc généralement associée à un pouvoir de marché plus élevé. Le cas extrême classique est celui du monopole, dont le comportement est analysé plus en détail à l’Annexe 1 ;
  • L’inélasticité-prix de la demande : Pour un niveau de concentration donné, une demande plus inélastique signifie qu’il s’avère plus difficile pour les consommateurs de se passer du bien ou d’y trouver des substituts. Ainsi, plus les consommateurs se trouvent captifs et plus le pouvoir de marché est important.

La Figure 10.1 illustre l’impact du pouvoir de marché dans un cas simple où le coût moyen est constant. On suppose que le prix est maintenu à 60 $ la tonne plutôt qu’à 40 $ la tonne, qui équivaudrait au prix en situation de concurrence. L’indice de Lerner est donc de 0,33[3].

Figure 10.1 Marché avec présence de pouvoir de marché des vendeurs

La présence de pouvoir de marché entraîne des répercussions significatives sur l’ACA. Elle influence la manière dont les projets sont évalués et les conséquences économiques attendues de leur mise en œuvre. Nous pouvons distinguer deux principaux types de projets sous cet angle :

  1. Le projet vise à contrôler le pouvoir de marché ;
  2. Le projet ajoute de l’offre dans un marché où il existe du pouvoir de marché.

1. Le projet vise à éliminer le pouvoir de marché

La présence de pouvoir de marché entraîne des répercussions défavorables sur l’efficacité allocative, car les prix sont maintenus à des niveaux trop élevés, limitant ainsi les échanges et réduisant le surplus social. Les législations anti-monopole visent à lutter contre le pouvoir de marché.

À partir de notre exemple précédent, supposons qu’un projet affiche pour objectif de rendre le marché concurrentiel, menant ainsi à une baisse du prix de 60$ à 40$ et à une hausse de la quantité échangée de 12 000 tonnes à 18 000 tonnes (Figure 10.2). Cette initiative contre le pouvoir de marché pourrait impliquer des mesures destinées à réduire les barrières à l’entrée, encourager l’arrivée de nouveaux acteurs, procéder au démantèlement d’entreprises dominantes ou combattre la collusion entre entreprises.

L’ACA d’un tel projet nécessite de comparer le surplus total dans le scénario de référence avec présence de pouvoir de marché et le scénario avec un marché concurrentiel

Figure 10.2 L’ACA d’un projet visant à éliminer le pouvoir de marché

Scénario de référence (pouvoir de marché) :

P0 = 60 $ et Q0 = 12 000 tonnes

Scénario avec le projet (marché concurrentiel) :

P1 = 40 $ et Q1 = 18 000 tonnes

Approche sociale (hausse de la quantité de 12 000 tonnes à 18 000 tonnes) :

Valeur sociale de la production supplémentaire : Surface (abcd) = 50 $ x 6 000 = 300 000$

Coût social des ressources mobilisées : Surface (ebcd) = 40 x 6000 = 240 000 $

Valeur sociale des ressources libérées : 0 $

Effet net : Surface (abe) = 60 000 $

Approche par partie (baisse du prix de 60 $ à 40 $) :

Hausse du surplus du consommateur : Surface (P0abP1) = 20 $ x 15 000 = 300 000 $

Baisse du surplus des producteurs : Surface(P0aeP1) = 20 $ x 12 000 = 240 000 $

Effet net : Surface (abe) = 60 000 $

Cet exemple permet de mettre en évidence certaines conséquences de l’exercice du pouvoir de marché des vendeurs.

La présence de pouvoir de marché du côté des vendeurs amène des répercussions significatives sur l’équilibre économique d’un marché, contrastant avec les conditions d’un marché pleinement concurrentiel. Les conséquences peuvent se résumer ainsi :

