1 Définir et situer l’ACA
Motivation et objectifs d’apprentissage
Imaginez que vous êtes analyste pour une entreprise de conseils économiques et qu’à ce titre vous devez fournir des recommandations sur la pertinence de différents projets et politiques publiques. À titre d’exemple, voici quelques-uns de vos mandats :
- Une municipalité envisage d’investir dans un tramway ;
- Une cimenterie veut évaluer la rentabilité d’un projet de nouvelle usine ;
- Une entreprise pharmaceutique veut convaincre le gouvernement de rembourser son nouveau médicament qui réduit les risques d’infarctus ;
- Le ministère de l’Environnement doit procéder à l’évaluation d’un programme de subvention pour l’achat de véhicules électriques ;
- Un parti politique veut connaître les impacts d’une promesse électorale de réduction des impôts sur le revenu.
L’analyse coût-avantage (ACA) est-elle appropriée pour tous ces mandats ? Sinon, quels sont les autres outils d’évaluation économique qui pourraient convenir davantage ?
À la fin de ce chapitre, vous pourrez :
- Définir l’ACA ;
- Déterminer les projets pour lesquels une ACA est appropriée ;
- Décrire de manière générale les fondements de cette méthode ;
- Construire un tableau qui présente les impacts monétarisés et la valeur actualisée nette d’un projet dans le contexte d’une ACA;
- Comprendre les différences avec d’autres méthodes d’évaluation économique.
1.1 L’ACA : définition et champ d’application
L’ACA constitue un ensemble de pratiques dérivées de la théorie économique qui vise à évaluer la rentabilité sociale d’un projet soit ex ante, ex post ou in media res.
Les prochaines sous-sections examinent en détail cette définition.
1.1.1 La rentabilité sociale
L’objectif de l’ACA est d’évaluer la rentabilité sociale d’un projet. Il s’agit de mesurer en termes monétaires les impacts favorables (avantages) et défavorables (coûts) d’un projet pour l’ensemble des membres de la société de référence. En cela, l’ACA se distingue de l’analyse de rentabilité privée, qui ne s’intéresse qu’aux impacts pour les promoteurs du projet. Un projet peut donc être rentable sur le plan privé, mais ne pas l’être sur le plan social, et inversement.
La Figure 1.1 met en évidence la distinction entre la rentabilité privée et sociale d’un projet lorsque le promoteur est membre de la société de référence, ce qui implique l’inclusion de ses coûts et avantages dans l’analyse de rentabilité sociale. En revanche, si le promoteur n’est pas affilié à cette société de référence, ses coûts et avantages ne devraient pas être pris en compte dans l’ACA. Par exemple, une ACA nationale ne devrait pas inclure les bénéfices réalisés par un promoteur étranger. Le chapitre 2 explorera en détail la question de la délimitation de la société de référence.
L’encadré ci-dessous illustre davantage la différence entre la rentabilité sociale et privée par deux exemples.
Exemples : différences entre la rentabilité privée et sociale
Construction d’un oléoduc
- Rentabilité privée : Le projet est rentable pour son promoteur si les revenus d’exploitation attendus sont plus importants que les coûts de construction et d’exploitation.
- Rentabilité sociale : L’évaluation de la rentabilité sociale doit tenir compte de l’impact du pipeline sur les consommateurs et sur la population, qui peut être affectée par des dommages environnementaux. Les impacts sur le promoteur sont également à prendre en compte s’il fait partie de la société de référence.
Achat d’un autobus scolaire électrique plutôt que diesel
- Rentabilité privée : L’entreprise de transport évalue si la réduction des coûts de carburant justifie le coût additionnel d’achat de l’autobus électrique par rapport à l’autobus au diesel.
- Rentabilité sociale : Elle prend en compte les éléments inclus pour évaluer la rentabilité privée et ajoute les gains pour la population de la réduction de la pollution de l’air, des émissions de gaz à effets de serre, et éventuellement de certains impacts sur le fabricant d’autobus, s’il fait partie de la société de référence.
1.1.2 Le projet
La notion de « projet » est très générale, puisque l’ACA peut s’appliquer à :
- Des infrastructures publiques comme la construction d’un pont, d’une ligne de trains à grande vitesse ou d’un parc urbain ;
- Des politiques publiques comme financer une campagne de vaccination, accorder des crédits d’impôt pour soutenir une industrie, rendre le port du casque de vélo obligatoire ou protéger des espaces naturels ;
- Des projets privés comme la construction d’une nouvelle usine chimique ou d’un gazoduc.
Ce n’est donc pas l’identité du promoteur ou la nature de l’intervention qui détermine si une ACA est pertinente ou non.
Pour alléger le texte, nous ferons souvent référence dans ce manuel à l’ACA d’un projet. Il est important de garder à l’esprit que le terme « projet » doit s’interpréter dans un sens très large et n’implique pas nécessairement qu’il s’agit d’un projet qui est initié ou soutenu par les pouvoirs publics.
1.1.3 À quel moment réaliser une ACA ?
En général, les ACA sont réalisées ex ante, c’est-à-dire avant que le projet ne démarre, puisque l’ACA vise justement à déterminer la rentabilité du projet. Il est cependant possible de faire une ACA in medias res, c’est-à-dire en cours de projet, pour vérifier s’il doit être mené à terme ou s’il est nécessaire de modifier son ampleur en cours de route. Faut-il, par exemple, continuer un projet de construction de logements sociaux qui comprend plusieurs phases ?
Il est également possible de faire des ACA ex post, c’est-à-dire une fois le projet terminé. Elles sont utiles pour vérifier si la décision était la bonne. De plus, en comparant les résultats d’analyses ex ante et ex post, il est possible d’améliorer les ACA, en mettant en évidence des biais systématiques et des erreurs éventuelles.
1.1.4 Le champ d’application
Le recours à une ACA se justifie dès l’instant où l’on suspecte que la rentabilité sociale d’un projet peut être différente de sa rentabilité privée.
Si le champ d’application de l’ACA est étendu, il y a cependant des projets pour lesquels il est préférable d’utiliser d’autres outils d’évaluation. En effet, l’ACA n’est pas l’outil le plus approprié pour évaluer des projets qui ont des effets dans une multitude de sphères de l’économie ou ceux qui ont une portée macroéconomique. Par exemple, il serait mal avisé d’effectuer l’ACA d’un projet de hausse de la taxe de vente ou d’une baisse des charges des entreprises, puisque ces politiques auront des conséquences sur l’ensemble de l’économie. Un modèle d’équilibre général calculable est l’instrument à privilégier pour évaluer ce type d’intervention (voir Decaluwé, Martens et Savard, 2001).
L’ACA est une analyse de type partielle qui permet d’évaluer des projets dont les impacts se concentrent sur un nombre restreint de marchés.
Il est, par exemple, pertinent d’effectuer l’ACA d’un projet de construction d’un nouveau barrage hydroélectrique si celui-ci a des répercussions sur le marché de l’électricité et peut-être aussi sur le marché de substituts, comme le marché du gaz naturel. Cependant, si le barrage est d’une envergure telle qu’il peut déclencher des effets macroéconomiques en réduisant le prix de l’énergie dans un pays, il est alors plus approprié d’utiliser un modèle d’équilibre général calculable.
1.2 Les dix fondements de l’ACA
Pour comprendre la nature de l’ACA, il est utile d’en explorer les principaux fondements, qui peuvent s’énoncer comme suit.
