8 Les taxes, les subventions et les impacts sur les coûts

Motivation et objectifs d’apprentissage

Pour réduire les émissions de CO2, de nombreux gouvernements offrent des subventions à l’achat de véhicules électriques. Vous devez effectuer une ACA d’un tel programme. Faut-il considérer le montant de la subvention comme un avantage, un coût ou un transfert ? Et comment cette réduction de prix affectera-t-elle le nombre de véhicules électriques vendus ? Une fois de plus, vous réalisez qu’il est nécessaire de construire un cadre d’analyse adéquat pour mener à bien votre ACA.

La fiscalité est l’un des outils puissants à la disposition des pouvoirs publics. Les impôts et les taxes permettent de financer les activités de l’État, de modifier la répartition des revenus et de stabiliser l’économie. Cependant, la fiscalité est également utilisée pour améliorer l’efficacité, en taxant davantage certains produits, afin de décourager leur utilisation (par exemple, le tabac et les pesticides), ou, au contraire, en offrant des avantages fiscaux pour favoriser la consommation ou la production d’autres biens et services (comme l’exonération de la taxe de vente sur les livres ou le crédit d’impôt pour les industries de haute technologie). Les subventions sont également employées régulièrement pour attirer des investissements dans certains secteurs. Ainsi, de nombreux gouvernements proposent des subventions pour des projets de création d’usines dans des secteurs émergents, tel celui des batteries pour les véhicules électriques.

Comme nous l’avons vu au chapitre 1, l’ACA n’est pas un outil approprié pour analyser des mesures fiscales générales, comme une réduction de la taxe de vente. En revanche, il est possible d’utiliser l’ACA pour des mesures fiscales ciblées touchant un nombre limité de biens ou de services.

La valorisation des impacts dans l’ACA doit également tenir compte de la fiscalité existante. Faut-il valoriser un bien produit par un projet à son prix hors taxe ou à son prix toutes taxes comprises ?

À la fin de ce chapitre, vous serez en mesure de créer un cadre d’analyse pour l’ACA d’un projet qui :

  1. Impose une nouvelle taxe ciblée ;
  2. Instaure une subvention ou un avantage fiscal particulier ;
  3. Accroît l’offre sur un marché déjà soumis à une taxe ou à une subvention ;
  4. Modifie les coûts d’exploitation dans un marché.
La dernière section peut sembler s’éloigner du thème de la fiscalité. Cependant, l’impact d’un projet sur les coûts d’exploitation s’analyse techniquement de la même manière que l’incidence d’une taxe ou d’une subvention, ce qui justifie son inclusion dans ce chapitre.

8.1 L’imposition d’une nouvelle taxe

La fiscalité peut constituer un outil pour améliorer l’efficacité dans des marchés défaillants (par exemple, les écotaxes) ou pour influencer positivement les choix de certains acteurs économiques qui sont affectés par des biais cognitifs (par exemple, l’exonération fiscale de l’épargne ou une taxe sur les boissons sucrées). Cependant, il est important de noter que les taxes sont souvent créées par un gouvernement pour répondre à ses besoins de financement, ce qui peut entraîner des distorsions, comme nous le montrerons dans les prochaines sections.

8.1.1 L’introduction d’une taxe unitaire

Une taxe unitaire correspond à un prélèvement fixe et obligatoire perçu sur chaque unité, comme la taxe d’accise de 10 cents le litre d’essence imposée par le gouvernement canadien. D’un point de vue administratif, une taxe peut être prélevée, soit auprès des acheteurs (taxe sur les achats), soit auprès des vendeurs (taxe sur les ventes). Cependant, sur le plan économique, les effets demeurent les mêmes : une taxe unitaire de t $ crée un écart (tax wedge) entre le prix d’achat payé par les acheteurs Pa, soit le prix comprenant la taxe et le prix de vente reçu par les producteurs Pv, soit le prix hors taxe, avec Pa = Pv + t, comme l’illustre la Figure 8.1. Par exemple, un conducteur paie 1,60 $ le litre d’essence, alors que le vendeur n’en reçoit que 1 $, la différence étant perçue par l’État sous forme de différentes taxes.

Figure 8.1 Écart entre le prix comprenant la taxe et le prix hors taxes

Afin de comprendre les effets d’une taxe sur les différents intervenants d’un marché ainsi que sur le bien-être collectif, examinons un exemple simple. Un bien vendu dans un marché concurrentiel est jusqu’à maintenant exempt de taxe. La Figure 8.2 illustre l’offre et la demande du marché concurrentiel. L’élasticité-prix de la demande est évaluée à 1,50, et celle de l’offre à 3. Le gouvernement envisage le projet d’imposer une taxe de 30 $ l’unité. Comment effectuer une ACA des impacts de ce projet ?

Dans cet exemple, les scénarios sont les suivants :

  • Le scénario de référence correspond à l’absence de taxe, avec l’équilibre du marché à P = 60 $ et Q = 40 000 $, soit le point c sur la Figure 8.2.
  • Le scénario avec le projet correspond à l’instauration de la nouvelle taxe de 30 $/unité. Il faut donc déterminer comment l’équilibre sur le marché se modifiera. Les producteurs vont-ils transmettre la taxe aux consommateurs ou vont-ils en absorber une partie ? Pour répondre à cette question, nous devons prévoir quel sera l’équilibre du marché lorsque la taxe est imposée.

