Le quatrième fondement
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Comment jouez-vous dans le bac à sable ?
« Rien ne commence vraiment que si on se le permet à soi-même. » – Claude Mauriac
« Il est important de se rappeler qu’il ne s’agit pas seulement d’un ensemble d’individus formidables, mais d’un groupe de personnes qui aiment jouer dans le bac à sable et qui apprécient pleinement la résolution collaborative de problèmes. » – Warren Bennis
Quand Roger était plus jeune, il était souvent choisi en dernier pour former une équipe de softball pendant la récréation. En plus, des garçons populaires lui jetaient des pierres en rentrant de l’école. Étiqueté comme un « perdant », Roger a décidé qu’il devait « endurcir » son attitude, devenant ainsi un superviseur agressif et excessivement exigeant – du moins jusqu’à ce que son patron le rappelle à l’ordre un jour. Il a alors eu le choix : changer son comportement ou être mis à la porte. Cela remonte à 10 ans. Depuis lors, Roger a appris qu’il est important d’avoir des attentes élevées, mais réalistes, et de construire des relations solides avec tous ceux qui l’entourent : son patron, ses collègues, son équipe et ses clients.
Et vous ? Étiez-vous comme Roger ou connaissiez-vous quelqu’un de similaire quand vous étiez enfant ? Aviez-vous du mal à jouer avec d’autres enfants dans le bac à sable ? Et maintenant, comment cela se passe-t-il ? Identifiez-vous des faiblesses qui pourraient vous nuire en tant que leader ?
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Autoévaluation rapideSur une échelle de 1 à 10, comment évaluez-vous votre capacité à vous entendre avec les autres ? Expliquez votre note dans votre journal d’apprentissage. |
Dans leurs recherches, James Waldroop et Timothy Butler, psychologues à la Harvard Business School, ont identifié six modèles comportementaux qui peuvent saboter la carrière des leaders :
1 . Le héros. Le héros pousse non seulement lui-même, mais aussi les autres à travailler trop dur et trop longtemps. Ses attentes sont si élevées que peu de gens peuvent les atteindre. Comme le soulignent James Waldroop et Timothy Butler : « Si vous observez de près le parcours du héros, vous trouverez probablement les traces précieuses de ceux qui ont quitté l’entreprise après avoir tenté de suivre les efforts surhumains du héros. » Le héros et son équipe sont à risque d’épuisement professionnel, car ils brûlent la chandelle par les deux bouts. Il est crucial pour le héros d’améliorer sa capacité à comprendre l’état de ses employés et à leur accorder des pauses nécessaires (Est-ce qu’ils semblent fatigués ? Passent-ils trop de temps à travailler ?).
2 . Le méritocrate. Le méritocrate se concentre sur la résolution des problèmes d’un point de vue idéal, sans tenir compte des réalités politiques d’une situation. Comme nous ne vivons pas dans un monde « idéal », nous devons nous concentrer sur ce qui fonctionnera dans une situation « réelle ». Les méritocrates s’appuient souvent sur des faits objectifs, tout en ignorant les aspects politiques des situations. Ils ne réalisent pas que vendre leurs idées aux autres et négocier des compromis sont essentiels pour obtenir l’acceptation de leur point de vue. Les méritocrates ont besoin d’aide pour réfléchir à la réception potentielle de leurs solutions et de leurs suggestions ainsi qu’à ce qu’ils peuvent faire pour rendre leurs propositions plus acceptables et attrayantes pour les autres.
