Le premier fondement
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Quels souvenirs de leadership vous ont le plus marqué ?
« Les souvenirs oubliés ne sont pas perdus. » – Sigmund Freud
Nos expériences antérieures exercent une grande influence sur la formation de nos attentes ainsi que sur l’interprétation et l’évaluation de nos expériences futures, que ce soit en tant que leader ou en réponse au leadership des autres. Nos souvenirs façonnent ce que nous cherchons et apprécions chez les leaders que nous rencontrons. En outre, du fait que les récits sont si vivants, ils laissent souvent des empreintes profondes en nous et nous enseignent subtilement comment exercer le leadership à travers nos propres expériences et celles des autres. Étant donné que nos leaders deviennent nos modèles, il est d’une importance cruciale qu’ils soient exemplaires.
Il est souvent plus facile de se souvenir d’un mauvais leader que d’un bon leader. Ce phénomène peut être attribué à la tendance naturelle de notre cerveau à se concentrer sur les aspects menaçants pour notre bien-être, dans une perspective de survie. Cependant, il est essentiel de reconnaître qu’il existe un effet de halo et de corne qui peut conduire à une perception exagérément positive ou négative. Il est donc important de comprendre que toutes les personnes, même celles que nous avons perçues comme très négatives, possèdent des forces. Ces qualités peuvent ne pas être aussi apparentes que leurs faiblesses et méritent d’être explorées.
Parfois, il est nécessaire de prendre du recul et de reconsidérer notre perception d’un mauvais leader afin de découvrir ses aspects positifs. En prenant le temps de voir au-delà des premières impressions, nous pouvons mieux comprendre la complexité de chaque individu et nuancer notre jugement.
Chaque individu a sa propre définition d’un bon leader.
L’évaluation que chacun fait d’un leader est personnelle et subjective. Ce qui peut sembler exemplaire à certains peut sembler déficient à d’autres. Identifier un leader comme bon ou mauvais révèle ce que nous aspirons à incarner en tant que leader. Les leaders négatifs peuvent laisser une empreinte durable dans nos vies, tout comme les leaders inspirants. Souvent, ces derniers deviennent des modèles à suivre ou à éviter. Ainsi, les expériences marquantes, qu’elles soient positives ou négatives, enrichissent notre compréhension du leadership et influencent notre propre développement en tant que leaders.
Il est essentiel de réfléchir aux expériences qui nous ont marqués négativement afin de mieux définir ce que nous ne voulons pas reproduire dans notre propre pratique du leadership. En comprenant ce qui nous déplaît et en en tirant des leçons, nous renforçons notre capacité à développer un leadership positif et éclairé.
Qu’est-ce qui conduit à l’échec ou à l’efficacité d’un leader ?
Voici quelques exemples de caractéristiques qui déterminent l’échec ou l’efficacité d’un leader, comme l’ont mentionné certains chercheurs, comme Barbara Kellerman ou encore William André Nadeau, consultant et gestionnaire.
Les qualités personnelles
Les leaders efficaces se distinguent par leurs qualités personnelles telles que l’intégrité, l’honnêteté et l’authenticité. Ce sont des individus qui tiennent parole et donnent l’exemple par leurs actions alignées sur leurs valeurs. Ils possèdent une bonne connaissance d’eux-mêmes et une force de caractère qui les rend volontaires, indépendants et responsables. Ils sont courageux dans leurs convictions tout en maintenant une maîtrise de soi exemplaire. Ces traits font d’eux des leaders solides, inspirant confiance et respect.
En revanche, les caractéristiques qui mènent à l’échec chez les leaders sont nombreuses. Ces leaders peuvent manipuler, mentir et intimider pour atteindre leurs objectifs. Le leader « corrompu » traite ses subordonnés comme des sujets, ignorant leurs droits, exigeant obéissance et utilisant leurs faiblesses et leurs peurs à son avantage. Il manque de courage moral, d’intégrité et montre souvent un ego surdimensionné, alimentant son arrogance et son manque de fiabilité. Malgré ces défauts apparents et un contrôle de soi médiocre, un tel leader peut parfois maintenir un soutien parmi ses partisans.
Les qualités interpersonnelles
Les qualités interpersonnelles jouent un rôle déterminant dans le succès ou l’échec des leaders. La distinction principale réside dans la manière dont ils exercent leur influence. Un leader réussi sait comment parler à l’intelligence des autres pour les amener à adopter un point de vue semblable au sien. Conscient que la persuasion est souvent plus efficace que l’imposition, il favorise un style de leadership participatif et collaboratif.
En revanche, un leader moins efficace néglige cette approche et adopte un style autoritaire, manipulant l’opinion de son entourage pour imposer ses idées. Il est enclin à critiquer abondamment les autres tout en se vantant de manière excessive. Cette tendance à voir les défauts chez les autres tout en ignorant les siens est illustrative de son attitude. Par conséquent, il se retrouve souvent isolé dans ses efforts de travail, que ce soit par choix ou par contrainte.