La taxe crée un écart de 30 $ entre le prix payé par les acheteurs Pa et le prix reçu par les vendeurs Pv. Comme Pa sera plus élevé que le prix initial sans taxe, le nouvel équilibre se situe à gauche de l’équilibre initial sans taxe, au point où la distance verticale entre la courbe de la demande et la courbe de l’offre correspond à t = 30 $, soit l’écart entre les points b et d sur la Figure 8.2. En se référant à cette figure, nous pouvons anticiper un équilibre dans le scénario comportant la taxe. On constate que Pa = 80 $ et Pv = 50 $, et que la quantité échangée diminue à 20 000 unités. Dans cet exemple, les deux tiers de la taxe se répercutent sur les consommateurs, car le prix qu’ils paient augmente de 20 $, alors que les producteurs absorbent le tiers restant en réduisant leur prix de 10 $.

Figure 8.2 Les impacts d’une taxe sur un marché concurrentiel

Il est maintenant possible d’effectuer l’ACA de ce projet à partir de l’approche par partie. Les parties prenantes sont les consommateurs, les producteurs et l’État. Les changements dans les surplus sont les suivants :

  • Les consommateurs subissent une baisse de leur surplus, à cause de la hausse du prix (surface abcf) ;
  • Les producteurs voient aussi leur surplus baisser, suite à la baisse du prix de vente (surface fcde) ;
  • L’État voit ses revenus s’accroître du montant de la taxe récoltée (surface abde).

L’effet net correspond à la perte sèche, mesurée par la surface du triangle bcd. Certains gains à l’échange ne peuvent plus se réaliser, à cause de la taxe.

L’approche sociale confirme ce résultat :

  • Le coût social de la réduction de la production s’évalue par la surface bchg.
  • La valeur sociale des ressources épargnées s’évalue par la surface dchg.

Les valeurs numériques sont reproduites dans le Tableau 8.1.

Tableau 8.1 Les résultats de l’ACA de l’imposition d’une taxe
Approche par partie Effet net
Consommateurs -600 000
Producteurs -300 000
État +600 000
Effet total = -300 000$
Approche sociale Valeur
Valeur sociale du changement de la quantité échangée -1 400 000
Valeur sociale des ressources libérées +1 100 000
Coût social des ressources mobilisées 0
Effet total = -300 000$

8.1.2 L’incidence d’une taxe unitaire

Dans l’exemple précédant, nous avons déterminé les prix à l’équilibre avec la taxe, en utilisant les courbes de la demande et de l’offre de la Figure 8.2. Toutefois, il est rare que l’analyste ait l’occasion d’observer directement ces courbes ; plus fréquemment, il doit s’appuyer sur les estimations des élasticités-prix de la demande et de l’offre. Heureusement, il est possible d’anticiper la réaction du marché, en utilisant ces deux paramètres.

En fait, une taxe peut s’analyser comme une hausse des coûts de production de $, soit comme un choc vertical de la courbe de l’offre, qui est exprimée en fonction du prix taxe incluse. Dans ce contexte, il est possible d’appliquer la formule appropriée du Tableau 4.2 de la section 4 du chapitre 4. En guise de rappel, cette formule permet de prévoir la hausse du prix taxe incluse, suite à l’instauration de la taxe unitaire de $ :

[latex]\Delta p\% = + \left( \frac{t}{P_0} \right) \times \left( \frac{\eta_O}{\eta_D + \eta_O} \right)[/latex]

En manipulation quelque peu cette formule et en tenant compte du fait que Pv = Pa – t, il est possible d’obtenir les formules d’incidence de la taxe, c’est-à-dire la répartition du fardeau fiscal entre les consommateurs et les producteurs.

L’incidence d’une taxe dans un marché concurrentiel se détermine comme suit[1] :
  • Le pourcentage de la taxe payée par les consommateurs est égal à [latex]\frac{\eta_O}{\eta_D + \eta_O} \%[/latex] ;
  • Le pourcentage de la taxe payée par les producteurs est égal à [latex]\frac{\eta_D}{\eta_D + \eta_O} \%[/latex].

L’incidence est donc déterminée par l’importance relative de l’élasticité-prix de la demande et de l’offre. L’intuition est assez simple : une demande élastique signifie que les consommateurs peuvent facilement se tourner vers des substituts ou se passer du produit. Ainsi, plus la demande est élastique et plus il est difficile de transmettre la taxe aux consommateurs. De la même manière, une offre élastique implique que les producteurs ont d’autres options, comme celle de vendre leur produit dans d’autres marchés, de sorte qu’ils seront peu enclins à absorber une partie de la taxe. La Figure 8.3 panel A montre le cas extrême d’une demande parfaitement élastique dans laquelle les producteurs doivent absorber entièrement la taxe, et le panel B, le cas d’une offre parfaitement élastique qui aboutit à une transmission parfaite de la taxe aux acheteurs.

Figure 8.3 Impact des élasticités prix de l’offre et de la demande sur l’incidence
En appliquant cette règle à notre exemple, on constate en effet que la part de la taxe transmise aux consommateurs est de 66 %, soit 3/(1,5 + 3), alors que la part absorbée par les producteurs s’élève à 33 %, soit 1,5/(1,5 + 3). Cela permet donc de déterminer l’équilibre avec la taxe, sans avoir à disposition les courbes entières de l’offre et de la demande. Les prix à l’équilibre avec la taxe Pa = 60 $ + 0,66 x 30 $ = 80 $ et Pv = 60 $ – 0,33 x 30 $ = 50 $. On peut ensuite déterminer la quantité à l’équilibre, à partir de l’élasticité de la demande (1,5) et de la variation en pourcentage du prix que les consommateurs subissent (+ 33 %), ce qui donne une réduction de la quantité de 50 %, soit (1,5 x 33 %)[2].

8.1.3 Une taxe ad valorem

Une taxe sur un bien ou sur un service peut également être exprimée en pourcentage du prix de vente, comme c’est le cas pour la TPS ou la TVQ. On parle alors d’une taxe ad valorem. Examinons cette situation à partir d’un exemple. Le prix d’équilibre dans un marché concurrentiel est de 50 $ la tonne, et la quantité échangée est de 130 000 tonnes par année. Le gouvernement envisage d’imposer une taxe de 20 % sur ce marché. Selon une revue des connaissances, les élasticités-prix de la demande et de l’offre dans ce marché sont unitaires. Comment déterminer les impacts de cette taxe ?