  1. Réduction de la quantité mise en marché : Les vendeurs ayant un pouvoir de marché tendent à limiter la quantité offerte, afin de maintenir les prix à un niveau élevé. Cette restriction de la quantité est utilisée stratégiquement pour maximiser les profits, mais elle s’écarte de l’optimum d’efficacité selon lequel la production devrait égaler le coût marginal de production ;
  2. Augmentation du prix au-dessus du coût marginal : En situation de concurrence, le prix tend à se rapprocher du coût marginal de production. Toutefois, avec un pouvoir de marché, les vendeurs peuvent fixer des prix supérieurs au coût marginal, ce qui reflète leur capacité d’influencer le marché en leur faveur ;
  3. Augmentation du surplus des producteurs : Le pouvoir de marché permet aux vendeurs d’augmenter le surplus du producteur ;
  4. Réduction du surplus du consommateur : L’augmentation des prix et la limitation de la quantité échangée réduisent le surplus du consommateur ;
  5. Génération d’une perte sèche : La perte sèche survient lorsque des échanges socialement bénéfiques ne se réalisent pas, en raison de la distorsion du marché créée par le pouvoir de marché. Cette perte reflète l’inefficacité allocative induite par le pouvoir de marché, alors que la société dans son ensemble perd en bien-être à cause des quantités produites inférieures à l’optimum et des prix artificiellement élevés.

Cependant, la concentration du marché et le pouvoir de marché peuvent également présenter des avantages :

  • La concentration du marché facilite l’exploitation des économies d’échelle ;
  • Les profits découlant du pouvoir de marché peuvent encourager l’innovation.

Concentration du marché et économie d’échelle

En présence d’économies d’échelle, il peut s’avérer plus efficace d’exploiter de grandes entreprises, afin de minimiser les coûts moyens de production. Un exemple typique : celui du monopole naturel, dans lequel le coût moyen de production diminue continuellement. Cette situation est illustrée à la Figure 10.3 par un cas de monopole naturel montrant un coût moyen décroissant et un coût marginal constant, qui reste inférieur au coût moyen. Cette configuration des coûts résulte de la présence de coûts fixes importants, de telle manière que l’augmentation de la production entraîne une baisse du coût fixe moyen et, par conséquent, du coût moyen.

Figure 10.3 Le monopole naturel

Dans cette situation, il existe un compromis entre l’exploitation des économies d’échelle et le contrôle du pouvoir de marché. En effet, avec une seule entreprise sur le marché, le coût moyen de production est inférieur à celui de plusieurs entreprises de taille plus modeste, mais cela confère un pouvoir de marché important à cette entreprise unique. Une solution envisageable consiste à accorder à une entreprise le statut de monopole, tout en régulant ses décisions, notamment en ce qui concerne la fixation des prix. Toutefois, cette solution ne s’avère pas exempte de difficultés, en particulier à cause de l’asymétrie d’informations entre le monopoleur et le régulateur. L’entreprise monopolistique dispose, en effet, d’une connaissance plus approfondie du marché et de ses propres coûts que le régulateur, ce qui complique la mise en œuvre d’une régulation efficace.

Le pouvoir de marché et l’innovation

Le profit économique résultant du pouvoir de marché peut servir de stimulant à l’innovation. Un exemple emblématique : celui des brevets, qui confèrent à leur détenteur un droit de monopole temporaire sur une invention. Les profits monopolistiques accumulés durant cette période peuvent compenser les coûts fixes engagés dans la recherche et développement. Cette dynamique crée un incitatif pour les entreprises à investir dans l’innovation, considérant que les revenus à venir générés par le monopole breveté compenseront les dépenses initiales de développement.

2. Le projet augmente l’offre dans un marché où il existe un pouvoir de marché

Un projet peut aussi contribuer à accroître l’offre dans un marché où il existe du pouvoir de marché, par exemple, un projet de construction d’une nouvelle centrale électrique pour desservir un marché où il existe du pouvoir de marché. Quelle est la valeur sociale de la production mise en marché par ce projet ? L’évaluation doit-elle s’effectuer au prix du marché, au coût de production du projet ou à un prix de référence différent ?

Comme dans d’autres situations examinées précédemment, le prix du marché ne reflète plus le coût des ressources mobilisées. Comme le montre la Figure 10.4, la conséquence est que la valorisation diffère selon que la production supplémentaire attire de nouveaux clients ou se substitue à une production précédemment commercialisée, entraînant un effet d’éviction :

  • La partie de la production qui augmente la quantité échangée doit être valorisée au prix du marché, car cela reflète l’avantage pour les acheteurs;
  • La partie de la production qui se substitue à celle d’autres producteurs doit être valorisée au coût marginal de production des producteurs déplacés, représentant ainsi la valeur des ressources économisées.
Figure 10.4 La valorisation de la production additionnelle en présence de pouvoir de marché

Lorsque la baisse de prix due au projet est faible par rapport à l’écart entre le prix et le coût marginal, la valorisation peut se faire comme suit :

[latex]p_r = \omega_D p + \omega_O Cm[/latex]

avec

[latex]\omega_D[/latex] mesure la part de la production du projet qui accroît les échanges ;

[latex]p[/latex] représente le prix observé sur le marché ;

[latex]\omega_O[/latex] mesure la part de la production du projet qui évince celle d’autres entreprises [latex]\left[ \omega_0 = \left(1 - \omega_D \right) \right][/latex]

[latex]Cm[/latex] correspond au coût marginal de production des entreprises dont la production est évincée.