L’ACA vise à évaluer les impacts :
- À travers les marchés ;
- En unité monétaire ;
- À une même période de référence ;
- En termes de consentement à payer ou de consentement à recevoir ;
- En appliquant la notion de coût de renonciation ;
- Relativement à une situation de référence ;
- Pour guider les décisions ;
- Pour appliquer le critère d’efficacité de Kaldor-Hicks ou amélioration potentiellement parétienne ;
- Pour, peut-être, accroître le bien-être ;
- Pour améliorer l’efficacité, mais sans nécessairement atteindre l’optimum.
Dans cette section, nous présentons ces dix principes de manière générale, en les illustrant par des exemples, dont celui du projet d’un nouveau sentier de motoneige décrit dans l’encadré ci‑dessous. Nous reviendrons plus en détails sur certains de ces fondements dans la suite du manuel.
Exemple : un nouveau sentier de motoneige
Une municipalité envisage l’aménagement d’une nouvelle piste de motoneige. Celle-ci génère des impacts positifs pour les motoneigistes, mais aussi des nuisances sonores et de la pollution pour les riverains. Le projet entraîne également des coûts d’aménagement.
1.2.1 Évaluer les impacts à travers les marchés
Comme la Figure 1.2 l’illustre, l’ACA vise à évaluer la rentabilité sociale, ce qui exige de prendre en compte non seulement les effets qui se produisent sur les « marchés », mais aussi ceux qui surviennent « hors marché », également appelés effets intangibles. Un programme de subvention pour l’achat de véhicules électriques affecte le marché des véhicules électriques et conventionnels, mais améliore aussi la qualité de l’air, un « bien » pour lequel il n’y a pas de marché explicite. On parle alors de « marché manquant », dans le sens où il est impossible d’acheter ou de vendre directement de la « qualité de l’air ». De même, le projet de sentier de motoneige affecte le marché du tourisme pour la municipalité, en améliorant l’offre de service récréotouristique. Il engendre aussi des effets intangibles, en dégradant la qualité de vie de certains riverains.
La distinction entre effets « marchands » et « intangibles » n’est pas toujours précise, universelle ou stable dans le temps. Les modes d’organisation de la production et des échanges sont variés et dépendent de la nature des biens et des services, du nombre et des caractéristiques des participants ainsi que du degré d’implication des pouvoirs publics (voir le chapitre 3 pour plus de détails). Ils peuvent changer dans le temps et dans l’espace, et même coexister. Au Brésil, l’éducation universitaire est offerte à la fois par des entreprises privées, des organismes à but non lucratif et par l’État. Il existe aussi des exemples où les pouvoirs publics créent des marchés jusqu’alors manquants. C’est le cas du marché du carbone mis en place dans plusieurs juridictions.
La valorisation des effets dans les marchés s’appuie sur les données du marché, notamment sur les prix et les quantités échangées, comme nous le verrons plus en détails dans la partie 2 de ce manuel. Les valeurs de marché ne reflètent cependant pas toujours adéquatement les avantages et les coûts sociaux. Le prix de l’essence à la pompe reflète mal le coût social de cette ressource, puisqu’elle génère de la pollution atmosphérique et des émissions de gaz à effets de serre. Schématiquement, on peut distinguer les marchés sans distorsion, dans lesquels le prix reflète assez bien l’avantage et le coût social du bien, et les marchés avec des distorsions, pour lesquels il est nécessaire de corriger le prix du marché, afin de mieux refléter l’avantage ou le coût social.
Pour les effets hors marché, la valorisation peut s’effectuer de manière indirecte, en évaluant les traces de ces effets sur des marchés existants. Il est, par exemple, possible d’établir la valeur des nuisances sonores des motoneiges en évaluant leur impact sur la valeur des résidences proches d’un sentier. Il est également possible d’avoir recours à une approche directe, qui consiste à créer de manière hypothétique un marché manquant et d’ainsi sonder les personnes sur la valeur qu’elles accordent à l’effet intangible. On peut, par exemple, évaluer l’avantage du sentier de motoneige en sondant les utilisateurs potentiels sur le montant maximum qu’ils seraient prêts à débourser pour financer cette infrastructure. Il s’agit en fait d’évaluer la demande pour ce sentier. Les effets hors marché peuvent donc se concevoir et s’analyser grâce aux outils utilisés pour analyser les marchés, notamment les notions d’offre et de demande. La partie 3 du manuel est consacrée à la valorisation des effets intangibles.
Dans l’ACA, les impacts à valoriser, même ceux qui se produisent hors marché, doivent se concevoir et s’analyser à partir des outils utilisés pour analyser les marchés, notamment les concepts d’offre et de demande.
Les économistes font d’ailleurs référence à la notion de « marché », dès l’instant où il y a une « offre » et une « demande ». Ainsi, ils étudient le « marché du mariage », le « marché politique », celui des « idées », de « la qualité de l’air » ou même le « marché des ACA[1] ».
1.2.2 Évaluer les impacts en unités monétaires
Une des principales caractéristiques de l’ACA est de mesurer les impacts d’un projet en unités monétaires. Le recours à l’argent comme étalon constitue l’une des principales forces de l’ACA, puisque cela permet de comparer et d’agréger des effets de nature très différente. Dans notre exemple de sentier de motoneige, l’ACA permet de comparer les avantages des motoneigistes et les inconvénients des riverains, en valorisant tous ces effets en unités monétaires.
C’est cependant aussi une de ses difficultés, puisque la monétarisation de certains effets intangibles est difficile et parfois controversée. Personne ne conteste que la transformation d’une route en autoroute engendre des coûts monétaires, notamment pour l’achat du bitume ou les salaires des travailleurs. Est-il possible néanmoins de valoriser les gains de temps que permet cette autoroute ? Et comment prendre en compte le fait que l’autoroute pourrait réduire le nombre d’accidents mortels ? La valorisation de cet impact suppose qu’on établisse la valeur d’une vie humaine, un sujet controversé que nous aborderons plus en détails au chapitre 16. À ce stade, mentionnons simplement que dans un monde dans lequel les ressources sont limitées relativement aux besoins, des arbitrages s’imposent. Ainsi, même si l’on aime penser que la vie humaine n’a pas de prix, il est impossible d’investir toutes nos ressources disponibles pour prévenir un cas de cancer ou un accident de la route. Il n’est pas non plus souhaitable que les montants investis pour prévenir un décès prématuré varient de manière arbitraire selon sa cause ou le groupe qui est touché. L’ACA permet d’expliciter et d’assurer une certaine uniformité dans le montant des ressources que nous sommes prêts à consacrer collectivement pour sauver une vie ou pour éviter d’autres effets intangibles indésirables.
L’ACA vise à établir la valeur monétaire des différents impacts d’un projet, y compris les effets intangibles. La valorisation monétaire présente deux avantages importants :
- Elle permet de comparer et d’agréger des effets de nature très différente ;
- Elle permet de définir la valeur attribuée aux effets intangibles, favorisant ainsi la cohérence des décisions publiques et évitant l’arbitraire.
1.2.3 Évaluer les impacts à une même période de référence
Il arrive souvent qu’un projet engendre des coûts et des avantages durant plusieurs années. Comme le montre la Figure 1.3, la construction d’un barrage prend plusieurs années et procure ensuite de l’électricité pendant plusieurs décennies. De même les investissements pour l’aménagement du sentier de motoneige serviront durant plusieurs années. Comme un dollar n’aura pas dans dix ans la même valeur qu’il a aujourd’hui, il est nécessaire de « convertir » toutes les valeurs en dollars d’une période de référence. Dans l’exemple du barrage, si l’ACA est effectuée en 2023, la période de référence choisie sera certainement l’année 2023, et tous les coûts et les avantages seront exprimés en dollar de 2023. Cette conversion de valeurs dans le temps se fait par l’actualisation, soit l’application de formules dont le paramètre principal est le taux d’actualisation social. La différence entre la somme des avantages et les coûts en dollars de l’année de référence correspond à la valeur actualisée nette ou VAN. Elle permet de déterminer si le projet est socialement rentable ou non. Le chapitre 6 présentera en détails les principes de l’actualisation et les règles de décisions de l’ACA.