Les formules pour évaluer l’incidence restent applicables. Nous pouvons donc anticiper que, dans cet exemple, les consommateurs et les producteurs absorberont chacun la moitié du fardeau fiscal. Cependant, cette information n’est pas suffisante pour déterminer précisément les impacts sur les consommateurs, sur les producteurs et sur l’État. En effet, le montant de la taxe sur chaque unité à l’équilibre n’est pas connu. Dans ce contexte, il est nécessaire d’évaluer la courbe de l’offre et de la demande, afin de déterminer le prix avant taxe, le prix avec taxe ainsi que le montant de la taxe à l’équilibre.

En l’absence de ces informations, il est néanmoins possible d’approximer les impacts en calculant approximativement le montant de la taxe à partir du prix initial (avant l’imposition de la taxe). Dans notre exemple, cela équivaut à 20 % de 50 $, soit 10 $. Nous analysons donc la situation en supposant qu’elle correspond à l’imposition d’une taxe unitaire de 10 $. Par conséquent, le prix avec taxe sera de 50 $ + 1/2 x 10 $ = 55 $, et le prix avant taxe sera, lui, de 50 $ – 1/2 x 10 $ = 45 $. La quantité échangée diminuera d’environ 10 %, passant à 117 000 tonnes, car le prix avec taxe a augmenté de 10 %.

Cependant, il s’agit d’une approximation, car si le prix hors taxe est de 45 $, le montant de la taxe ne sera pas de 10 $, tel que supposé, mais seulement de 9 $, soit 20 % de 45 $. L’approximation est d’autant plus précise que les producteurs absorbent une faible part de la taxe, ce qui signifie que l’élasticité de la demande est faible par rapport à celle de l’offre.

Si les courbes de l’offre et de la demande sont connues, il est alors possible de déterminer précisément l’impact du projet. Une dérivation précise des impacts est présentée à l’annexe 1 de ce chapitre.

8.2 Les subventions

Les subventions sont des outils d’intervention abondamment utilisés par les pouvoirs publics dans l’économie ; elles peuvent prendre diverses formes et dénominations. Au Canada, en 2019, les subventions locales, provinciales et fédérales directes aux entreprises privées et gouvernementales se seraient élevées à environ 36 milliards en dollars de 2020 (Hill et Emes, 2023). Ce montant exclut les crédits d’impôt.

L’octroi de subventions peut être justifié par des arguments économiques, tels que la présence d’externalités positives, la volonté d’améliorer l’équité ou de lutter contre la pauvreté. Les subventions servent parfois de solutions imparfaites, mais plus aisément acceptables sur le plan politique pour contrer une externalité négative. Il est en effet plus facile politiquement de subventionner les transports en commun pour réduire les émissions de gaz à effet de serre que d’augmenter les taxes sur l’essence. Les subventions répondent également à des enjeux politiques, tel que la volonté de gagner des soutiens électoraux ou de répondre à des demandes de groupes de pression (voir le chapitre 3).

En pratique, on peut distinguer les subventions à la production et les subventions à la consommation. Elles peuvent revêtir une forme directe, impliquant un transfert de fonds (par exemple, subventionner la construction d’une usine), ou indirecte, prenant l’aspect d’un avantage fiscal (comme des crédits d’impôt pour la recherche et l’innovation ou une exonération de la taxe de vente). De plus, elles peuvent être calculées en fonction de divers éléments, tels que le niveau de production ou de consommation, les revenus, la quantité d’intrants utilisée ou les investissements en immobilisations. Les subventions peuvent également se présenter sous la forme d’un transfert du risque à l’État, comme une garantie de prêt ou un revenu garanti. Le Tableau 8.2 propose une classification des aides ; elle s’inspire de celle présentée par l’OCDE (2022).

Tableau 8.2 Typologie des subventions
Déterminant de l’aide Direct Indirect
Production
  • Subside par unité produite (subside à la production d’énergie solaire, subvention aux travaux d’aménagement forestier)
  • Prix réglementé (prix garanti à l’achat d’électricité des éoliennes)
  • Crédits d’impôt à la production (industrie culturelle ou agricole)
Achat
  • Subvention à l’achat (rabais à l’achat de véhicules électriques)
  • Bourses d’études
  • Crédit d’impôt (crédit d’impôt aux rénovations éco-énergétiques, taux d’intérêt réduit pour les prêts étudiants)
Revenu de l’entreprise
  • Subvention à l’exploitation
  • Réduction d’impôt sur les revenus d’entreprise
Coûts d’un intrant intermédiaire (quantité ou valeur)
  • Tarif préférentiel (tarif préférentiel d’électricité)
  • Exemption de taxe (exemption de la taxe sur le CO2)
Main-d’œuvre
  • Subvention salariale
  • Crédit d’impôt sur la masse salariale
Capital
  • Subvention directe à l’achat de capital (subvention pour la construction d’une nouvelle usine)
  • Crédit d’impôt à l’investissement
Savoir
  • Subvention des activités de R&D
  • Crédit d’impôt à la R&D
Transfert de risques
  • Prix ou revenu garanti (soutien à l’agriculture). Prêt garanti.

8.2.1 Les subventions unitaires

Les subventions unitaires consistent à octroyer un montant fixe par unité aux acheteurs ou aux producteurs. Les impacts économiques sont les mêmes, peu importe à qui la subvention est versée et ils s’analysent comme ceux d’une taxe unitaire.

Une subvention unitaire de s $ par unité crée un écart entre le prix payé par les acheteurs (Pa) et le prix reçu par le vendeur (Pv). Cependant, à la différence de la taxe, dans ce cas, c’est Pa qui est inférieur à Pv, avec Pa = Pvs (voir la Figure 8.4).