3 . Le bulldozer. Le bulldozer maltraite les autres et ne pense qu’à renforcer ses propres intérêts. C’est ce que Robert Sutton, professeur à l’Université Stanford, décrit comme un comportement de « sale con » : il pousse les autres, les dénigre, les utilise, leur donne des ordres de façon désagréable et est tout simplement insupportable à côtoyer. Sutton souligne que ces individus ont adopté tôt l’idée que le monde est un endroit hostile où ils doivent devancer les autres avant d’être devancés, par un « plus 10 % ». Ils intimident et aliènent tout le monde sur leur chemin, créant ainsi un climat de méfiance mutuelle. Souvent, ils ciblent particulièrement ceux qui ont moins de pouvoir qu’eux, peut-être comme les garçons qui intimidaient Roger sur le chemin de l’école. Roger a découvert que courber l’échine n’était pas la réaction la plus efficace face à eux. Il est essentiel de se tenir face au bulldozer et de rétablir des limites claires. Au travail, il est crucial de lui faire comprendre que son comportement nuit à l’organisation et que des mesures disciplinaires seront prises s’il ne change pas. La capacité de travailler efficacement avec les autres n’est pas une option, surtout pour un leader !
4 . Le pessimiste. Le pessimiste se concentre sur tout ce qui pourrait mal tourner plutôt que sur les possibilités offertes par une situation. Il peut se considérer comme « réaliste », mais ses critiques et ses plaintes sont rarement suivies de suggestions constructives d’amélioration. Ce comportement mine l’esprit d’équipe et entrave le progrès. Selon James Waldroop et Timothy Butler, « les pessimistes ont de bonnes intentions, cherchant à protéger l’organisation contre les erreurs potentielles découlant de changements imprudents. Cependant, leur tendance à considérer tout changement comme imprudent limite souvent la créativité et bloque les occasions prometteuses ». Les inquiétudes des pessimistes peuvent parfois être justifiées, basées sur des expériences passées d’erreurs coûteuses. Toutefois, ils ont également tendance au micromanagement, surveillant les autres de près de peur qu’une erreur survienne. Les pessimistes peuvent améliorer leur contribution en apprenant à voir les deux côtés d’une situation : à la fois les aspects positifs et négatifs. Ils doivent être encouragés à proposer des solutions constructives plutôt qu’à simplement critiquer. Ainsi, ils pourront jouer un rôle plus productif et équilibré au sein de l’organisation.
5 . Le rebelle. Le rebelle cherche systématiquement à faire les choses à sa manière et résiste aux méthodes établies. Il rejette souvent les idées des autres comme étant insuffisantes, préférant imposer ses propres opinions sans essayer de comprendre les raisons derrière les méthodes existantes. Il s’oppose aux suggestions des autres en affirmant que les siennes sont meilleures. James Waldroop et Timothy Butler suggèrent de présenter au rebelle deux options claires : « Vous pouvez travailler pour améliorer les choses ici, ou vous pouvez continuer à suivre votre propre voie et rester simplement un perturbateur. Si vous choisissez la seconde option, votre progression de carrière sera entravée, et votre impact sur l’organisation restera limité. Nous espérons que vous opterez pour la première, car nous reconnaissons que cet endroit n’est pas parfait et avons besoin de personnes comme vous pour nous aider à progresser. »
6 . Le compteur. Le compteur cherche à accomplir trop en trop peu de temps. Cette personne est souvent pressée de réaliser beaucoup sans réfléchir aux priorités. Elle ne voit pas l’importance de construire des succès modestes avant de viser des exploits majeurs. Selon les chercheurs, le compteur « imagine déjà le rugissement de la foule lorsque la balle franchit la clôture extérieure du terrain de baseball ». Sur le plan professionnel, il rêve de voir sa photo en couverture de Fortune en tant que fondateur du meilleur site ou de devenir partenaire en un temps record en attirant le plus gros client. Cependant, le problème, pour reprendre l’analogie du baseball, est que le compteur se concentre trop sur les coups de circuit au lieu d’opter pour des stratégies plus simples et efficaces, comme frapper un simple ou même obtenir un but sur balles, qui pourraient tout autant aider l’équipe. En d’autres termes, les compteurs ont tendance à privilégier les objectifs ambitieux trop précocement. James Waldroop et Timothy Butler suggèrent qu’on offre à ces individus des occasions d’élargir leurs responsabilités, que ce soit en explorant d’autres départements au sein de l’organisation ou en travaillant avec différents clients.
