Le quatrième fondement
58
Prenez-vous le temps d’écouter ?
« On entend souvent la remarque « Il parle trop« , mais n’a-t-on jamais entendu la critique« Il écoute trop« . » – Norman Augustine
« Si nous avons une bouche et deux oreilles, c’est bien que nous devons écouter deux fois plus que nous devons parler, n’est-ce pas ? » – Confucius
Trop souvent, nous pensons écouter alors que nous ne faisons qu’entendre. Combien de fois avez-vous dû demander à quelqu’un de répéter ce qu’il disait parce que vous étiez absorbé par un dossier, par votre cellulaire, par ce qui se passait autour de vous ou par ce qui se passait à l’intérieur de vous ? Avez-vous déjà regretté de ne pas avoir porté davantage attention à ce qu’une personne disait ? Ou, au contraire, avez-vous le souvenir d’une discussion profonde et empreinte de vérité qui a changé votre façon de voir les choses ?
Quoi qu’il en soit, l’écoute est une activité importante de votre vie souvent méconnue ou négligée. Écouter, c’est porter attention à ce que l’autre dit, à ce qu’il vous communique, à ce qu’il cherche à vous raconter. C’est aussi bloquer la petite voix qui jacasse en permanence dans votre tête et qui vous coupe des occasions d’échanger et d’apprendre.
L’écoute est au cœur de la communication, et la communication est au cœur du leadership. Parfois, nous interrompons les autres parce que nous voulons montrer de l’intérêt par rapport à ce qu’ils disent ou parce que nous avons des questions à leur poser. Mais sûrement, la meilleure façon de montrer de l’intérêt est de simplement écouter, et souvent notre interlocuteur répondra à toutes les questions que nous avons si nous le laissons dire ce qu’il a à dire. Patience !
Nous pensons parfois que nous écoutons les autres parce que nous les regardons, mais qu’est-ce qui se passe dans nos esprits pendant cette période ? Pensons-nous à ce que nous allons dire, à ce que nous pourrions dire pour contester, à nos propres expériences, ou sommes-nous distraits par d’autres facteurs tels que leur accent, les vêtements qu’ils portent, notre cellulaire ou le bruit environnant ? Ce sont tous des signes d’une écoute déficiente.
Selon Valérie Lanctôt-Bédard, coach professionnelle et spécialiste de la communication non violente, il y a plusieurs autres signes indiquant que nous n’écoutons pas réellement :
-
Prodiguer des conseils non sollicités. Évitez de prodiguer des conseils si la personne ne les demande pas explicitement, car cela peut paraître intrusif et peu utile si elle n’est pas ouverte à recevoir des conseils.
-
Consoler. Lorsque vous essayez de consoler quelqu’un, assurez-vous de le faire de manière empathique et respectueuse de ses sentiments, en écoutant activement plutôt qu’en minimisant ou en ignorant ses émotions.
-
Rediriger la conversation vers soi-même. Évitez de ramener la conversation à vous-même, car cela peut donner l’impression que vous n’êtes pas intéressé par ce que l’autre personne raconte. Au lieu de cela, montrez de l’intérêt pour ce qu’elle dit en posant des questions ou en exprimant de l’empathie.
-
Banaliser ce que la personne dit. Évitez de minimiser les sentiments ou les expériences de quelqu’un en les réduisant à quelque chose de moins important. Cela peut invalider ce que l’autre ressent et nuire à la qualité de la conversation.
Toutes ces réactions ne favorisent pas une écoute efficace : elles interrompent la conversation. Comme le souligne Christine Riordan, professeure à l’Université du Kentucky, dans son article pour la Harvard Business Review, les leaders efficaces se distinguent par leur capacité à vraiment s’intéresser à ce que les autres ont à dire, en prêtant une attention sincère à ce qui est exprimé et non dit, et en répondant de manière appropriée en posant des questions ou en reformulant. Otto Scharmer, professeur au MIT, explique qu’il existe quatre niveaux d’écoute distincts, chacun ayant ses propres caractéristiques, dans son article « Uncovering the Blind Spot of Leadership ».
-
L’écoute de téléchargement, selon Otto Scharmer, est un type d’écoute peu enrichissant. Vous entendez votre interlocuteur, mais sans véritable ouverture : ce qu’il dit ne fait que confirmer vos idées préconçues. Vous pouvez même considérer cette conversation comme du « radotage » ou une discussion dont vous pourriez facilement vous dispenser sans rien manquer. Vous prétendez peut-être l’écouter, tout en restant absent. Vous jugez même la personne qui s’exprime, la trouvant tellement ennuyeuse que vous ne voyez aucun intérêt à l’écouter.