Figure 8.4 L’impact d’un subside sur les prix

À titre d’exemple, le gouvernement du Québec propose un rabais pouvant atteindre 8 000 $ aux acheteurs de véhicules électriques, alors que le gouvernement fédéral offre une subvention allant jusqu’à 5 000 $. Ainsi, une Nissan Leaf vendue par un concessionnaire au prix de 41 898 $ ne coûtera à l’acheteur que 28 898 $, puisque la différence est prise en charge par les subventions, c’est-à-dire par l’ensemble des contribuables.

Tout comme pour les taxes, l’incidence d’une subvention dépend de l’élasticité-prix de l’offre et de la demande :

  • Le pourcentage d’une subvention qui bénéficie aux consommateurs sous forme d’une réduction du prix d’achat (Pa) est égal à [latex]\frac{\eta_O}{\eta_D + \eta_O} \%[/latex] ;
  • Le pourcentage d’une subvention qui bénéficie aux producteurs sous forme d’une hausse du prix de vente (Pv) est égal à [latex]\frac{\eta_D}{\eta_D + \eta_O} \%[/latex].

Les exercices 4 et 5 illustrent en détail l’ACA de la mise en place d’une subvention. Lors de l’évaluation des programmes de subvention, les pouvoirs publics en documentent le taux d’opportunisme. Ce taux mesure « la fraction des participants à un programme qui reçoivent une aide financière et qui implanteraient les actions dont le programme fait la promotion même en l’absence de cette aide financière » (MELCC, 2022, page 2). Un faible taux d’opportunisme est associé à une plus grande efficacité du programme à promouvoir l’action visée et, par conséquent, les avantages recherchés (par exemple, la réduction des GES pour un programme d’aide à l’achat de véhicules électriques). Néanmoins, un faible taux d’opportunisme entraîne également une perte sèche plus conséquente sur le marché. En effet, les individus qui ne participent au marché que lorsqu’une subvention est présente ont un consentement à payer pour le bien qui est inférieur à son coût, générant ainsi une perte sèche.

Le Chapitre 22 présente une étude de cas sur l’application de l’ACA aux crédits d’impôt, visant à encourager les tournages de films et d’émissions de télévision étrangers au Canada.

8.2.2 Les autres formes de subventions

Les subventions à l’achat ou à la vente peuvent également être exprimées en pourcentage du prix. L’analyse de ces subventions s’effectue de la même manière que celle des taxes ad valorem.

Les tarifs préférentiels, par exemple, pour l’achat d’un intrant comme l’électricité, peuvent être analysés comme une réduction du coût marginal de production sur le marché du produit final qui bénéficie de ce tarif. Cependant, il est également possible d’analyser les impacts de ces tarifs sur le marché de l’intrant lui-même. Cette situation correspond à l’analyse d’une subvention unitaire (ou ad valorem) mais qui n’est accessible qu’à certains acheteurs. Dans ce cas, il est nécessaire d’analyser l’impact sur les clients subventionnés ainsi que sur ceux qui n’ont pas accès au tarif préférentiel.

Les subventions en capital, avec lesquelles les pouvoirs publics financent une partie de d’un investissement privé, comme la construction d’une nouvelle usine, sont analysées en déterminant les impacts sur le marché du produit final concerné. Il est essentiel de prendre en compte l’impact sur les acheteurs, sur les autres producteurs, sur l’État et les autres parties prenantes touchées (voir la section 7.3). Ce type de projet peut également entraîner des conséquences sur l’équilibre du marché d’un intrant spécialisé (par exemple, sur le marché des informaticiens), lesquelles doivent éventuellement être prises en compte dans l’évaluation des coûts du projet (voir le Chapitre 11, la section 1).

8.3 La vente d’un bien taxé ou subventionné

Si un projet ajoute de l’offre à un bien qui est vendu sur un marché concurrentiel sur lequel il existe déjà une taxe unitaire, faut-il valoriser la production du projet au prix hors taxe, au prix avec taxe ou faut-il utiliser un autre prix de référence ?

Dans cette section, nous présentons directement la règle de pratique à utiliser et le motif derrière celle-ci. L’annexe 2 déduit la règle de pratique sur base d’un exemple.

Nous avons appris, à la section 3 du Chapitre 7, que lorsqu’un projet ajoute de l’offre sur un marché concurrentiel, le prix d’équilibre va généralement baisser, et la quantité échangée s’accroître. Toutefois, nous avons également constaté que l’augmentation de la quantité échangée sera probablement moins importante que la quantité fournie par le projet, étant donné que la réduction du prix d’équilibre provoque un évincement des producteurs déjà établis. En d’autres termes, une partie de la production du projet répond à de nouveaux clients, mais une partie ne fait que déplacer de l’activité économique. En guise de rappel, la Figure 8.5 illustre ces deux effets dans le cas de la nouvelle cimenterie étudié à la section 7.3. Le projet ajoute une quantité k = 4 millions de tonnes de ciment sur le marché, ce qui provoque une baisse du prix de 160 $ à 120 $. La quantité échangée n’augmente cependant que d’un million de tonnes, puisque les usines déjà établies réduisent leur production de 3 millions de tonnes.

Figure 8.5 Valorisation d’un ajout à l’offre

Nous avons également constaté, au chapitre 7, que la valorisation de la quantité additionnelle échangée (de 6 à 7 millions de tonnes) doit s’effectuer sur la courbe de la demande, soit avec le consentement maximal à payer pour ces unités supplémentaires. En revanche, la quantité évincée engendre une réduction des ressources mobilisées qui se valorise sur la courbe de l’offre initiale.

