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Le quatrième fondement

Deux feuilles de papier, l’une avec un visage triste et la lettre ‘X’ sur un fond rouge, elle contient les mots : paresseux, contrôle, punitions, fric, bosser. L’autre avec un visage heureux et la lettre ‘Y’ sur un fond vert. Elle contient les mots “effort, autocontrôle, responsabilité, défis, créativité”.

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Êtes-vous conscient de vos attitudes envers les autres?

«Quest-ce quune attitude? Elle est notre vrai moi en évolution. Elle cache ses racines, mais révèle ses fruits. Elle peut être notre meilleure alliée ou notre pire ennemie. Plus honnête et plus constante que nos paroles, elle reflète un regard extérieur basé sur nos expériences passées. Elle influence nos interactions, attirant ou repoussant les gens. Elle ne trouve satisfaction que dans son expression. Elle garde la mémoire de notre passé, parle pour notre présent et prophétise notre avenir.» John Maxwell

Êtes-vous un X ou un Y? Nous ne parlons ni dalgèbre ni de générations ni dun langage codé ici. Il sagit plutôt de la théorie classique et toujours pertinente de Douglas McGregor, qui postule deux types de présomptions sur la nature humaine, la théorie X et la théorie Y.

Voici les principaux postulats de la théorie X :

  1. Les individus sont naturellement paresseux et naiment pas le travail. Pour eux, travailler nest pas une source de joie ni de fierté, mais plutôt une contrainte pénible. Sils en avaient le choix, beaucoup préféreraient éviter le travail pour se soustraire au stress et aux frustrations.

  2. Sans contrôle strict et sanctions, les individus ne fournissent pas defforts importants dans leur travail. Même avec des récompenses promises pour un travail bien fait, ils ne sont pas motivés à donner le meilleur deux-mêmes. Seules des mesures coercitives et des menaces peuvent les inciter à travailler efficacement.

  3. Les individus ont besoin dêtre dirigés de manière autoritaire. En raison dun manque dambition et dintérêt pour leur travail, ils évitent les responsabilités et préfèrent suivre les directives dune figure dautorité paternaliste. Ils sont plus enclins à obéir à quelquun quà prendre des initiatives.

Quen pensez-vous pour linstant? Cela reflète-t-il votre perception des gens, voire de vous-même?

Voici les principaux postulats de la théorie Y :

  1. Le travail et les efforts quil implique sont naturels pour les individus. Les êtres humains peuvent trouver une satisfaction intrinsèque dans leur travail, étant motivés par le désir de se dépasser, de sépanouir et de réaliser leur plein potentiel. Sengager dans une carrière pour contribuer à quelque chose de plus grand queux-mêmes est une aspiration naturelle. Ainsi, les individus recherchent des occupations qui les intéressent et les passionnent.

  2. Les individus possèdent une capacité dautocontrôle qui leur permet datteindre leurs objectifs. Ils sont capables de planifier leur travail de manière à obtenir des résultats importants. Ils aiment lautonomie et peuvent être motivés par des récompenses contingentes, aussi simples que la satisfaction personnelle découlant du travail accompli.

  3. Les individus trouvent gratifiant de se voir confier des responsabilités au travail. Ils cherchent activement à évoluer, à se perfectionner et à développer leurs compétences en apprenant de nouvelles choses et en acquérant de nouvelles aptitudes. Ainsi, ils aspirent à assumer des responsabilités qui enrichissent leur expérience et leur savoir-faire.

Comment ces hypothèses vous conviennent-elles? Lesquelles vous décrivent le mieux?

Ce sont nos actions envers les autres qui révèlent notre véritable croyance sur la nature humaine. Par exemple, de nombreux gestionnaires affirment valoriser la participation de leurs collaborateurs au bureau, mais leurs actions suggèrent souvent une préférence pour les décisions unilatérales. Ainsi, pour identifier nos valeurs fondamentales, il suffit de réfléchir à nos actions (et non linverse!). Nous passons notre quotidien à investir dans des activités que nous aimons avec les personnes que nous estimons, tandis que nous ignorons souvent celles et ceux que nous ne valorisons pas.

Quelle que soit la vision adoptée, il est crucial dajouter une notion importante : celle des prophéties autoréalisatrices, également connues sous le terme «effet Pygmalion». Selon Richard Field et David Van Seters, il sagit dune situation classique où une fausse croyance initiale entraîne un comportement qui finit par rendre cette croyance vraie. Illustrons cela avec deux exemples, un pour la théorie X et un pour la théorie Y.

Imaginons quun leader croit que les membres de son équipe sont tous des individus incompétents qui évitent le travail et prolongent délibérément leurs pauses-café. Cest sa perception. En réaction à cette croyance, le leader pourrait adopter des comportements de surveillance et de contrôle stricts, parlant aux subordonnés de manière abrupte et exigeant des comptes détaillés de leurs tâches. Ce traitement peut offenser les membres de léquipe, les poussant à se désengager, à sabsenter davantage et même à se rebeller contre ces mesures, confirmant ainsi involontairement les attentes initiales du leader.