Malheureusement, il n’existe aucune règle précise pour déterminer [latex]\omega_D[/latex] ou [latex]\omega_O[/latex]. La réaction des producteurs existants à la nouvelle production peut varier en fonction :

  • De l’élasticité de la demande : Plus la demande est élastique et plus l’intérêt d’accommoder la production du projet s’avère grand, afin d’éviter une baisse de prix trop importante ;
  • Du nombre de producteurs dans le marché : Plus il y a de producteurs dans le marché et plus le risque de resquillage pour accommoder la production du projet s’avère grand. Chaque producteur espère que ce sont les autres qui réduiront leur production ;
  • La structure des coûts : La réduction de la production peut entraîner une hausse du coût moyen de production en présence d’économies d’échelle, ce qui réduit l’incitation à accommoder le projet.

L’analyste doit donc exercer son jugement en tenant compte des caractéristiques du marché. De plus, une analyse de sensibilité en fonction de [latex]\omega_D[/latex] peut être nécessaire si la valeur de ce paramètre entraîne un impact notable sur la VAN. Le retour sur la motivation en conclusion de ce chapitre fournit un exemple de mise en application de ces concepts.

10.1.2 Le pouvoir de marché des acheteurs

Dans certains marchés, on trouve un grand nombre de vendeurs et un nombre restreint d’acheteurs. Il s’agit d’une configuration fréquente dans le secteur agricole, où plusieurs filières comptent un grand nombre d’agriculteurs qui vendent à un nombre restreint de transformateurs. On rencontre aussi cette situation dans certains marchés régionaux de l’emploi ayant un employeur dominant.

Dans ces conditions, les acheteurs reconnaissent que l’augmentation de leurs achats peut exercer une pression à la hausse sur les prix. Ainsi, ils ont intérêt à limiter leurs acquisitions, afin de conserver les prix plus bas qu’ils ne le seraient dans un marché parfaitement concurrentiel. L’annexe 2 présente, à l’aide d’un exemple, comment sont déterminés le prix et la quantité échangée dans le cas extrême du monopsone.

La Figure 10.5 illustre l’impact du pouvoir de marché du côté des acheteurs d’une façon générale. Dans cet exemple, l’offre concurrentielle se définit par le coût marginal, tandis que la demande des quelques acheteurs est représentée par la courbe D. Dans un équilibre concurrentiel, le prix s’élèverait à P0 = 40 $ pour une quantité échangée de Q0 = 18 000 litres. Cependant, en supposant que les acheteurs limitent leurs achats à Q1 = 15 000 litres, le prix diminuerait à P1 = 35 $. À ce niveau de prix, l’avantage marginal des acheteurs s’élève à 50 $.

Ainsi, le pouvoir de marché des acheteurs génère une divergence entre le prix du marché et l’avantage marginal des acheteurs, ce qui entraîne des implications significatives pour l’ACA.

Figure 10.5 Marché avec présence de pouvoir de marché des acheteurs

Lorsque le prix est fixé à 35 $, les acheteurs bénéficient d’un surplus de 600 000 $, représenté par l’aire de la surface adef, qui est supérieure à celle observée dans un contexte de concurrence parfaite, où le surplus du consommateur s’élève à 540 000 $ (correspondant à l’aire du triangle abc). Ce gain additionnel se réalise au détriment des vendeurs, dont le surplus est réduit de l’aire de la surface cbef. Du point de vue social, le pouvoir de marché des acheteurs entraîne une perte sèche correspondant à l’aire de la surface dbe. Cet exemple permet d’entreprendre l’ACA d’un projet visant à contrer le pouvoir de marché des acheteurs (voir l’exercice 1). Il est également possible d’étudier la manière dont se réalise la valorisation d’un projet augmentant la demande dans ce contexte.