Par ailleurs, nous savons qu’une taxe crée un écart entre le prix toutes taxes incluses (sur la demande) et le prix hors taxe (sur la courbe de l’offre). Ainsi, lorsqu’un projet ajoute à l’offre dans un marché où une taxe existe, la quantité additionnelle échangée sur le marché doit être valorisée sur la demande, donc au prix avec taxe. En revanche, la quantité évincée par le projet libère des ressources dont la valorisation doit s’effectuer sur la courbe de l’offre, donc au prix hors taxe. La règle de pratique est donc la suivante[3] :

Règle de pratique : la valorisation de la production d’un projet en présence d’une taxe

La valeur sociale de la production mise en marché par un projet dans un marché concurrentiel où une taxe unitaire existe doit s’effectuer au prix de référence suivant :

[latex]p_r = \omega_D \bar{p_a} + \omega_O \bar{p_v}[/latex]

Avec :

  • [latex]\bar{p_a}[/latex] : la moyenne des prix payés par les acheteurs avant et après le projet (c’est-à-dire, avec taxe incluse) ;
  • [latex]\bar{p_v}[/latex] : la moyenne des prix reçus par les vendeurs avant et après le projet (c’est-à-dire hors taxes) ;
  • [latex]\omega_D[/latex] : la part de la production du projet qui sert des clients additionnels ;
  • [latex]\omega_O[/latex] : la part de la production du projet qui se substitue à la production par les producteurs déjà établis.

De plus, on peut estimer les poids [latex]\omega[/latex] à partir des élasticités-prix :

[latex]\omega_D = \frac{\eta_D}{\eta_D + \eta_O}[/latex] et [latex]\omega_O = \frac{\eta_O}{\eta_D + \eta_O}[/latex]

La détermination des prix dans le scénario avec le projet peut se réaliser de manière approximative, en utilisant les mêmes formules que celles présentées au chapitre 7.

Si l’impact anticipé du projet sur les prix d’équilibre est faible par rapport à l’écart créé par la taxe, la valorisation peut s’approximer comme suit :

[latex]p_r = \omega_D p_a + \omega_O p_v[/latex]

Avec :

  • [latex]p_a[/latex] : le prix (taxe incluse) payé par les acheteurs avant le projet ;
  • [latex]p_v[/latex] : le prix (hors taxe) reçu par les vendeurs avant le projet.

En d’autres termes, on ignore les changements dans les prix causés par le projet, mais dans la valorisation, on tient compte de l’écart créé par la taxe.

Dans le contexte de l’approche sociale, la valeur ainsi calculée prend en compte la valeur brute de la production additionnelle ainsi que la valeur des ressources économisées à cause de l’évincement des producteurs déjà établis. Dans l’approche par partie, l’effet mesuré correspond à l’impact sur les consommateurs, sur les producteurs déjà établis, sur les recettes fiscales, de même que sur les recettes du nouveau producteur.

Dans le cas d’un marché pour lequel il existe une subvention, la production du projet qui sert des acheteurs additionnels se valorise au prix payé par les acheteurs, c’est-à-dire au prix net du montant de la subvention. En revanche, la partie du projet qui remplace la production des vendeurs déjà établis se valorise au prix reçu par les vendeurs, qui comprend donc la subvention. La règle de pratique dans ce cas est détaillée dans l’encadré ci-dessous.

Règle de pratique : la valorisation de la production d’un projet en présence d’une subvention

La valorisation sociale de la production d’un projet qui contribue à l’offre dans un marché concurrentiel pour lequel il existe une subvention unitaire s’effectue au prix de référence suivant :

[latex]p_r = \omega_D \bar{p_a} + \omega_O \bar{p_v}[/latex]

Avec :

  • [latex]\bar{p_a}[/latex] : la moyenne des prix payés par les acheteurs avant et après le projet (c’est-à-dire nets de la subvention) ;
  • [latex]\bar{p_v}[/latex] : la moyenne des prix reçus par les vendeurs avant et après le projet (c’est-à-dire comprenant la subvention) ;
  • [latex]\omega_D[/latex] : la part de la production du projet qui sert des clients additionnels ;
  • [latex]\omega_O[/latex] : la part de la production du projet qui se substitue à la production par les producteurs déjà établis.

De plus, on peut estimer les poids à partir des élasticités-prix :

[latex]\omega_D = \frac{\eta_D}{\eta_D + \eta_O}[/latex] et [latex]\omega_O = \frac{\eta_O}{\eta_D + \eta_O}[/latex]

La détermination des prix dans le scénario avec le projet peut s’effectuer de manière approximative avec les mêmes formules que celles du chapitre 7. L’évaluation est cependant moins précise dans ce cas.

Si l’impact anticipé du projet sur les prix d’équilibre est faible par rapport à l’écart créé par la taxe, la valorisation approximative peut se simplifier comme suit :

[latex]p_r = \omega_D p_a + \omega_O p_v[/latex]

Avec :

  • [latex]p_a[/latex] : le prix payé par les acheteurs avant le projet (net de la subvention) ;
  • [latex]p_v[/latex] : le prix reçu par les vendeurs avant le projet (comprenant la subvention).

En d’autres termes, on ignore les changements de prix causés par le projet, mais dans la valorisation, on tient compte de l’écart créé par la subvention.

Dans le contexte de l’approche sociale, la valeur ainsi calculée comprend la valeur brute de la production additionnelle et la valeur des ressources économisées à cause de l’évincement des producteurs déjà établis par le projet. Dans l’approche par partie, l’effet mesuré correspond à l’impact sur les consommateurs, sur les producteurs déjà établis, sur les recettes fiscales de la subvention et sur les revenus du nouveau producteur.