-
L’écoute factuelle se manifeste lorsque vous portez attention aux faits nouveaux d’une situation ou aux détails que vous ignoriez, selon Otto Scharmer. Vous êtes curieux de ce que votre interlocuteur vous apprend sur une situation, une personne ou un événement. Vous posez des questions précises visant à établir les faits (qui, quand, quoi, où, comment ?) et écoutez les réponses attentivement. Cela peut enrichir vos connaissances existantes ou modifier ce que vous pensiez savoir. Cependant, les personnes pratiquant l’écoute factuelle peuvent interrompre l’orateur ou se précipiter pour exposer leur point de vue, ce qui peut empêcher l’orateur de se sentir entendu.
-
L’écoute empathique est un niveau d’écoute plus profond, qui s’intéresse réellement à ce que vit et pense votre interlocuteur. Vous vous mettez à la place de l’orateur et essayez de comprendre tout ce qui est communiqué : les mots, les sentiments et le sens. Vous êtes intéressé par son point de vue et son expérience. Comme s’il vous racontait une histoire, vous pouvez facilement vous mettre dans sa peau pour mieux le comprendre. Vous lui offrez une écoute de qualité et établissez une connexion avec lui. Vous comprenez mieux ce qu’il vit en voyant la situation de son point de vue et en fonction de sa perception des choses.
-
L’écoute générative est orientée vers le futur. Selon Otto Scharmer, ceux qui l’expérimentent pourraient se dire : « Je ne peux pas exprimer en mots ce que j’expérimente. Tout mon être est au ralenti. Je me sens plus calme et présent. Je suis connecté à quelque chose de plus grand que moi. » Vous vous ouvrez aux possibilités qui s’offrent à vous et cherchez à savoir à quoi pourrait ressembler la meilleure version de vous-même. L’écoute générative vous modifie subtilement, vous faisant sentir connecté à votre « vrai vous » et à la vie. Elle touche quelque chose de profond en vous, un sentiment intérieur de connaissance.
Ci-dessus, les types d’écoute sont classés en fonction de leur valeur, donc il est crucial de privilégier l’écoute empathique et générative lors de vos conversations. Apprendre à écouter ne se limite pas à développer votre ouïe, mais à ouvrir votre cœur et votre esprit à ce que les autres ont à vous apprendre.
D’ailleurs, comme le mentionne Valérie Lanctôt-Bédard : « L’écoute qui enrichit la relation s’intéresse à l’expérience de la personne qui parle, à son vécu et à ce qui se passe à l’intérieur d’elle. » Ainsi, cette experte souligne qu’il ne s’agit pas seulement de poser des questions de clarification sur l’histoire racontée, mais aussi sur la perception de la personne qui la raconte. Pour elle, l’écoute est un cadeau que nous offrons à notre interlocuteur. Il est essentiel d’être pleinement disponible pour écouter et de se centrer sur l’autre plutôt que de tout ramener à soi. Bien que cela puisse sembler normal ou naturel, le faire réellement avec sérieux nécessite un grand contrôle de soi et de la générosité.
Voici quelques suggestions pour vous aider à mieux écouter. Évitez de :
- privilégier les faits au lieu des émotions lorsque quelqu’un parle ;
- réagir de manière négative à des mots tabous ;
- réfuter rapidement les propos d’une personne si vous ne comprenez pas ou si vous n’êtes pas d’accord ;
- simuler l’écoute sans réellement écouter ;
- éluder la conversation lorsque le sujet devient difficile ;
- laisser votre esprit divaguer pendant la conversation ;
- vous laisser distraire par des éléments extérieurs pendant la conversation ;
- critiquer le débit, l’apparence ou l’habillement de votre interlocuteur ;
- juger votre interlocuteur en essayant de le catégoriser ;
- préparer ce que vous allez dire plutôt que d’écouter pleinement votre interlocuteur ;
- interrompre votre interlocuteur pour répondre rapidement ;
- répondre avant même que la question soit complètement posée.
Vous devez essayer plutôt de :
- partager la responsabilité de la communication ;
- vous concentrer sur ce que dit votre interlocuteur ;
- écouter la signification complète du message, y compris les sentiments et l’information ;
- rechercher les thèmes importants ;
- regarder votre interlocuteur et vous pencher vers lui ;
- observer les signes non verbaux de votre interlocuteur ;
- adopter une attitude d’ouverture à l’égard de votre interlocuteur ;
- démontrer votre compréhension et votre empathie ;
- être attentif à vos émotions ;
- montrer de l’intérêt et réagir en utilisant les principes de l’écoute active ;
- mettre de côté tout jugement.