À l’instar du pouvoir de marché des vendeurs, la concentration des acheteurs peut présenter des avantages, notamment en facilitant une exploitation plus efficace des économies d’échelle. Par exemple, la présence d’un nombre restreint de grands abattoirs peut permettre d’exploiter les économies d’échelle à ce niveau spécifique de la chaîne de production de la viande. Cependant, cela peut également conférer à ces entités un pouvoir de marché et éventuellement augmenter les coûts du transport.

10.2 L’asymétrie de l’information

L’asymétrie d’information survient lorsqu’une partie à une transaction détient plus de renseignements pertinents que l’autre. Cette disparité dans la distribution de l’information peut conduire à des inefficacités sur les marchés.

Prenons l’exemple d’un dentiste recommandant à sa patiente de procéder à un détartrage tous les six mois plutôt qu’une fois par an. La patiente pourrait alors se demander si cette recommandation est justifiée d’un point de vue médical ou si elle constitue une stratégie pour le dentiste d’augmenter ses revenus. Ce doute peut réduire la disposition de la patiente à payer pour ce service, entraînant ainsi une allocation des ressources qui n’est pas optimale.

Pour atténuer cette asymétrie, le gouvernement peut intervenir, par exemple, en réglementant la profession, au moyen d’un ordre professionnel[4] et en établissant des normes de conduite et de surveillance. Le marché lui-même peut également contrôler l’asymétrie, en mettant en place des programmes de certification externes ou en offrant des garanties.

Comment évaluer les impacts de projets visant à réduire ou à éliminer l’asymétrie de l’information dans un marché ? Une fois de plus, nous utilisons un exemple simple pour mettre en évidence les impacts de base.

Exemple : L’ACA d’un programme de certification des pommes biologiques

Le marché des pommes biologiques est affecté par la présence de producteurs peu scrupuleux qui vendent des produits dit « biologiques », alors qu’ils ne le sont pas réellement. Cette pratique érode la confiance des consommateurs, ce qui diminue la demande. Dans la Figure 10.6, D représente la demande de pommes biologiques dans un scénario où l’information serait parfaite, tandis que DAI décrit la demande effective des consommateurs, prenant en compte leurs anticipations quant aux fraudes possibles. La demande DAI est inférieure, reflétant un consentement à payer moindre, les consommateurs redoutant que les pommes achetées ne soient pas réellement biologiques.

Le gouvernement envisage de mettre en place un programme de certification et de surveillance qui éliminerait l’asymétrie de l’information. Quel serait l’avantage procuré par ce programme ?

Figure 10.6 Le marché des pommes biologiques

Résolution

Déterminons d’abord l’équilibre du marché dans le scénario de référence et dans celui comportant une certification.

Scénario de référence (asymétrie de l’information) :

L’équilibre s’effectue à l’intersection de la demande DAI et de l’offre O, de sorte que :

Q0 = 5000 et P0 = 175 $ la tonne.

Scénario avec le projet (la certification élimine l’asymétrie de l’information) :

L’équilibre est maintenant déterminé par la demande D et la courbe de l’offre O, de sorte que :

Q1 = 10 000 et P1 = 250 $ tonne.

Déterminons ensuite les impacts sur les parties prenantes, soit les consommateurs et les producteurs.

L’impact sur les consommateurs

Le surplus du consommateur dans le scénario initial se mesure par l’aire de la surface abc, soit 437 500 $. Le surplus avec la certification se mesure par l’aire de la surface def, soit 1,25 million de dollars. Ce qui représente un gain de 812 500 $.

L’impact sur les producteurs

Le projet permet d’accroître le surplus du producteur de l’aire de la surface febc à 562 500$.

L’effet net s’élève donc à 1,375 million de dollars. En fait, ce projet s’analyse de la même manière que l’amélioration de la qualité d’un bien[5] (voir le Chapitre 7).

Notons que l’analyste doit se questionner sur les anticipations des consommateurs par rapport au taux de fraude réel. Dans notre démarche de résolution, nous avons implicitement émis l’hypothèse voulant que les consommateurs anticipent de manière adéquate les risques de fraude, de sorte que la demande DAI reflète correctement la valeur anticipée d’une pomme biologique, compte tenu du risque de fraude. Cependant, si les consommateurs surestiment les risques de fraude, leur demande ne reflétera pas adéquatement la valeur sociale dans le scénario de référence. À la limite, si nous supposons que la fraude s’avère négligeable, alors la valeur sociale des pommes dans le scénario de référence devrait être mesurée à partir de la courbe D, et non de DAI.