Exemples : le barrage des Trois-Gorges, en Chine
La construction du barrage des Trois-Gorges, dans la province de Hubei, en Chine, a duré 17 ans. Le projet a coûté 25 milliards de dollars et plus d’une centaine de personnes y ont perdu la vie. À cela s’ajoute des impacts environnementaux et humains importants. Le barrage fournit environ 3 % des besoins en électricité du pays.
1.2.4 Évaluer les impacts en termes de consentement à payer ou de consentement à recevoir
Comme l’indique la Figure 1.2, les impacts sociaux d’un projet peuvent se matérialiser sur des marchés (avec ou sans distorsion) ou hors marché.
Peu importe la nature de l’impact à évaluer, l’ACA valorise les impacts à partir des notions de consentement maximum à payer et de consentement minimal à recevoir, qu’on abrège respectivement en CAP et CAR.
Le CAP mesure le montant maximum que les bénéficiaires d’un projet sont prêts à débourser pour en profiter ou que les victimes d’une nuisance sont prêtes à payer pour l’éviter.
Par exemple, l’avantage des utilisateurs du sentier de motoneige se mesure par le montant maximum que ceux-ci seraient prêts à débourser pour bénéficier du sentier. L’impact du bruit peut se mesurer par le montant maximum que les victimes sont prêtes à payer pour éviter ces désagréments.
Le CAR mesure le montant minimum que les bénéficiaires d’un impact doivent recevoir pour qu’ils acceptent de s’en priver ou que les victimes d’une nuisance demandent comme compensation pour l’endurer.
Dans notre exemple, il s’agit de déterminer le montant de la compensation minimale à verser aux motoneigistes pour qu’ils acceptent de renoncer au sentier ou la compensation à débourser aux résidents pour en accepter les nuisances.
Dans certaines situations, ces valeurs peuvent s’observer sur les marchés à travers les comportements d’achat. En revanche, dans d’autres situations où il n’existe pas de marché, il est nécessaire d’avoir recours à des techniques particulières pour évaluer le CAP ou le CAR. Nous reviendrons sur ces notions dans les parties 2 et 3 de ce manuel.
Normalement le CAP et le CAR d’un impact devraient être assez semblables. Dans la réalité, on constate souvent que le CAR est nettement plus élevé que le CAP[2]. Selon le contexte, on utilise le CAP ou le CAR pour évaluer un impact.
1.2.5 Évaluer les impacts en appliquant la notion de « coût de renonciation »
Dans l’ACA, on vise à mesurer les coûts économiques d’un projet pour l’ensemble des membres de la collectivité.
Le coût économique d’un projet correspond à la valeur sociale de l’ensemble des ressources utilisées pour le réaliser. Il se mesure en termes de coût de renonciation, aussi appelé « coût d’opportunité ».
Le coût de renonciation d’un intrant ou d’une ressource est la valeur que celle-ci aurait pu fournir dans son meilleur usage alternatif.
Par exemple, la construction du sentier de motoneige mobilise des bénévoles, des travailleurs et de la machinerie. Le coût économique de ces intrants doit s’évaluer en fonction de leur coût de renonciation. En effet, les travailleurs pourraient contribuer à un autre projet et obtenir un salaire sans doute équivalent. Nous reviendrons sur les implications de cette manière de concevoir les coûts dans le chapitre 4. À ce stade, notons simplement que le coût économique peut être très différent de la dépense monétaire. Par exemple, pour les bénévoles qui aident à l’aménagement du sentier de motoneige, il n’y a pas de dépenses, mais il y a malgré tout un coût économique à prendre en compte dans l’ACA. En effet, ces bénévoles pourraient utiliser leur temps à réaliser d’autres activités qui, elles aussi, ont une valeur. Il y a donc un coût de renonciation.
1.2.6 Évaluer les impacts relativement à une situation de référence
Dans l’ACA, seuls les avantages et les coûts spécifiquement engendrés par le projet sont à prendre en compte. Les impacts qui se produisent, que le projet se réalise ou non, ne sont pas pertinents. Par exemple, si la municipalité décide de refaire la route menant à l’éventuel sentier de motoneige, mais que cette réfection se fera peu importe le sort du projet, son coût ne doit pas être considéré dans l’ACA.
Pour s’assurer de ne prendre en compte que les impacts spécifiques du projet, il est important de définir et de préciser un scénario de référence.
L’ACA évalue les changements des avantages et des coûts sociaux occasionnés par un projet par rapport à un scénario de référence, généralement le « statu quo », c’est-à-dire la situation sans le projet. On évalue donc le changement par l’avantage social net procuré par le projet.
L’exemple ci-dessous aide à bien comprendre cet aspect et permet d’illustrer la manière dont les résultats d’une ACA sont généralement présentés.
Exemple : Le remplacement d’un traversier par un pont
Une municipalité envisage de remplacer son système de traversiers sur une rivière par un pont. Les analyses permettent d’établir les valeurs actualisées suivantes (en dollars de l’année de référence) :
- Les avantages retirés par les usagers du traversier ont été évalués à 320 millions de dollars. Il s’agit donc de leur consentement à payer pour ce service ;
- Avec un pont, le temps de la traversée diminue, ce qui améliore la qualité du service. Les avantages obtenus de l’usage du pont sont évalués à 650 millions de dollars ;
- Si l’on maintient le traversier, il faudra le remplacer dans les prochaines années au coût de 90 millions de dollars ;
- Les coûts d’opération du traversier sont évalués à 100 millions de dollars ;
- La construction du pont coûterait 400 millions de dollars, et les coûts d’entretien sont évalués à 10 millions de dollars ;
- La route d’accès au pont est la même que celle qui mène au traversier, mais elle a atteint sa durée de vie utile, de sorte qu’elle devra être reconstruite au coût de 3 millions de dollars.
En s’appuyant sur ces données, la construction du pont est-elle socialement rentable ?
Pour répondre à cette question, il est possible d’organiser les données de plusieurs façons. Le Tableau 1.1 illustre deux manières possibles.
Présentation séparée du projet et du scénario de référence
Dans le panel A, les coûts et les avantages du scénario de référence et du projet sont détaillés. L’avantage net engendré par le maintien du traversier est évalué à 127 millions de dollars, alors que le pont génère un avantage net de 237 millions de dollars. On en conclut que le pont doit être construit, puisqu’il génèrera un avantage net additionnel de 110 millions de dollars par rapport au maintien de la traverse.
Présentation en termes de variation
Le panel B adopte le format généralement employé dans les ACA. Celui-ci montre la variation des avantages et des coûts du projet (construire le pont) par rapport au scénario de référence (maintenir le traversier). Les avantages additionnels du projet par rapport au scénario de référence sont évalués à 330 millions de dollars, soit 650 millions de dollars moins 320 millions de dollars. En ce qui concerne les coûts, il faut tenir compte des coûts de construction et des coûts d’entretien du pont. Néanmoins, il faut également considérer les coûts évités liés à l’abandon du traversier. Ceux-ci sont des « coûts négatifs », donc des avantages.