Exemple

Les producteurs d’éthanol reçoivent une subvention de 10 cents/litre. On suppose que le marché est concurrentiel. Le prix de vente pour les acheteurs du marché est de 0,5 $/litre, et la quantité échangée est de 50 milliards de litres. L’élasticité-prix de la demande est évaluée à 0,5, alors de l’élasticité-prix de l’offre est de 1. Les autorités doivent approuver ou non la construction d’une nouvelle usine de production d’éthanol qui ajouterait 1 milliard de litres annuellement. Déterminez la valeur sociale de la production de cette nouvelle usine.

Résolution

Scénario de référence

Le projet ajoute 2 % de la quantité actuelle (1/50). L’impact sur les prix d’équilibre devrait alors être de -1,30 %, soit 2 % divisé par la somme des élasticités. Nous ignorerons cet impact, qui est plutôt faible. Par ailleurs, nous estimons que 33 % de la production additionnelle servira de nouveaux clients, puisque [latex]\omega_D[/latex] = 0,50/1,50 et que 66 % évince la production des usines déjà établies. La valorisation se fait alors au prix de référence suivant :

[latex]p_r = 0,33 \times 0,50 + 0,66 \times 0,60 = 0,561\$/\text{litre}[/latex]

La valeur de production du projet est donc de 561 millions $/an.

L’ACA complète de ce projet devrait également tenir compte des coûts des ressources mobilisées par le projet et des changements éventuels dans les effets externes causés par le projet comme la réduction des GES.

8.4 Le projet a un impact sur les coûts

Au chapitre 5, nous avons examiné des projets ayant un impact sur le coût marginal de production d’une industrie concurrentielle. Par exemple, nous avons étudié le cas de l’introduction de normes de sécurité chez les travailleurs d’une industrie, ce qui a pour effet d’augmenter le coût marginal et de déplacer la courbe de l’offre vers le haut. Nous avons également examiné un exemple dans lequel l’accès à un tarif d’électricité préférentiel réduit les coûts de production des tomates de serre, déplaçant ainsi la courbe de l’offre vers le bas. Dans ces exemples, le nouvel équilibre sur le marché a été déterminé à l’aide d’une analyse graphique.

Cependant, comme il a été mentionné à plusieurs reprises, les analystes ne disposent pas toujours d’une représentation graphique précise des courbes d’offre et de demande. Dans de tels cas, il est possible de déterminer l’équilibre du marché après un changement des coûts, en utilisant les formules d’incidence exposées à la section 8.1.2 et qui constituent un cas particulier des formules du chapitre 4.

Ces formules permettent de déterminer qui, des acheteurs ou des vendeurs, supporteront l’augmentation des coûts ou bénéficieront de leur diminution. Il est donc possible de prévoir l’évolution du prix et de la quantité à l’équilibre, à la suite d’une modification des coûts d’un marché concurrentiel, en se fiant uniquement aux estimations des élasticités-prix de l’offre et de la demande.

Dans ce contexte, ces relations sont désignées comme des formules de détermination de la transmission des variations de coûts dans le prix final (pass-through). L’exercice 5 de ce chapitre fournit un exemple d’application de ces formules pour analyser les répercussions de l’interdiction d’un pesticide utilisé dans la culture des pommes.

8.5 Conclusions

Éléments clés à retenir

  • L’introduction d’une taxe ou d’une subvention dans un marché qui ne présente pas initialement de distorsion engendre une perte sèche.
  • Une taxe ou une subvention établie sur la base de la quantité échangée crée un écart entre le prix payé par le consommateur et le montant reçu par le producteur.
  • L’incidence d’une taxe ou d’un subside dépend de l’importance relative de l’élasticité de l’offre et de la demande. La partie chez laquelle l’élasticité‑prix est relativement plus faible assume une part plus grande du fardeau fiscal mais reçoit une part plus importante d’une subvention.
  • Dans un marché concurrentiel, la répartition de la taxe (ou d’une subvention) entre les producteurs et les consommateurs est déterminée par les élasticités-prix de l’offre et de la demande d’après la formule suivante :
    • [latex]\frac{\eta_O}{\eta_D + \eta_O} \%[/latex] est payé (ou reçu) par les acheteurs ;
    • [latex]\frac{\eta_D}{\eta_D + \eta_O} \%[/latex] est payé (ou reçu) par les vendeurs.
  • Le taux d’opportunisme d’un programme de subvention correspond à la fraction des agents qui auraient pris l’action subventionnée, même en l’absence d’un programme de subvention.
  • Dans le cas d’un projet prévoyant la vente d’un extrant soumis à une taxe, la valorisation sociale de l’extrant doit s’effectuer à un prix de référence correspondant à la moyenne pondérée du prix comprenant la taxe et du prix hors taxe. La pondération tient compte de la part de l’extrant fournie par le projet qui sert des consommateurs additionnels (valorisation au prix avec la taxe) et la part qui se substitue à une offre préexistante (valorisation au prix hors taxe). En concurrence parfaite, la pondération est déterminée par les élasticités-prix de l’offre et de la demande.
  • Les formules d’incidence permettent aussi de prévoir comment une variation du coût marginal de production (déplacement de la courbe de l’offre) se transmettra dans le prix final d’un marché concurrentiel.

Retour sur la motivation

Afin de réduire les émissions de CO2, de nombreux gouvernements offrent des subventions à l’achat de véhicules électriques. Vous devez effectuer une ACA d’un tel programme. Faut-il considérer le montant de la subvention comme un avantage, un coût ou un transfert ? Comment cette réduction de prix influencera-t-elle le nombre de véhicules électriques vendus ? Une fois de plus, vous réalisez qu’il est nécessaire de construire un cadre d’analyse adéquat pour mener à bien votre ACA.