10.3 La rationalité limitée

Comme nous l’avons mentionné dans le Chapitre 3, les individus ne se comportent pas toujours de manière parfaitement rationnelle, ce qui engendre des externalités intrapersonnelles. Ces situations peuvent justifier l’intervention des pouvoirs publics. De plus, les connaissances acquises sur les biais cognitifs permettent d’améliorer la conception des politiques publiques et de mieux prévoir leurs effets. Cependant, la rationalité limitée soulève aussi la question de savoir si ces biais doivent être pris en considération ou neutralisés lors de la mesure des coûts et des avantages d’un projet (voir Weiner, 2017).

Par exemple, faut-il prendre en compte ou neutraliser l’effet du biais d’aversion pour les pertes dans l’évaluation des impacts d’un projet ? Si nous le prenons en compte, cela signifie que nous ne devrions pas considérer une perte évaluée objectivement à 1 000 $ comme équivalente à un gain objectif de 1 000 $. En revanche, si nous considérons que ce biais doit être neutralisé, cela signifie qu’il faudrait ajuster à la baisse une perte que la victime évalue à 1 000 $.

L’un des fondements de l’ACA consiste à évaluer les avantages et les coûts sur la base des préférences des individus exprimées à travers leur consentement à payer ou à recevoir. Dans cette optique, si les biais cognitifs influencent le CAP ou le CAR, il faudrait en tenir compte. Cependant, ces biais cognitifs amènent les personnes à prendre des décisions contraires à leurs intérêts. Si ces biais ne sont pas neutralisés dans l’évaluation du CAP ou du CAR, cela pourrait conduire à adopter des projets qui réduisent la richesse collective. Il en découle que, de manière générale, il est recommandé de neutraliser l’impact des biais cognitifs sur l’évaluation des coûts et des avantages. Nous reviendrons sur cette question dans la partie 3 du manuel, et plus particulièrement dans le chapitre 15. Aussi, l’exercice 2 se penche sur les enjeux de la valorisation en présence d’un bien qui crée une dépendance.

10.4 Conclusions

Éléments clés à retenir

  • En présence d’un pouvoir de marché du côté de l’offre, le prix excède le coût marginal.
  • Cet écart crée une perte sèche, puisque certains échanges socialement rentables ne se réalisent pas.
  • Cet écart entraîne aussi des conséquences pour la valorisation d’un projet qui ajoute de l’offre sur le marché. La partie de l’offre additionnelle qui accroît les échanges doit être valorisée au prix, tandis que la partie qui évince l’offre existante doit l’être au coût marginal.
  • Dans un marché dans lequel les acheteurs disposent d’un pouvoir de marché, le prix est égal au coût marginal, mais il est inférieur à l’avantage marginal des demandeurs.
  • Cet écart crée une perte sèche et peut entraîner des conséquences sur la valorisation des impacts d’un projet.
  • L’asymétrie de l’information peut perturber le bon fonctionnement d’un marché, notamment en réduisant la quantité échangée.
  • Il peut s’avérer important de prendre en compte l’impact des biais cognitifs pour mieux prévoir l’impact d’un projet, mais aussi pour établir des politiques publiques plus efficaces.
  • Il est cependant essentiel de neutraliser les effets des biais cognitifs lors de l’évaluation des impacts.

Retour sur la motivation

Afin d’encourager la concurrence sur le marché pharmaceutique, un projet envisage de soutenir un fabricant de médicaments génériques qui projette d’entreprendre la production d’un traitement anticancéreux. Actuellement, ce médicament est produit exclusivement par une entreprise qui le vend à 500 $ la dose. L’arrivée d’une version générique pourrait réduire ce prix de moitié. Le producteur générique prévoit fabriquer 15 000 doses par année, ce qui correspond à environ 75 % du volume actuel des ventes. La question se pose alors : Comment calculer la valeur sociale engendrée par l’ouverture de cette nouvelle usine ? Devrait-on évaluer les doses produites au tarif actuel de 500 $ ou au prix anticipé une fois que la production générique sera lancée, ou encore faudrait-il s’en tenir à un autre prix ?