James Waldroop et Timothy Butler identifient également quatre tendances à l’origine de ces comportements destructeurs :
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Narcissisme autofocalisé. Cela implique l’incapacité à voir les choses du point de vue des autres et une concentration excessive sur sa propre vision du monde, sans empathie pour reconnaître l’importance des perspectives différentes.
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Puissance mal utilisée. Ce comportement se manifeste par une méconnaissance de l’utilisation optimale du pouvoir et de l’influence, soit en l’évitant complètement, soit en l’utilisant de manière manipulatrice ou tyrannique.
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Ambivalence face à l’autorité. Cela englobe soit une attitude excessive de déférence envers l’autorité, soit une tendance à la défier ouvertement.
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Mauvaise image de soi et besoin de prouver sa valeur. Cela se traduit par une estime de soi faible et un sentiment de devoir constamment prouver sa compétence et sa valeur.
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Autoévaluation rapideSur une échelle de 1 à 10, quelle est votre capacité à reconnaître et à corriger les modèles de comportement ci-dessus chez vous-même et dans votre équipe ? Expliquez vos réponses et notez-les dans votre journal d’apprentissage. |
Votre défi
Pour vous aider à comprendre vos propres comportements et à travailler sur ceux qui pourraient nuire à votre carrière, nous vous invitons à faire ce qui suit.
- Dans votre journal d’apprentissage, identifiez le modèle qui vous semble le plus familier ou auquel vous pourriez être le plus enclin. Décrivez des exemples concrets de situations au cours des six derniers mois où vous avez pu démontrer ce modèle.
- Sollicitez l’avis de trois personnes en qui vous avez confiance pour qu’elles identifient les modèles qui vous correspondent le mieux. Demandez-leur de fournir des exemples précis pour étayer leur opinion. Prenez note de leurs commentaires dans votre journal d’apprentissage.
- Si vous éprouvez des difficultés à cibler un ou deux modèles qui vous correspondent, sollicitez l’avis de votre équipe de rétroaction pour obtenir des perspectives supplémentaires.
Réflexion
Répondez aux questions suivantes dans votre journal d’apprentissage.
- En réfléchissant à vos modèles de comportement préférés, qu’est-ce qui, selon vous, est à l’origine de votre adoption de ces modèles ? Pourquoi pensez-vous vous comporter de cette manière ?
- Pouvez-vous identifier parmi les six modèles de comportement ceux que d’autres leaders ont utilisés ? Pourriez-vous donner des exemples précis et décrire l’impact ou les résultats de leur comportement ?
- Comment ces modèles de comportement ont-ils influencé votre capacité à atteindre vos objectifs personnels et professionnels au cours des derniers mois ?
- Comment pensez-vous que les leaders peuvent reconnaître l’un des six modèles de comportement dans leur équipe et doivent intervenir lorsqu’ils les observent chez des membres de leur équipe ?
- Quels sont les signes révélateurs que vous observez chez vous ou chez les autres lorsqu’un modèle de comportement destructeur commence à affecter l’équipe ou l’organisation ?
- Quelles stratégies utilisez-vous actuellement pour gérer ou éviter ces comportements destructeurs vous-même et au sein de votre équipe ou de votre organisation ?
- À quel point pensez-vous être transparent avec votre équipe concernant votre propre modèle de comportement et vos efforts pour le corriger ?
Plan d’action
Dans votre journal d’apprentissage, décrivez trois actions spécifiques que vous prendrez immédiatement pour (a) accroître votre conscience des modèles de comportement, en cas d’adoption involontaire de l’un des six modèles, et pour (b) vous empêcher de les adopter, si vous vous trouvez à incliner vers l’un de ces comportements.