Résolution

Dans l’approche par parties, les subventions se présentent comme un transfert des contribuables vers les vendeurs et les acheteurs de véhicules électriques. Cependant, il est important de noter qu’il subsiste malgré tout un effet net, ce qui entraîne une perte sèche. Dans l’approche sociale, l’avantage est représenté par la valeur sur la demande des véhicules vendus en plus, en raison de la subvention, tandis que le coût est le coût des ressources mobilisées pour produire ces véhicules additionnels. Étant donné que le coût de production de ces véhicules est supérieur à leur valeur pour les acheteurs, cela conduit à une perte sèche.

Cependant, il est essentiel de prendre en considération la réduction des coûts environnementaux résultant du remplacement des véhicules conventionnels par des véhicules électriques, telle que la diminution des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques. De plus, il est possible que les acheteurs évaluent mal les économies réalisées sur les coûts d’utilisation des véhicules, en raison d’un biais temporel, lié notamment à une tendance à privilégier le présent.

Mercier, Lanoie et Leroux (2015), corrigés par Barla (2018), montrent que le programme de subvention québécois a généré une Valeur Actuelle Nette (VAN) négative d’environ 3 millions de dollars en 2012, en se fondant sur un taux d’opportunisme d’environ 50 % et sur un coût marginal des fonds publics de 0,192$.

Le Chapitre 22 présente les résultats d’une ACA des programmes de crédits d’impôt pour le tournage de films et d’émissions de télévision étrangères au Canada.

 

Exercices

  1. (*) Un projet prévoit de mettre sur le marché 10 000 tonnes d’un bien dont le prix hors taxe est de 100 $ la tonne. Sur ce bien, une taxe de 15 % est imposée. Le projet est susceptible d’avoir un impact sur le prix du marché, mais pour les besoins de cette analyse, nous le négligerons. L’élasticité‑prix de la demande est de 2, tandis que l’élasticité‑prix de l’offre est de 3. Avant la mise en œuvre du projet, la quantité échangée sur le marché s’élevait à 100 000 tonnes. Pouvez-vous déterminer la valeur sociale de la production qui sera mise sur le marché par ce projet ? Veuillez expliquer votre raisonnement.
  2. En tant qu’analyste novice du ministère de la Santé, votre mandat consiste à formuler des recommandations fiscales visant à améliorer la santé des Québécois. Dans ce contexte, vous explorez la possibilité d’introduire une taxe d’accise de 0,5 $ du kilogramme sur le sucre raffiné destiné à la consommation directe. Avant de soumettre cette proposition à votre supérieur, vous avez recueilli rapidement les informations essentielles suivantes :
    • Le prix moyen actuel du sucre raffiné est de 1,5 $ le kilogramme, et la consommation estimée au Québec est de 60 kilogrammes par habitant (avec une population de 8,4 millions de personnes) ;
    • Vous avez identifié des indications suggérant que l’élasticité-prix de la demande est faible, à 0,1, alors que celle de l’offre est de 1,7.
    • À partir de ces éléments, déterminez l’impact de cette taxe. Soumettrez-vous cette idée à votre supérieur ?
  3. Un gouvernement octroie une subvention importante pour la construction d’une nouvelle aluminerie. Il défend cette allocation de fonds publics en mettant en avant les retombées fiscales prévues par le projet : « Il devrait engendrer la création d’emplois et stimuler l’activité économique, ce qui, à son tour, générera de nouvelles rentrées fiscales permettant de récupérer rapidement notre investissement initial. » Expliquez comment les élasticités-prix de l’offre et de la demande dans ce marché peuvent affecter l’ampleur des retombées fiscales espérées.
  4. (*) Veuillez créer un exemple fictif d’une ACA de l’introduction d’une subvention unitaire de s $/unité dans un marché concurrentiel où la demande est plus élastique que l’offre. Représentez les impacts sur un graphique et effectuez l’ACA selon l’approche par partie, puis d’après l’approche sociale. Indiquez aussi comment calculer le taux d’opportunisme dans votre exemple.
  5. (*) Le gouvernement envisage une réglementation qui empêcherait l’utilisation de certains pesticides dans la culture de la pomme domestique. Ces pesticides sont associés à des problèmes de santé graves pour les personnes qui les vaporisent. On a évalué que le bannissement de ces pesticides générerait des avantages de l’ordre de 5 millions de dollars, notamment sous forme de réduction des coûts des soins de santé. Néanmoins, cette réglementation devrait augmenter le coût de production domestique d’environ 200 $ la tonne. La demande de pommes domestiques est très élastique, puisqu’elle fait face à la grande concurrence des pommes étrangères. L’élasticité-prix de la demande domestique est évaluée à 6. Avant d’effectuer cette réglementation, la quantité de pommes domestiques vendues annuellement est de 13 000 tonnes, à un prix moyen de 1200 $/tonne. Par ailleurs, on évalue que l’élasticité-prix de l’offre domestique est à 1,2. Effectuez une ACA de ce projet.

Annexe 1. L’impact d’une taxe ad valorem

L’équilibre initial (scénario de référence) correspond au point a sur la Figure 8.6, avec le prix égal à 50 $ et la quantité échangée à 130 000 tonnes.

La taxe est équivalente à une augmentation du coût marginal pour les producteurs, et donc à un déplacement de la courbe de l’offre vers le haut. Il s’agit cependant d’un déplacement qui n’est pas parallèle. En fait, pour continuer à offrir 130 000 tonnes, le prix avec taxe devrait être de (1,2) x 50 $ = 60 $. En effectuant ce calcul pour toutes les quantités possibles, on obtient la courbe mauve, qui correspond à la quantité offerte exprimée en fonction du prix avec taxe incluse. L’intersection de cette courbe avec la demande correspond à l’équilibre de marché avec la taxe. La résolution graphique est imprécise, mais en s’appuyant sur les équations dernières ces courbes, on aboutit à un prix d’équilibre avec la taxe de 54,5 $, un prix hors taxe de 45,4 $ et la quantité échangée de 118 180 tonnes. Dans cet exemple, l’approximation précédente est donc assez fidèle à la solution précise.