Notons que dans cette présentation, le coût de la reconstruction de la route n’apparaît pas, puisqu’il doit être défrayé dans les deux scénarios. En d’autres termes, cet impact s’annule lorsqu’on calcule la variation des coûts.
Le projet doit être adopté si l’effet net ou, dans le langage de l’ACA, la valeur actualisée nette est positive, puisque cela signifie que le projet accroît l’avantage social net par rapport au scénario de référence. Elle est estimée à 110 millions de dollars soit la même valeur que celle obtenue au panel A.
L’avantage de cette approche est qu’elle exige éventuellement moins d’informations. Ainsi, nous n’avons pas besoin d’évaluer les avantages des usagers du traversier ; nous devons évaluer uniquement l’avantage supplémentaire engendré par le pont. Cependant, la présentation du panel A peut parfois s’avérer plus intelligible pour les décideurs en explicitant les coûts du statu quo.
Panel A : Avantages et coûts des deux options en millions de dollars | |||
Maintien du traversier (statu quo) | Construction du pont (le projet) | ||
Avantage des usagers | 320 | Avantage des usagers | 650 |
Coût de remplacement du traversier | -90 | Coût de construction | -400 |
Coût d’exploitation | -100 | Coût d’entretien | -10 |
Coût de reconstruction de la route | -3 | Coût de reconstruction de la route | -3 |
Avantage net | 127 | Avantage net | 237 |
Panel B : Avantages et coûts du pont relativement au traversier | |||
Avantage supplémentaire pour les usagers | 330 | ||
Coût de construction du pont | -400 | ||
Coût d’entretien du pont | -10 | ||
Coût évité du remplacement du traversier | 90 | ||
Coût évité d’exploitation du traversier | 100 | ||
Valeur actualisée nette | 110 |
Il est important de se familiariser avec l’approche en termes de variation, puisqu’il s’agit de l’approche adoptée dans la suite de ce manuel. À nouveau, cela implique :
- D’inclure les changements des avantages et des coûts du projet par rapport au scénario de référence ;
- Que les coûts évités constituent des avantages du projet, alors que les avantages auxquels on renonce correspondent à des coûts pour le projet ;
- Que les coûts et les avantages qui sont assumés dans les deux scénarios doivent être ignorés.
1.2.7 Évaluer les impacts pour guider les décisions
L’analyse des décisions publiques peut s’effectuer selon une approche positive par laquelle on vise à expliquer comment se prennent les décisions dans la réalité. Par exemple, certaines décisions s’expliquent par la volonté des politiciens de se faire réélire.
Dans l’ACA, l’approche est normative, puisque son but est de recommander si un projet doit être réalisé ou non. L’ACA constitue donc un outil d’aide à la décision publique.
L’ACA fournit une recommandation aux décideurs publics en s’appuyant sur l’impact du projet sur la « richesse collective[3] ». Par exemple, le sentier de motoneige générera-t-il ou non des avantages sociaux plus importants que ses coûts sociaux ? Comme toute analyse normative, l’ACA repose sur des jugements de valeur. Dans l’ACA, le critère d’amélioration de l’efficacité économique occupe une place centrale. Celui-ci est décrit plus en détails dans la prochaine sous-section.
1.2.8 Le critère d’efficacité de Kaldor-Hicks ou d’amélioration potentiellement parétienne
L’ACA recommande d’entreprendre les projets dont les avantages sociaux sont supérieurs aux coûts sociaux. Un projet ne doit donc pas nécessairement faire l’unanimité, de sorte que le critère utilisé par l’ACA est moins exigeant que le critère de Pareto[4]. En fait, l’ACA se fonde sur le critère de Kaldor-Hicks, aussi appelé critère d’amélioration potentiellement parétienne.
Un projet respecte le critère de Kaldor-Hicks si la somme des gains perçus par les bénéficiaires d’un projet est supérieure à la somme des coûts assumés par les perdants. Le projet constitue ainsi une amélioration potentiellement parétienne, puisqu’il est théoriquement possible de mettre en place un système de compensation dans lequel les gagnants compensent les perdants. Le projet avec le système de compensation fait l’unanimité puisqu’il améliore le sort de tous.
Pour illustrer ce concept, supposons que les impacts du sentier de motoneige ont été valorisés en valeur actualisée de la période de référence :
- Avantage pour les motoneigistes : 100 000 $ ;
- Nuisance pour les résidents : 35 000 $ ;
- Coût économique de l’aménagement et de l’entretien : 25 000 $.
Dans ce cas, le sentier doit être aménagé, puisque sa VAN est positive à 40 000 $ (soit 100 000 $ -35 000 $ – 25 000 $). En d’autres termes, l’aménagement du sentier accroît la richesse collective. Le projet respecte donc le critère d’amélioration de Kaldor-Hicks, puisque les motoneigistes pourraient, conceptuellement, compenser les résidents pour les nuisances et payer pour les coûts de construction, de sorte qu’à la fin, personne n’y perdrait. Par exemple, les motoneigistes versent une compensation de 40 000 $ aux résidents et paient pour l’aménagement et l’entretien. Il leur reste un avantage net de 35 000 $, les résidents obtiennent un gain net de 5 000 $ et les ressources mobilisées pour l’aménagement et l’entretien sont compensées à leur coût de renonciation.
Attention, selon ce critère, le projet doit être adopté, même si le système de compensation n’est pas effectivement mis en place. Il faut seulement que cette possibilité existe, ce qui nous amène au prochain principe.
1.2.9 Évaluer les impacts pour, peut-être, accroître le bien-être
Dans notre exemple, le projet de sentier de motoneige est socialement rentable, puisqu’il permet d’accroître la richesse collective de 65 000 $ (soit 100 000 $ – 35 000 $). En l’absence de système de compensation, le projet fait des perdants, notamment les résidents, qui doivent subir des nuisances sonores. Dès lors, est-on certain que le projet accroîtra aussi le bien-être collectif ? La réponse est non : un projet peut accroître la richesse collective, tout en diminuant le bien-être collectif, et l’inverse est également possible. Explorons comment cela est possible à partir d’un exemple.
Précisons tout d’abord que la définition du « bien-être collectif » pose de nombreux défis, dont l’analyse dépasse les objectifs fixés de ce manuel. Nous présumons ici que le bien-être collectif se mesure par la somme des niveaux de bien-être de tous les membres de la collectivité[5]. Supposons qu’un projet engendre un gain évalué à 10 000 $ pour l’individu 1 et une perte estimée à 10 000 $ pour l’individu 2. Dans ce cas, ce projet ne change pas la richesse collective, puisque l’avantage est égal au coût. Mais ce projet peut malgré tout avoir un effet sur le bien-être collectif. En effet, les 10 000 $ n’ont pas nécessairement le même impact sur le niveau de bien-être des deux individus. Considérons le cas où l’individu 1 est riche et l’individu 2 est pauvre : il est alors fort probable que le gain de bien-être de l’individu 1 soit plus faible que la perte de bien-être de l’individu 2. Il en est ainsi parce que l’utilité marginale du revenu, soit le gain de bien-être provoqué par une hausse du revenu, diminue avec le niveau du revenu.