Résolution

Nous ne disposons pas de toutes les informations nécessaires pour calculer les impacts de ce projet, mais nous pouvons établir un cadre pour mettre en évidence les données additionnelles nécessaires ainsi que les hypothèses à valider. La Figure 10.7 illustre la demande de ce médicament. Le projet entraîne une réduction du prix de 500 $ à 250 $, ce qui devrait causer une hausse de la quantité échangée de Q0 à Q1. Cependant, l’analyste devra estimer la quantité Q1. Dans le cas le plus simple, Q1 = Q0 + 15 000, c’est-à-dire que l’entreprise originale maintient sa production à Q0, qui est estimée à 20 000 doses, puisque la production additionnelle représente 75 % de la production initiale. Dans ce cas, la valorisation de la production additionnelle est simple (valorisation au prix moyen avant et après le projet) :

Valeur sociale de la production additionnelle liée au projet : 375 $ x 15 000 = 5,625 millions de dollars.

Il est cependant possible que l’entreprise originale réduise en partie sa production, dans le but d’éviter une chute de prix trop importante. C’est la situation représentée à la Figure 10.7, dans laquelle l’entreprise originale réduit sa production à Q’. Dans ce cas, l’approche sociale se présente comme suit :

  • Valorisation de la production additionnelle : 350 $ x (Q1-Q0) ;
  • Valorisation des ressources libérées : Coût marginal de l’entreprise originale x (Q0-Q’) ;
  • Le coût des ressources mobilisées par le projet : Doit être déterminée par l’ACA.
Figure 10.7 Impact possible de l’ajout de production dans le marché du médicament

Précisons que l’entreprise originale pourrait aussi accroître sa production en réaction à l’entrée de l’entreprise générique, afin de lui laisser le moins de place possible sur le marché, tout en espérant la mettre en difficulté.

Notons que le cadre d’analyse ci-dessus implique plusieurs hypothèses que l’analyste devrait valider. Une première hypothèse veut que le produit original et le produit générique soient considérés comme identiques par les utilisateurs et que le prix soit identique. La réalité pourrait cependant s’avérer plus complexe, puisque les patients considèrent parfois les médicaments génériques, à tort ou à raison, comme des produits de moins bonne qualité. Si cela s’avère le cas, les entreprises pourraient exiger des prix différents.

Par ailleurs, même si les doses sont jugées équivalentes, les prix pourraient se montrer différents si l’entreprise générique devenait incapable de servir toute la demande au prix de 250 $ la dose. En effet, l’entreprise originale pourrait avoir intérêt à agir comme un monopoleur sur la demande résiduelle.

Exercices

  1. (*) Dans un pays, la production de café se répartit entre un grand nombre de petits producteurs. Les récoltes sont cependant achetées par un seul acheteur autorisé par le gouvernement. Un projet est envisagé pour libéraliser ce marché, ce qui se traduirait par une augmentation importante du nombre d’acheteurs.Pour évaluer les impacts potentiels de ce projet sur le marché du café, vous disposez des données suivantes :
    • Le prix actuel sur le marché s’élève à 2000 $ la tonne;
    • La quantité échangée monte à 10 millions de tonnes;
    • L’élasticité-prix de l’offre est estimée à 2, et celle de la demande à 1.

    Établissez un cadre d’analyse permettant d’identifier et de valoriser les impacts du projet sur le marché du café. Discutez comment les élasticités déterminent l’effet net dans le marché. Analysez également les autres effets qu’il faudrait prendre éventuellement en compte dans une ACA complète de ce projet. [La résolution s’effectue à partir des notions développées dans l’Annexe 2.]

  2. (*) Un projet vise à lutter contre la dépendance envers l’alcool. La demande type d’une personne dépendante est représentée à la Figure 10.8 par la courbe DD. La demande type pour une personne qui ne vit pas de dépendance est représentée par la courbe D. Le prix moyen de l’alcool s’élève à 10 $ le litre. Discutez des enjeux liés à la valorisation des effets du projet des points de vue de la dépense et du surplus du consommateur.
Figure 10.8 Demande type d’une personne dépendante et d’une personne non dépendante à l’alcool

Annexe 1 – Le monopole

Comment la quantité et le prix d’équilibre sont-ils déterminés en présence d’un monopole ? Le monopoleur maximise son profit en suivant le même principe que l’entreprise opérant dans un marché concurrentiel : il cherche à vendre toutes les unités qui lui rapportent plus qu’elles ne lui coûtent. En d’autres termes, il vise à vendre toutes les unités pour lesquelles la recette marginale dépasse son coût marginal.