Le deuxième exemple, basé sur la théorie Y, pourrait se matérialiser ainsi : un leader souhaite voir ses collaborateurs se développer et exceller. Lors dune réunion déquipe, il exprime : «Vous êtes de loin la meilleure équipe que jai eu loccasion de diriger!» Quel effet cela pourrait-il avoir? Pensez à laction et à la réaction. Léquipe pourrait commencer à adopter des comportements plus efficaces et proactifs, améliorant ainsi ses performances. La prophétie positive énoncée par le leader se réalise, transformant effectivement léquipe en un groupe de haut niveau.

Face à ces exemples, où vous situez-vous? Bien que ces visions de la nature humaine soient dichotomiques, dans la pratique, nous adoptons souvent un mélange des deux attitudes. En effet, certains chercheurs suggèrent quune approche principalement fondée sur la théorie Y, avec une touche de théorie X lorsque nécessaire, permet dobtenir une perspective plus équilibrée. Brian Kreissl souligne que lutilisation dun style de gestion plus directif basé sur la théorie X peut être nécessaire lorsquil y a un défi dautorité ou lorsque les circonstances exigent une prise de décision rapide et un contrôle plus strict. Il est également vrai que certaines personnes préfèrent être dirigées et ne se sentent pas à laise avec lautonomie ou la responsabilité décisionnelle.

Votre défi 

Cette semaine, nous vous invitons à observer attentivement vos attitudes envers les autres lors dau moins trois interactions avec des personnes que vous dirigez ou qui ont moins dautorité que vous. Après chaque interaction, prenez un moment pour vous poser les questions suivantes et notez vos réponses dans votre journal dapprentissage.

  1. Que révèlent mes actions sur mes présomptions à légard des personnes? Expliquez votre réponse.
  2. Mes actions suggèrent-elles que je suis optimiste et que je pense que les gens sont responsables, dignes de confiance et respectables? Expliquez votre réponse.
  3. Mes actions laissent-elles penser que je perçois les gens comme paresseux, malhonnêtes ou indignes de mon attention? Expliquez votre réponse.

Réflexion

Répondez aux questions suivantes dans votre journal dapprentissage.

Sur une échelle de 1 à 10, dans quelle mesure, selon vous, la théorie représente-t-elle votre façon de penser les gens? Justifiez votre note.

  1. Cet exercice était-il facile ou difficile à faire? Pourquoi?
  2. Que révèlent vos actions sur vos présomptions sur la nature des personnes?
  3. Décrivez un moment où quelquun vous a traité dune manière conforme à (a) la théorie X et à (b) la théorie Y. Quelles ont été vos réactions? Comment ses présomptions ont-elles influencé votre comportement?
  4. Dans quelles circonstances pensez-vous que les présomptions de la théorie X peuvent être nécessaires?
  5. Quelles leçons avez-vous tirées de cet exercice?
  6. Comment pouvez-vous profiter des prophéties autoréalisatrices dans votre vie personnelle et professionnelle?
  7. Que peuvent faire les leaders pour garantir que leurs attitudes ont un impact positif sur les membres de leur équipe?
  8. Comment les leaders peuvent-ils aider les membres de leur équipe à devenir plus conscients de limpact de leurs présomptions sur les autres? Un leader doit-il sensibiliser les membres de son équipe à limportance des théories X et Y dans leur travail et leur vie personnelle?

Plan daction

Dans votre journal dapprentissage, décrivez trois actions spécifiques que vous entreprendrez dès maintenant pour (a) devenir plus conscient de limpact de vos présomptions et de vos attentes sur les autres, pour (b) développer des croyances de type Y plutôt que X et pour (c) agir selon vos croyances en vous assurant que vos gestes sont cohérents avec votre pensée.

Deux personnages en discussion, l’homme à gauche est Roger, la femme à droite est Roxane.Roger : Je crois fermement que lattitude dun leader influence directement les personnes qui lentourent. Sil croit en la capacité et la fiabilité des autres, ses collaborateurs seront encouragés à se comporter de manière responsable. En revanche, sil part du principe que les gens sont paresseux, il risque de voir de la paresse partout. Quen penses-tu?

Roxanne : Oui, même si cest un peu simpliste (parce que certains individus sont effectivement paresseux), je suis daccord avec toi! Le leader doit adopter une attitude optimiste et reconnaître les différences individuelles pour encourager chacun à saméliorer de manière positive et constructive. Chaque personne a ses qualités et ses défauts, mais il est rare que quelquun agisse intentionnellement de mauvaise foi. En voyant les autres comme responsables, le leader est plus susceptible de les impliquer pleinement.

Roger : Ça me rappelle mon ancien patron. Il ma jugé trop rapidement et na pas cherché à changer davis par la suite. Je pense que les leaders devraient vraiment prendre le temps de connaître les gens pour valider ou ajuster leurs premières impressions. Cest une pratique essentielle pour un leadership efficace, à mon avis. Parfois, je fais une mauvaise première impression, mais lorsque les gens me connaissent mieux, ils se rendent compte que je suis une bonne personne. Quen pensestu?

Roxanne : Oui, absolument. Je recommande aux leaders déviter le biais de confirmation, qui consiste à chercher des informations confirmant leurs attentes. Au lieu de ça, ils devraient activement rechercher des preuves qui pourraient invalider ces attentes. Par exemple, sils pensent que quelquun est paresseux, ils devraient chercher des occasions où cette personne travaille avec acharnement. Cest ainsi que lon peut réellement comprendre et encourager le potentiel de chacun.

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101 exercices pour développer votre leadership Droit d'auteur © 2024 par Céleste Grimard est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.