La Figure 1.4 illustre notre exemple : la courbe montre le niveau de bien-être (ou « utilité ») qui peut être atteint en fonction du revenu. On suppose que cette courbe est la même pour les deux individus. Cette fonction est croissante, mais concave, traduisant que le bien-être s’accroît avec le revenu, mais de plus en plus lentement. En termes plus techniques, l’utilité marginale du revenu décroît avec le niveau de revenu. Avant le projet, l’individu 1 a un revenu qui lui permet d’atteindre le point A, alors que l’individu 2, plus pauvre, ne peut atteindre que le point C. Le projet revient à diminuer de 10 000 $ le revenu de l’individu 2 et à accroître celui de l’individu 1 du même montant. Ainsi, avec le projet, l’individu 1 atteint le point B et l’individu 2 ne peut plus atteindre que le point D. Étant donné la concavité de la courbe, on constate que la perte de bien‑être de l’individu 2 est plus importante que le gain de bien-être de l’individu 1. Ainsi, même si le projet maintient le niveau de richesse collective constant, il réduit le bien-être collectif, puisque la somme des utilités des deux individus diminue.
Il faudrait que l’utilité marginale du revenu soit identique et constante pour tous les individus, afin d’être certain qu’un projet qui passe le test de l’ACA (Avantages > Coûts) améliore à coup sûr le bien-être collectif. Si les revenus étaient répartis de manière égalitaire, il serait raisonnable de supposer que l’utilité marginale des individus serait la même. Or, comme ce n’est pas le cas dans la réalité, cela nous amène à formuler une limite importante de l’ACA :
L’ACA se concentre uniquement sur l’efficacité, c’est-à-dire sur l’augmentation de la « richesse collective », sans tenir compte des conséquences du projet en matière d’équité. Cette approche peut conduire à l’acceptation de projets qui réduisent le bien-être collectif ou au rejet de projets qui pourraient l’améliorer.
La réponse traditionnelle à cette critique est que d’autres politiques publiques devraient être mobilisées pour améliorer l’équité. En d’autres termes, il faut adopter les projets qui augmentent la richesse collective, sans se préoccuper des effets redistributifs, et utiliser des instruments adaptés, comme le système de taxation progressif ou les transferts, pour améliorer le bien‑être collectif par la redistribution des revenus.
Cette vision d’un monde où il serait possible de prendre des décisions concernant l’efficacité et l’équité de manière indépendante est un peu naïve. Néanmoins, adopter des projets non rentables uniquement pour des raisons d’équité risque de nous rendre tous « équitablement » pauvres. Nous verrons, dans le chapitre 5, comment il est possible de documenter et de prendre en compte les aspects distributionnels dans la pratique.
1.2.10 Évaluer les impacts pour améliorer l’efficacité, mais sans nécessairement atteindre l’optimum
Une ACA permet de déterminer si la réalisation d’un projet permet ou non d’améliorer l’efficacité par rapport à une situation de référence, mais ne mène pas nécessairement à la solution la plus efficace.
Reprenons l’exemple de la construction d’un barrage sur une rivière pour produire de l’hydroélectricité. Supposons que les avantages et les coûts sociaux varient en fonction de la taille de l’infrastructure, comme à la Figure 1.5. Si l’on connaissait ces courbes, il serait très facile de déterminer la taille optimale du barrage Q*. Il s’agit en effet de la taille qui procure l’avantage social net maximal (soit l’écart entre A et C). Malheureusement, on ne connaît pas ces courbes et les estimer serait sans doute coûteux.
Dans une ACA, on évaluera les coûts et les avantages d’un nombre limité d’options, par exemple, d’un barrage de petite taille (QP), d’un barrage moyen (QM) et d’un grand barrage (QG). Sur cette base, les trois projets produisent un avantage net positif mais c’est le projet QM qui doit être recommandé puisqu’il procure le plus grand avantage net. Cependant, étant donné le nombre limité d’options étudiées, le projet recommandé ne sera pas nécessairement le projet qui maximise l’avantage net. Dans notre exemple, QM est trop petit par rapport à l’optimum Q*.
1.3 D’autres outils d’évaluation économique
Dans cette section, nous décrivons brièvement d’autres outils d’évaluation économique, afin de mieux faire comprendre la spécificité de l’ACA. Certains de ces outils seront exposés plus en détails dans le chapitre 20.
1.3.1 L’analyse financière
L’analyse financière d’un projet consiste à établir les entrées, les sorties et les besoins de financement pendant la durée du projet. Il s’agit aussi de déterminer les modes de financement (emprunts, émissions d’obligations) et à répartir les responsabilités entre les partenaires, soit le montage financier. Il ne s’agit donc pas d’une évaluation des coûts et des avantages sociaux du projet, mais plutôt des coûts et des avantages financiers des partenaires. Cette analyse sert notamment à évaluer la rentabilité privée du projet pour ses partenaires. Les données produites dans le cadre d’une analyse financière sont souvent très utiles pour la réalisation de l’ACA. Pour plus de détails sur cette approche, consultez, par exemple, le chapitre 3 de Jenkins, Kuo et Harberger (2011).
1.3.2 L’évaluation d’impacts
L’évaluation d’impacts (Impact Evaluation) regroupe un ensemble de techniques de nature quantitative qui visent à mesurer l’impact causal d’une intervention publique. Par rapport à l’ACA, l’évaluation d’impacts se concentre souvent sur un nombre limité d’effets et ne les monétarise généralement pas. Par exemple, une évaluation d’impacts peut chercher à déterminer dans quelle mesure la réduction de la taille des classes améliore le rendement scolaire des étudiants ou encore l’effet d’un programme de formation à la recherche d’emploi sur des chômeurs. Dans ce dernier cas, une simple comparaison du taux de placement des chômeurs qui ont suivi la formation avec celui de ceux qui ne l’ont pas suivie peut s’avérer trompeuse, si le groupe des chômeurs formés est différent du reste des chômeurs. Par exemple, si la participation au programme est volontaire, il est probable que les individus qui le suivent seront plus motivés à se trouver un emploi que la moyenne des chômeurs. On surestime ainsi l’efficacité du programme avec une comparaison de moyenne. Il s’agit du problème classique du biais de sélection.
Au cours des dernières décennies, de nombreuses techniques statistiques ont été développées pour quantifier les impacts, en termes physiques, de programmes et d’interventions publiques. Nous n’étudierons pas ces techniques ici, puisqu’elles sont décrites dans d’autres manuels comme ceux de Khandker et al., (2010) ou de Gertler et al, (2016). Bien entendu, les résultats des évaluations d’impacts sont des intrants très utiles pour mener une ACA.
1.3.3 L’analyse d’impacts ou des retombées économiques
L’analyse d’impacts économiques (Economic Impact Analysis) est un ensemble de techniques s’appuyant sur des modèles input/output qui visent à évaluer les effets ou les retombées économiques d’un projet. Il s’agit d’une technique souvent utilisée, notamment au Québec, mais dont l’interprétation est souvent problématique[6].
Les effets peuvent se mesurer en termes d’emplois, de valeurs ajoutées, de recettes fiscales ou d’importations. Les modèles input/output prennent en compte les interactions entre les différents marchés, mais ils supposent que les prix ne sont pas affectés par un projet, ce qui signifie notamment l’absence de toute forme de contraintes sur les ressources disponibles. En d’autres termes, l’économie peut toujours produire davantage, sans coût de renonciation. Il s’agit donc de modèles plus adaptés à un contexte de sous-emploi généralisé.
Les analyses d’impacts ou de retombées ne peuvent pas être utilisées pour déterminer si un projet est socialement rentable.