La Figure 10.9 illustre le cas d’un monopoleur confronté à la demande du marché D et dont le coût moyen est constant, égal au coût marginal (CM = Cm). Déterminons les recettes générées par la vente de 1 000 tonnes supplémentaires à partir d’une quantité initiale de 5 000 tonnes. Pour vendre ces 1 000 tonnes supplémentaires, le monopoleur réalise que cela entraînera une réduction du prix de 85 $ à 80 $. Ainsi, sa recette marginale comprend deux parties :

  • La recette additionnelle générée par la vente des 1 000 tonnes, soit 80 000 $ (80 $ x 1000), correspondant à l’aire du rectangle ombré en bleu ;
  • La perte de recettes associée à la réduction de 5 $ du prix des 5 000 unités intramarginales qui auraient pu être vendues à 85 $ au lieu de 80 $. Cette perte de 25 000 $ correspond à l’aire du rectangle ombré en rouge.
Figure 10.9 Marché en situation de monopole et déterminant de la recette marginale

Ainsi, la recette marginale s’élève à 55 000 $, ce qui est inférieur à la recette des ventes additionnelles. Lorsque la courbe de demande présente une pente négative, il est possible de démontrer que la recette marginale associée à une variation minime de la quantité vendue est déterminée par une droite dont la pente est deux fois plus importante que celle de la demande[6]. La droite Rm sur la Figure 10.10 représente donc la recette marginale du monopoleur. L’idée fondamentale derrière cette courbe veut que le monopoleur réalise que s’il désire vendre davantage, il doit accepter une baisse du prix d’unités qui auraient pu être vendues à un prix plus élevé. Il s’agit d’une différence fondamentale par rapport à la situation de concurrence parfaite. En effet, en concurrence parfaite, les entreprises considèrent le prix comme donné, de sorte que la demande à laquelle elles font face est parfaitement élastique et la recette marginale en concurrence parfaite est égale au prix de vente.

 

Figure 10.10 Équilibre du monopole

Le monopoleur maximise son profit en mettant sur le marché la quantité QM = 9 000 tonnes au prix déterminé par la demande, soit PM = 70 $. Il réalise un profit équivalent à l’aire de la surface dbae, soit 270 000 $. En effet, le profit se mesure par la différence entre le prix de 70 $ et le coût moyen de 40 $, multiplié par la quantité de 9 000 tonnes. Ce profit se réalise au détriment du surplus des consommateurs et de l’efficacité économique, puisque le monopole génère une perte sèche équivalant à l’aire de la surface bac. On peut aussi montrer que l’indice de Lerner à l’équilibre du monopole est inversement proportionnel à l’élasticité de la demande :

[latex]L = \frac{P - Cm}{P} = \frac{1}{\eta_D}[/latex]

c’est bien le cas dans notre exemple, puisque [latex]L = \frac{(70\$ - 40\$)}{70\$} = 0,428[/latex] et [latex]\eta_D = 2,33[/latex] lorsque Q = QM.

Annexe 2 – Le monopsone

Dans un marché dans lequel un seul acheteur interagit avec de nombreux producteurs, la question suivante se pose : Quelle quantité l’acheteur doit-il acheter pour maximiser son surplus ? Réponse : l’acheteur a tout intérêt à acquérir toutes les unités qui lui procurent un avantage supérieur à leur coût. En d’autres termes, il devrait acheter toutes les unités pour lesquelles la valeur marginale (Vm) excède la dépense marginale (Dm). Il est donc nécessaire de déterminer la valeur marginale ainsi que la dépense marginale de l’acheteur.

Examinons ces concepts dans un exemple concret. Imaginons une entreprise qui représenterait le principal acheteur de pommes de terre en vrac produites par les agriculteurs d’une région. Cette entreprise transformerait ensuite ces pommes de terre en frites congelées. Sur la Figure 10.12, la droite D représente la demande de pommes de terre de la part du transformateur, qui correspond également à la demande du marché. Cette demande exprime, comme d’habitude, la valeur marginale ou l’avantage supplémentaire qu’il accorde à chaque unité supplémentaire.