Votre défi en deux parties
Partie 1
Pendant trois jours cette semaine, nous vous invitons à :
- Faire attention à votre capacité à bien écouter les autres. Vos conversations impliquent-elles souvent une écoute superficielle ?
- Réfléchir à trois expériences où vous vous êtes vraiment senti écouté. Décrivez ce que l’autre personne a fait pour vous donner cette impression : vous a-t-elle accordé toute son attention, permis d’exprimer ce que vous pensez, et a-t-elle reconnu vos sentiments ainsi que vos paroles ?
- Essayer ensuite d’intégrer ces caractéristiques d’écoute dans vos conversations avec les autres.
Gardez une trace de vos expériences et de vos réflexions dans votre journal d’apprentissage.
Partie 2
Dans les trois jours suivants, nous vous invitons à travailler activement votre écoute. Bien que les techniques suggérées ci-dessus puissent sembler mécaniques au début, elles deviendront naturelles avec le temps, et vous vous sentirez de plus en plus connecté à votre interlocuteur. Pendant ces trois jours, démontrez une écoute attentive en :
- N’interrompant pas ceux qui vous parlent. Permettez à l’autre personne de communiquer tout ce qu’elle a en tête. Laissez place au silence. Parfois, dans ce silence, des pensées et des sentiments plus profonds qui n’auraient autrement pas été exprimés émergent.
- Vous engageant dans un processus d’écoute active, c’est-à-dire en montrant de l’intérêt pour ce que l’on vous dit. Faites savoir à votre interlocuteur que vous l’écoutez activement en disant « oui », « hum », et en laissant des instants de silence dans la conversation.
- Essayant de comprendre d’abord, puis d’être compris. Posez des questions de clarification, paraphrasez et reflétez les sentiments de votre interlocuteur jusqu’à ce que vous lui ayez démontré que vous avez bien compris ce qu’il dit. Vous pourrez présenter votre point de vue seulement lorsqu’il aura terminé de dire ce qu’il voulait dire.
- Disant « Si je vous comprends bien… » chaque fois que quelqu’un vous dit quelque chose de plus long que trois phrases. Terminez votre reformulation par « Est-ce bien cela ? » ou encore « Ai-je bien compris ? » afin de relancer la balle à votre interlocuteur et lui signaler que vous êtes toujours disponible pour l’écouter.
- Posant des questions ouvertes. Lorsque quelqu’un vous raconte un événement qu’il a vécu, posez des questions ouvertes (comment avez-vous vécu cela, comment ça, que voulez-vous dire ?) qui stimulent la conversation plutôt que des questions fermées (pouvant être répondues par oui ou non) qui la bloquent.
Gardez une trace détaillée de vos expériences dans votre journal d’apprentissage.
Réflexion
Répondez aux questions suivantes dans votre journal d’apprentissage.
- À quel point a-t-il été difficile d’écouter véritablement quelqu’un d’autre ? Quelles ont été les parties les plus difficiles ? Les parties les plus faciles ?
- Décrivez trois situations dans lesquelles vous avez pratiqué l’écoute active. Qu’avez-vous ressenti en écoutant ? Comment les intervenants ont-ils réagi ? Pensez-vous avoir compris plus profondément ce que voulaient dire les intervenants ?
- Quelles compétences d’écoute ont été les plus difficiles à mettre en pratique ? Pourquoi ?
- Avez-vous développé des astuces pour prendre le temps de vraiment écouter pendant ces trois jours ? Si oui, lesquelles ? Sur une échelle de 1 à 10, comment évalueriez-vous votre capacité d’écoute durant ces trois jours ? Donnez trois arguments pour justifier votre note. Quel conseil a été difficile à suivre ? Pourquoi ?
- À la lumière de cet exercice, quelles conclusions ou leçons majeures pourriez-vous tirer concernant l’écoute ?
- Quels sont les avantages de l’écoute active pour les leaders, leur équipe et leur organisation ?
- Comment les leaders peuvent-ils aider les membres de leur équipe à développer leurs capacités d’écoute active ?
Faites part de vos réflexions à votre équipe de rétroaction.
Plan d’action
Dans votre journal d’apprentissage, décrivez trois actions spécifiques que vous entreprendrez dès maintenant pour (a) pratiquer l’écoute active et pour (b) promouvoir l’écoute active au sein de votre équipe.