Ces analyses ne permettent pas de juger de la rentabilité sociale d’un projet, et ce, pour deux raisons principales :
- Les impacts économiques et les retombées mesurées par cette approche ne sont généralement pas additionnels. Par exemple, un programme de subvention gouvernementale pour aider une industrie à se développer créera certes des emplois, de la valeur ajoutée et des effets induits. Cependant, ces impacts ne sont pas additionnels, puisque les fonds ainsi investis pourraient l’être dans un autre projet qui engendrerait lui aussi des retombées économiques. Alternativement, les fonds pourraient être laissés dans les poches des contribuables, augmentant ainsi leur pouvoir d’achat et les retombées économiques qu’ils génèrent[7] ;
- Les impacts économiques, dans cette approche, ne mesurent pas les avantages nets du projet, comme souvent évoqué à tort. En effet, ils comprennent des avantages, des coûts et même des transferts. Par exemple, la valeur ajoutée générée par un projet est souvent présentée comme un élément positif du projet. Néanmoins, rappelons que la valeur ajoutée mesure la différence entre la valeur des ventes d’un secteur et la valeur de sa consommation intermédiaire, soit ses achats d’intrants, excluant le coût du capital et du travail. En d’autres termes, il s’agit de la valeur générée par un secteur pour rémunérer le capital et le travail. Pourtant ces deux facteurs de production ont des coûts de renonciation qui ne sont pas pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée. La valeur ajoutée n’est donc pas une mesure de l’avantage net.
L’analyse d’impacts économiques permet de décrire comment un projet mobilisera différents secteurs de l’économie, mais les impacts ne peuvent pas servir à justifier un projet. En fait, n’importe quel projet, même le plus farfelu ou le plus nuisible, engendre des retombées économiques (Stringer, 1993). Dépenser un milliard de dollars pour creuser un trou, puis le reboucher, engendre des impacts économiques, mais ne créera aucun avantage pour la collectivité. Pire, un ouragan générera aussi des retombées économiques. Nous détaillons davantage le modèle d’impacts économiques dans le chapitre 20, mais l’exemple dans le prochain encadré permet d’illustrer la différence fondamentale entre l’ACA et l’analyse des retombées.
Exemple : les retombées économiques du projet de construction de barrages sur la rivière Romaine
En 2009, le gouvernement du Québec a lancé un projet de construction de quatre barrages et centrales hydroélectriques sur la rivière Romaine. L’électricité produite était, à l’époque, destinée à l’exportation. Ce projet était évalué à 3,5 milliards de dollars, plus 1,29 milliards de dollars pour la construction des lignes de transport. Hydro-Québec prévoyait que ce projet allait générer 3,5 milliards de dollars de retombées économiques, dont 1,4 milliards de dollars sur la Côte-Nord, et permettre la création ou le maintien en emploi de 33 410 années-personnes (Hydro-Québec, 2007).
Il est incontestable que ce projet a engendré des impacts économiques. Cependant, les 4,79 milliards de dollars investis auraient pu l’être dans d’autres projets qui auraient aussi généré des retombées économiques. De plus, ces impacts ne permettent tout simplement pas de juger de la rentabilité sociale de ce projet. La rentabilité sociale du projet aurait dû être évaluée en tenant compte des avantages et des coûts sociaux. Les avantages du projet pour le Québec sont essentiellement les revenus d’exportation de l’électricité, alors que les coûts sociaux comprennent les coûts de construction et d’opération et les impacts environnementaux du projet. Aucune ACA de ce projet n’a été rendue publique pour justifier ce projet[8].
Précisons que les modèles d’équilibre général calculable sont aussi utilisés pour mesurer les impacts économiques. Ces modèles tiennent compte des contraintes sur les ressources et des ajustements de prix. Ils permettent aussi de tenir compte des coûts de renonciation. Ils sont cependant surtout utilisés pour analyser des projets de grandes ampleurs qui entraînent des conséquences macroéconomiques.
1.3.4 L’analyse coût-efficacité et l’analyse coût-utilité
L’analyse coût-efficacité se distingue de l’ACA principalement par deux aspects. Premièrement, ce type d’analyse se concentre généralement sur un ou sur quelques impacts du projet. Elle ne vise donc pas à être exhaustive comme l’ACA. Deuxièmement, si les coûts d’un projet sont monétarisés, le ou les extrants du projet sont mesurés en unités naturelles. Il n’y a donc pas de valorisation monétaire des avantages. Différents types de traitement d’une maladie vont, par exemple, être comparés, en calculant le ratio entre le nombre de patients guéris (mesure d’efficacité) et le coût de chaque traitement, ce qui s’interprète comme le nombre de patients sauvés par million de dollars investi. Cet outil est beaucoup utilisé dans le secteur de la santé.
Un cas particulier de l’analyse coût-efficacité est l’analyse coût-utilité. Cette technique mesure l’efficacité à partir d’un indicateur synthétique appelé « utilité », qui mesure la durée de vie espérée d’une personne pondérée par la qualité de vie. Une année de vie en pleine santé équivaut à 1, alors que la même année en souffrance ne vaudrait, par exemple, que 0,5. L’efficacité de différents médicaments pour traiter une maladie sera ainsi comparée en termes de nombre d’années de la vie, pondéré par la qualité (en anglais, nombre de Quality Adjusted Life Years ou QALY). Nous détaillons ces méthodes dans le Chapitre 20.
1.4 Un bref historique de l’ACA
Sur le plan historique, l’ingénieur et économiste français Jules Dupuis (1804-1866) est sans doute l’un des premiers à avoir mené une ACA, afin de déterminer si la construction d’un pont était socialement justifiée. C’est dans ce contexte qu’il a proposé le concept de « surplus du consommateur », qui est encore utilisé aujourd’hui comme mesure des avantages des consommateurs. Les fondements de la théorie du bien-être et du choix social ont été développés par Pareto (1848-1923), puis par Hicks (1904-1989) et Kaldor (1908-1986). Plus tard, plusieurs méthodes d’évaluation des effets intangibles seront développées, comme la méthode d’évaluation contingente.
Sur le plan de la pratique, des avancées importantes ont été effectuées dans les années 1930 et 1950 aux États-Unis dans le cadre des politiques visant à lutter contre les inondations. La loi sur la lutte contre les inondations de 1936 prévoyait en effet que les mesures d’évitement (par exemple, la construction de digues) devaient procurer plus d’avantages que de coûts.
Malgré de nombreux progrès sur le sujet, il reste encore de nombreuses limites, plusieurs questions en suspens et diverses controverses, à la fois sur les plans théorique et pratique. Par exemple, la prise en compte des effets structurants des infrastructures de transport (Wider Economic Benefits) demeure encore aujourd’hui balbutiante. L’actualisation sur un horizon temporel qui s’étend aux générations futures reste également de nos jours un sujet de controverses et de recherches.
La fiabilité des ACA reste un défi majeur comme le montrent plusieurs études. Sur base de l’analyse de 2062 projets publics dans différents pays et secteurs, Flyvberg et Bester (2021) montre l’existence de biais systématiques de sous-évaluation des coûts et de surestimation des avantages. Pour les coûts, la sous-évaluation moyenne est de l’ordre de 40% alors que la surévaluation des avantages atteint 15%. Dans le secteur des transports, Flyvbjerg et al., (2002) analysent 258 projets d’infrastructures. Ils trouvent que pour 90 % des projets, les coûts étaient sous-évalués, et que la sous-évaluation moyenne approchait 30 %. Par ailleurs, Flyvbjerg (2005) évaluent la fiabilité des prévisions de trafic de plus de 2000 projets de transport, un déterminant important des avantages. Pour des projets qui concernent le transport par rail (trains et métros), 90 % des projets surestiment le trafic, avec une surévaluation moyenne de 50 %. Nous revenons sur cet enjeu aux chapitres 3 et 18. Enfin, même dans les cas où les ACA sont effectuées de manière rigoureuse, leur impact réel sur la prise des décisions des politiciens ne semble pas systématique[9].