 

Figure 10.11 Marché régional des pommes de terre en vrac et dépense marginale du monopsone

Déterminons maintenant la dépense marginale du transformateur. La Figure 10.11 montre comment établir la dépense marginale de l’achat de 10 000 tonnes supplémentaires à partir d’une quantité initiale de 50 000 tonnes. Pour que la quantité offerte augmente de 50 000 tonnes à 60 000 tonnes, le prix doit augmenter de 150 $ à 160 $. La dépense marginale comprend donc deux parties :

  • La dépense additionnelle pour l’achat de 10 000 unités supplémentaires, soit 1,6 million de dollars (160 $ x 10 000), correspondant à l’aire de la surface ombrée en bleu sur la Figure 10.12 ;
  • L’augmentation de la dépense totale engendrée par l’élévation du prix sur les 50 000 unités intramarginales, soit l’aire du rectangle ombré en rouge, équivalant à 0,5 million de dollars (10 $ x 50 000 tonnes).

Ainsi, la dépense marginale s’élève à 2,1 millions de dollars, surpassant ainsi le coût d’achat des unités supplémentaires. Lorsque la courbe de l’offre se présente comme une droite à pente positive, la dépense marginale associée à une variation minime de la quantité est déterminée par une droite dont la pente se montre deux fois supérieure à celle de l’offre. La courbe Dm sur la Figure 10.12 représente donc la dépense marginale du transformateur.

Le transformateur maximise son surplus en limitant ses achats à QM = 100 000 tonnes, ce qui lui permet d’obtenir un prix PM = 200 $, de sorte que son surplus se mesure par l’aire de la surface abcd, qui représente 15 millions de dollars. Ce surplus dépasse celui du consommateur en concurrence parfaite, qui est mesuré par la surface aef (11,25 millions de dollars). Ce gain de l’acheteur s’effectue au détriment des producteurs, dont le surplus diminue ainsi que de l’efficacité économique, puisque le monopsone engendre une perte sèche équivalant à l’aire de la surface bec.

 

Figure 10.12 Équilibre du marché de monopsone

Notons que dans le cas d’un monopsone, l’indice de Lerner se définit comme suit :

[latex]L = \frac{Vm - P}{Vm}[/latex]

On peut aussi montrer qu’à l’équilibre de monopsone, l’indice de Lerner est inversement proportionnel à l’élasticité-prix de l’offre :

[latex]L = \frac{1}{\eta_O}[/latex]

Cette relation se vérifie dans notre exemple, puisque [latex]L = \frac{300\$ - 200\$}{300\$} = 0,33[/latex] et [latex]\eta_O = 3[/latex] lorsque Q = QM.

Bibliographie

Weiner D.L. (2017). Behavioral Economics for Cost-Benefit Analysis: Benefit Validity When Sovereign Consumers Seem to Make Mistakes. Cambridge University Press.


  1. Il existe également des situations où le pouvoir de marché est présent des deux côtés (monopole bilatéral et oligopole bilatéral).
  2. L'indice de Hirschman-Herfindahl (HHI) représente un indicateur utilisé pour évaluer la concentration du marché. Il se calcule en additionnant les carrés des parts de marché de toutes les entreprises présentes sur le marché, exprimées en pourcentage. Un marché dans lequel un seul acteur détient un monopole parfait affiche un HHI de 10 000, indiquant une concentration maximale. À l’opposé, dans un marché caractérisé par une concurrence parfaite, l’indice tend vers zéro, signifiant une dispersion extrême du marché sans aucune concentration.
  3. Cet indice ne représente pas la valeur maximale possible sur ce marché. En effet, un monopoliste ajustera sa production afin que le prix s’établisse à 70 $ (comme on le détaille à l’Annexe 1), résultant en un indice de Lerner de 0,428.
  4. Une fois de plus, l’analyste doit jouer de prudence en recommandant une intervention publique, puisqu’il faut tenir compte de la possibilité que l’intervention soit détournée de son but premier. Les ordres professionnels sont régulièrement critiqués, car ils auraient tendance à défendre d’abord les intérêts de leurs membres qui les financent plutôt que l’intérêt du public.
  5. Évidemment, les fraudeurs sont pénalisés par ce projet, mais leur bien-être ne doit pas être pris en compte, puisqu’ils agissent de manière illégale. Il faut aussi comptabiliser les coûts de mise en place et de surveillance du programme de certification.
  6. Si la demande est définie par la droite suivante : P = a-b Q, la recette totale (RT) réalisée par le monopole se définit comme RT = P x Q = (a – b Q) x Q, et la recette marginale correspond à la dérivée de RT par rapport à Q, soit [latex]\frac{\Delta RT}{\Delta Q} = a - 2bQ[/latex].
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