Comme précédemment, l’ACA de l’imposition de cette taxe aboutit à une VAN négative correspondant à la surface (abc), soit environ à 60 000 $.

 

Figure 8.6 Les impacts d’une taxe ad valorem

Annexe 2. Dérivation de la règle de pratique de la section 8.3

L’offre et la demande d’un bien sont illustrées dans la Figure 8.7. Il s’agit d’un marché concurrentiel. Une taxe unitaire de 20 $ par unité est prélevée dans ce marché. Le gouvernement envisage de financer la construction d’une nouvelle unité de production qui produira 30 millions d’unités vendues au prix du marché. Quelle serait la valeur sociale brute de la production générée par ce projet ?

Figure 8.7 L’offre et la demande initiales sur le marché

Résolution

La Figure 8.8 illustre la résolution de ce problème. Pour mieux comprendre la situation, examinons le scénario de référence (avant le projet) ainsi que le scénario avec le projet.

Le scénario de référence (avant le projet)

En tenant compte de la taxe de 20 $ l’unité, l’équilibre initial sur ce marché se caractérise par une production de Q0 = 30 millions d’unités, au prix hors taxe de 50 $, alors que le prix avec taxe est de 70 $.

Le scénario avec le projet

Le projet consiste à ajouter 30 millions d’unités à l’offre initiale, ce qui entraîne un déplacement parallèle de la courbe de l’offre de O0 à O1, comme le montre la Figure 8.8.

À l’équilibre avec le projet, la quantité échangée augmente à environ Q1 = 45 millions, et le prix hors taxe diminue à 35 $, tandis que le prix avec taxe atteint 55 $. Il est important de noter que la hausse de la quantité échangée n’est pas de 30 millions, car la baisse du prix incite les producteurs établis à réduire leur offre de 30 millions à 15 millions d’unités.

Sur cette base, nous pouvons maintenant établir la valeur sociale brute des 30 millions d’unités mises sur le marché par le projet.

  • Pour les unités qui augmentent la quantité échangée sur le marché (de 30 à 47 millions), la valorisation sociale se fait en s’appuyant sur la courbe de la demande. Par conséquent, la valeur sociale de ces unités additionnelles est mesurée par la surface ombrée en orange, qui équivaut à environ 937,5 millions de dollars. En d’autres termes, ces unités sont valorisées au prix moyen avec taxe de 62,5 $, soit la moyenne entre 70 $ et 55 $ ;
  • Pour les unités qui remplacent les unités déjà offertes par les producteurs préexistants, la valeur sociale est déterminée en se référant à la courbe de l’offre initiale O0. Ainsi, la valeur sociale des unités entre 15 et 30 millions est mesurée par la surface ombrée en bleu foncé, soit 637,5 millions de dollars. Il s’agit en effet de la valeur sociale de la production que les intrants libérés par le projet pourront générer dans leur meilleur usage alternatif (valeur des ressources épargnées). Ces unités sont donc valorisées au prix moyen hors taxe de 42,5 $, soit la moyenne entre 50 $ et 35 $.

La valeur sociale totale de la production du projet est donc constituée par l’aire des surfaces ombrées, soit 1 575 millions de dollars. Cela permet de justifier la règle de pratique présentée dans la section 8.3.

Figure 8.8 La valorisation sociale de l’extrant en présence d’une taxe

Bibliographie

Banque mondiale, Fonds Monétaire International (FMI), Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) & Organisation Mondiale du Commerce (OMC). (2022). Subventions, commerce et coopération internationale. ISBN 9789287072313 (version imprimée), 9789287072320 (version PDF). https://www.wto.org/french/res_f/booksp_f/repintcoosub22_f.pdf

Barla, P. (2018). Comment on Costs and Benefits of Quebec’s Drive Electric Program, Canadian Public Policy, 44(1), 77-79. https://www.jstor.org/stable/90019789

Hill, T. et Emes, J. (2023). Le coût des subventions aux entreprises au Canada. Fraser Institute. https://www.fraserinstitute.org/sites/default/files/cout-des-subventions-aux-entreprises-au-canada.pdf

Economics in Many Lessons (2018, 29 mai). Tax Incidence Using Price Elasticities of Demand and Suppy [vidéo]. YouTube. https://youtu.be/aCouxJvkU5w?feature=shared

Jenkins G.P., Kuo C. et A.C. Harberger (2011). Chapter 7: Principles underlying the economic analysis of projects. In Cost-Benefit Analysis for Investment Decisions (1-34). https://agrilinks.org/sites/default/files/resource/files/cost-benefit_analysis_for_investment_decisions.pdf

Mercier, X., Lanoie, P. et Leroux, J. (2015). Costs and Benefits of Quebec’s Drive Electric Program. Canadian Public Policy, 41(4), 281–96. http://www.jstor.org/stable/43699181

Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les Changements Climatiques (2022). Fiche 11 – Intégration de l’effet d’opportunisme dans le calcul de la cible et dans la reddition de comptes : Quantification des réductions d’émissions de GES liées aux actions du Plan pour une économie verte 2030 et à son plan de mise en œuvre. https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/environnement/publications-adm/plan-economie-verte/outils/integration-effet-opportunisme-calcul-cible-reddition-comptes.pdf


  1. Pour la dérivation formelle de ces formules voir Economics in Many Lessons (2018).
  2. On peut également utiliser l’élasticité de l’offre (Figure 8.3) avec la variation du prix reçu par les producteurs (-16,33 %) pour obtenir la réduction de la quantité échangée de 50 %.
  3. Voir aussi Jenkins et al. (2011).
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Introduction à l’analyse coût-avantage Droit d'auteur © 2024 par Philippe Barla est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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