1.5 L’ACA dans la pratique
1.5.1 Au Québec
Au Québec, le ministère des Transports réalise régulièrement des ACA. Le Guide de l’analyse avantages-coûts des projets publics en transport fournit des balises et harmonise la valeur de certains paramètres, comme le taux d’actualisation ou la valeur du temps sauvé. Malheureusement, les ACA réalisées ne sont pas systématiquement rendues publiques, ce qui ne permet pas leur évaluation critique ou la détermination de leur impact sur la prise de décision. La pratique dans d’autres organismes est moins systématique et normée.
En 2014, le gouvernement du Québec a adopté la Directive sur la gestion des projets majeurs d’infrastructure publique dans le cadre de la Loi sur les infrastructures publiques (Conseil du trésor du Québec, 2014). Cette directive prévoit la réalisation d’ACA pour les projets de plus de 200 millions de dollars, alors que pour les projets compris entre 50 et 200 millions de dollars, cet exercice n’est pas requis. Il n’est cependant pas très clair que cette directive soit appliquée de manière systématique.
L’ACA s’intègre parfois dans le processus plus large appelé Analyse d’Impact Réglementaire (AIR). Les AIR sont requis depuis 2014 par la Politique gouvernementale sur l’allègement réglementaire et administratif pour la plupart des dispositions (lois, réglementations et plans d’action) qui peuvent entraîner des conséquences sur les entreprises (Gouvernement du Québec, 2014). L’AIR doit comprendre notamment :
- Une description de la problématique, de la solution envisagée et des secteurs touchés ;
- Une analyse quantitative ou qualitative des coûts et des économies pour les entreprises ;
- Une description des autres avantages et inconvénients ;
- Une appréciation des impacts sur l’emploi et la compétitivité.
Pour plus de détails sur les AIR, voir Lamari, Bouchard et Anstett (2015).
1.5.2 Au Canada
Depuis 1999, le gouvernement fédéral exige la réalisation d’ACA pour toute proposition réglementaire fédérale importante. En 2007, le Secrétariat du Conseil du trésor du Canada publie le Guide d’analyse coûts-avantages pour le Canada : proposition de réglementation. Depuis 2018, le processus d’évaluation des règlements fédéraux est encadré par trois textes :
- La Directive du Cabinet sur la réglementation ;
- La Politique sur l’analyse coûts-avantages (Secrétariat du Conseil du trésor du Canada, 2018b);
- Le Guide d’analyse coûts-avantages pour le Canada (Secrétariat du Conseil du trésor du Canada, 2018a).
Un règlement est défini comme « un texte réglementaire pris dans l’exercice d’un pouvoir législatif conféré par une loi du Parlement et qui entraîne l’imposition de sanctions juridiques en cas de violation » (voir la section 1.0 de la Directive).
La politique prévoit que tout projet de règlement qui risque d’engendrer un coût annuel moyen de plus d’un million de dollars doit faire l’objet d’une ACA. Celle-ci doit être rendue publique dans le site Web du ministère concerné, et un résumé doit en être publié dans la Partie I de la Gazette du Canada. Le Guide fournit aux ministères et aux organismes des balises pour effectuer des ACA « de qualité supérieure » (voir le Guide page 2).
1.5.3 Aux États-Unis
Aux États-Unis, la première loi qui requiert de comparer les avantages et les coûts est le Flood Control Act de 1936. Il exige que les travaux de contrôle des crues (barrages et digues) doivent procurer plus d’avantages que de coûts. Le US Army Corps of Engineers a donc contribué à l’application concrète de l’ACA. Plus tard, la section 812 de l’Amendement de 1990 du US Clean Air Act exige la réalisation d’ACA ex post des impacts de cette loi. Les résultats de ces ACA démontrent que les avantages de l’amélioration de la qualité de l’air ont excédé de manière très significative les coûts[10].
En 1981, le président Reagan signe le décret présidentiel 12291, qui précise qu’une action réglementaire ne doit pas être menée, à moins que les avantages sociaux potentiels n’excèdent les coûts sociaux. En 1993, le président Clinton confirme cette disposition, en ajoutant cependant la nécessité de prendre en compte des effets non quantifiables comme les effets sur l’équité. En 2011, le Président Obama a ajouté la nécessité de tenir compte également des impacts sur la dignité humaine et la justice sociale (Posner, 2011). En janvier 2021, l’administration Biden a entrepris une modernisation des dispositions entourant l’évaluation des politiques publiques. Bien que le processus soit toujours en cours, l’objectif semble être désormais de mettre davantage l’accent sur des évaluations qualitatives d’impacts comme l’équité, la dignité humaine, l’égalité raciale ou les intérêts des générations à venir (Nardinelli, 2021).
La pratique des ACA est encadrée par différents guides comme le Guidelines for Preparing Economic Analysis de l’Environmental Protection Agency ou le Benefit-Cost Analysis Guidance for Discretionary Grant Programs du Department of Transportation.
1.5.4 Ailleurs dans le monde
Il est impossible de brosser ici un portrait exhaustif des pratiques et des guides de pratique de l’ACA dans le reste du monde. Le Tableau 1.2 fournit seulement quelques pistes et références importantes dans ce domaine.
Pays ou organisations | Référence |
Royaume-Uni | HM Treasury (2022) |
France | Gostner et Ni (2023)
Baumstark et al. (2013) |
OCDE | Pearce, G. Atkinson et S. Mourato (2006)
Atkinson et al. (2019) |
Commission européenne | Sartori et al. (2014). |
Society for Benefit-Cost Analysis | Organisation dédiée à l’avancement de la théorie et des pratiques de l’ACA. |
1.6 Conclusions
Ce premier chapitre définit, situe et précise les fondements de l’ACA. Plusieurs des concepts abordés dans ce chapitre seront réexaminés plus en profondeur dans la suite du manuel.
Éléments clés à retenir
- L’ACA est un ensemble de techniques fondées sur la théorie microéconomique qui visent à valoriser les coûts et les avantages sociaux d’un projet par rapport à un scénario de référence, afin d’en évaluer la rentabilité sociale.
- Une ACA peut être réalisée de manière ex ante (avant le projet), in media res (pendant le projet) ou ex post (après le projet).
- Cet outil est pertinent pour l’analyse de projets pour lesquels :
- On suspecte que la rentabilité sociale est différente de la rentabilité privée.
- Les impacts se concentrent sur un nombre limité de marchés.
- Dans une ACA, seuls les coûts et les avantages spécifiquement engendrés par le projet sont comptabilisés.
- La valorisation des avantages se fonde sur les notions de consentement à payer (CAP) ou de consentement à recevoir (CAR).
- Les coûts sont évalués comme des coûts de renonciation, c’est-à-dire la valeur à laquelle la société renonce en faisant un choix.
- Les impacts sont évalués en unité monétaire de l’année de référence grâce à l’actualisation.
- Il s’agit d’un outil d’aide à la décision de nature normative. Le critère principal de l’ACA est celui de l’efficacité, soit l’amélioration de la richesse collective. Spécifiquement, le critère d’efficacité est celui d’amélioration potentiellement parétienne ou critère de Kaldor‑Hicks.
- Il est possible que des projets qui passent le test de l’ACA réduisent le bien-être, à cause des effets redistributifs. L’inverse est également possible.
Retour sur la motivation : Quelle méthode d’évaluation économique utiliser?
Imaginez que vous êtes analyste pour une entreprise de conseils économiques et qu’à ce titre vous devez fournir des recommandations sur la pertinence de différents projets et politiques publiques. À titre d’exemple, voici quelques-uns de vos mandats :
- Une municipalité envisage d’investir dans un tramway ;
- Une cimenterie veut évaluer la rentabilité d’un projet de nouvelle usine ;
- Une entreprise pharmaceutique veut convaincre le gouvernement de rembourser son nouveau médicament qui réduit les risques d’infarctus ;
- Le ministère de l’Environnement doit procéder à l’évaluation d’un programme de subvention pour l’achat de véhicules électriques ;
- Un parti politique veut connaître les impacts d’une promesse électorale de réduction des impôts sur le revenu.
L’analyse coût-avantage est-elle appropriée pour tous ces mandats ? Sinon, quels sont les autres outils d’évaluation économique qui pourraient convenir davantage ?
Réponses
Le Tramway
La rentabilité privée (ou financière) du projet et la rentabilité sociale du projet divergent. Par exemple, le tramway pourrait contribuer à réduire la congestion et la pollution. La municipalité souhaite vraisemblablement évaluer la rentabilité sociale du projet.
De plus, bien que ce soit un projet d’envergure, il est peu probable qu’il entraîne des répercussions significatives sur l’ensemble de l’économie. Ce projet se prête donc très bien à une ACA.
Cimenterie
Ce mandat correspond à une analyse de rentabilité privée. Celle-ci pourrait prendre en compte les impacts sociaux, tels que la pollution, mais seulement dans la mesure où ils ont un impact sur la rentabilité privée du projet.
Nouveau médicament
Une ACA pourrait être pertinente pour convaincre le gouvernement, mais une analyse coût-efficacité ou coût-utilité serait probablement plus appropriée.
Subvention voiture électrique
Ce programme pourrait faire l’objet d’une ACA, car le ministère souhaite connaître l’impact social du programme, pas seulement son impact financier sur le budget de l’État. De plus, ce programme devrait avoir des répercussions dans un nombre restreint de marchés.
Réduction des impôts sur le revenu
Il s’agit d’une mesure qui entraînera des conséquences macroéconomiques. Une ACA n’est donc pas adaptée, il est préférable d’utiliser un modèle macroéconomique.
Exercices
(*) Indique que la solution est disponible.
(**) Indique que la solution est disponible en mode restreint.
- Une ville veut construire une piste cyclable le long d’une rue commerçante, ce qui exigera d’éliminer des places de stationnements. En considérant l’impact sur les cyclistes et sur les commerçants, expliquez le concept de « critère de Kaldor-Hicks ».
- (**) Une municipalité doit décider si elle rénove sa piscine extérieure ou en construit une nouvelle et plus grande sur le même terrain. Dans le format actuel, on a estimé que l’avantage des utilisateurs, évalué pour la durée de vie de l’infrastructure, est de 1 million de dollars. La municipalité espère accroître de 50 % cet avantage, grâce à la construction d’une plus grande piscine. La rénovation de la piscine coûterait 350 000 $, alors que la construction d’une nouvelle piscine coûterait 1 million de dollars. Les coûts d’opération et d’entretien de la piscine rénovée se montent à 250 000 $, et ceux d’une nouvelle piscine à 300 000 $. La municipalité doit aussi rénover le stationnement devant la piscine, au coût de 50 000 $.
À partir de ces informations, effectuez une ACA de la décision de construire une nouvelle piscine par rapport à la rénovation de la piscine existante. Présentez vos résultats sous forme d’avantages et de coûts additionnels pour la nouvelle piscine comparativement à la rénovation.
Comment votre recommandation changerait si le gouvernement provincial acceptait de payer 40 % des coûts d’infrastructure (soit les coûts de la construction ou ceux de la rénovation) ?
- (*) À partir d’un graphique et d’un projet impliquant deux personnes, élaborer l’exemple d’un projet qui réduirait la richesse collective, mais qui accroîtrait le bien-être collectif.
Bibliographie
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- Une réglementation qui imposerait la réalisation d’ACA pour les projets publics aurait pour conséquence d’accroître la demande d’ACA, ce qui pourrait se traduire éventuellement par une hausse du « prix » de ces analyses, dépendamment de l’ajustement de l’offre. ↵
- Voir le chapitre 4 de Atkinson et al., (2019) pour plus de détails sur cet enjeu. ↵
- Ce terme doit être interprété dans un sens plus large que la richesse purement financière, puisque l’ACA prend en compte les effets intangibles comme la dégradation de la qualité de l’air. ↵
- Le critère de Pareto suppose l’unanimité. En effet, d’après ce critère, un projet devrait être adopté s’il ne nuit à personne et qu’il améliore le sort d’au moins une personne. On comprend qu’il serait difficile de prendre des décisions collectives en s’appuyant sur un critère si exigeant. ↵
- Il s’agit de l’approche utilitariste de Bentham. ↵
- L’Institut de la Statistique du Québec a créé et utilise abondamment le modèle intersectoriel du Québec (MISQ), un modèle de type input/output (voir le chapitre 20 pour plus de détails). ↵
- Certains projets créent en effet des impacts additionnels par exemple, des touristes étrangers attirés par un festival ou un investissement étranger dans une nouvelle usine (voir le chapitre 12). ↵
- Dans le cadre du processus d’évaluation environnementale du BAPE, Hydro-Québec a produit une étude d’impacts sur l’environnement qui comprend une description des impacts environnementaux, une analyse de rentabilité financière et une étude d’impacts économiques. ↵
- Voir à ce propos J. Eliasson, M. Borjesson, O. James et W. Morten (2015). Pour une vision plus positive de l’impact des ACA sur les décisions réelles aux États-Unis, voir Sunstein (2018). ↵
- Ainsi, l’application de la loi de 1970 à 1990 aurait coûté 523 milliards de dollars, mais aurait généré des avantages, notamment en termes de santé et de qualité de l’environnement, avantages évalués à 22 000 milliards de dollars (U.S. Environmental Protection Agency, 1997). ↵
Le critère de Pareto est un principe en économie et en théorie de la décision voulant qu’une allocation des ressources soit considérée comme une amélioration de Pareto, ou efficiente au sens de Pareto, si elle permet d’augmenter le bien-être d’au moins un individu, sans réduire celui d’aucun autre. En d’autres termes, pour qu’un projet soit considéré comme souhaitable d’après ce critère, il doit améliorer la situation d’au moins une personne, sans en désavantager d’autres. Ce critère est utilisé pour évaluer les modifications dans l’allocation des ressources qui conduisent à des gains en efficacité, sans créer de perdants.
Le surplus du consommateur (SC) représente la somme des différences entre le consentement maximal à payer, tel que mesuré par la courbe de la demande, et le prix effectivement payé pour se procurer un bien ou un service. Autrement dit, il quantifie la différence entre le montant total que les consommateurs seraient prêts à payer (CAP) et ce qu’ils dépensent réellement (la dépense). Cela reflète les gains obtenus par les consommateurs grâce à l'échange sur le marché, soit leur avantage net.
Méthode consistant à demander directement à un échantillon représentatif de la population concernée d’évaluer leur consentement à payer maximal (CAP) ou le consentement à recevoir minimal (CAR) pour un changement dans un bien non marchand.
Durée pendant laquelle les coûts et les avantages d’un projet sont comptabilisés. Il s’agit souvent d’une question complexe à laquelle se mêlent des considérations d’ordres technique et pragmatique. Généralement, adopter un horizon court assure une meilleure fiabilité des prévisions, mais avec le risque d’ignorer les effets à plus long terme.