La communication
De même, la façon dont les leaders utilisent la communication en révèle beaucoup sur leur efficacité. Les leaders efficaces se distinguent par leur capacité à pratiquer une écoute active, à être ouverts et intéressés par les opinions des membres de leur équipe. Ils perçoivent l’information comme un flux bidirectionnel, où ils partagent tout en apprenant des autres. Pour eux, partager des connaissances et créer un environnement de transparence sont essentiels. De plus, les leaders efficaces cherchent à établir des alliances et des réseaux, favorisant la coopération et investissant du temps et de l’énergie pour entretenir ces relations.
En revanche, les leaders sont voués à l’échec lorsqu’ils adoptent une approche de communication réticente. Pour eux, la communication est principalement un outil de discipline, utilisé pour imposer des ordres sans écouter activement les commentaires ou les besoins des autres. Cette approche unidirectionnelle crée souvent des tensions et des conflits au sein de l’équipe. Entre ces extrêmes se trouve le leader insensible, dont la communication est principalement axée sur ses propres objectifs et besoins, ignorant les besoins et les désirs des autres. Cette attitude peut être perçue comme un manque de considération et compromet la relation de confiance au sein de l’équipe.
Le respect
Les deux types de leaders se distinguent significativement par leur attitude par rapport au respect. Pour un leader efficace, l’attention et le respect envers les autres constituent des fondements essentiels de son leadership. Il reconnaît que la considération sincère est cruciale et s’efforce de traiter les autres avec la même dignité qu’il souhaite recevoir. L’alignement entre ses paroles et ses actions est une priorité, renforçant ainsi la confiance au sein de son équipe.
En revanche, le leader qui échoue n’incarne pas ces valeurs. Il interagit de manière abrupte et égocentrique, ignorant souvent le bien-être et la santé de ses collaborateurs.
Lorsqu’il s’agit de prendre en charge une équipe, le vrai caractère d’un leader se révèle. Le leader efficace se montre ouvert et transparent avec ses collaborateurs. Il reconnaît leurs compétences, leur fait confiance et les encourage à prendre des responsabilités. Il investit dans leur développement personnel et professionnel, valorisant leur contribution et cherchant à enrichir les connaissances collectives de l’équipe.
En revanche, le leader qui échoue est souvent plus fermé et rigide. Il a du mal à déléguer, pensant qu’il est le seul compétent pour mener les projets à bien. Il manque de confiance envers ses collaborateurs et ne cherche pas à exploiter leur potentiel. Cette approche entrave la formation d’une équipe performante, car il ne sait pas reconnaître ni encourager le talent de ses membres.
Les réalisations
Finalement, une distinction clé réside dans les réalisations des leaders. Le leader efficace se distingue par sa flexibilité, sa créativité et sa capacité à relever les défis avec agilité. Il sait naviguer habilement dans les situations délicates sans blesser les ego.
En revanche, le leader inefficace évite les situations complexes. Par sa rigidité et son manque de souplesse, il peine à s’adapter aux changements et résiste aux nouvelles idées, même prometteuses. En résumé, là où l’action proactive et appropriée est l’outil privilégié du leader efficace, le leader inefficace se complaît dans l’immobilisme et manque cruellement d’initiative.
En conclusion
Un leader efficace démontre une gestion habile des situations et des personnes avec humilité et délicatesse. Il gagne le respect de ses pairs, et son autorité est perçue comme naturelle, les collaborateurs ne se sentant pas simplement dirigés, mais véritablement guidés. Ainsi, le leader efficace dirige d’une main de fer dans un gant de velours », incarnant ainsi une combinaison réussie d’autorité ferme et de compassion.
Votre défi
Pour tirer des leçons de vos expériences en leadership, nous vous encourageons à revisiter et approfondir deux anecdotes significatives de votre vécu. Chaque anecdote devrait décrire un événement particulier qui vous a profondément marqué, que ce soit de manière positive ou négative, et où une autre personne a manifesté, ou non, des qualités de leadership. Décrivez succinctement le contexte de ces souvenirs liés au leadership, puis détaillez les actions spécifiques mémorables entreprises par le leader dans ces situations. Voici un exemple rédigé par Roger pour vous guider dans cette démarche.
L’inhumanité de l’homme envers l’homme
L’inhumanité au sein des relations professionnelles est un sujet préoccupant que j’ai personnellement expérimenté lors de mon travail en tant qu’agent de service à la clientèle. Mon bureau était aménagé de manière à ce que les portes soient équipées de fenêtres, permettant ainsi à notre patron de surveiller de près notre travail. Certains collègues ont tenté de préserver un peu d’intimité en plaçant du carton sur les fenêtres, ce qui a déclenché la colère du patron.
Les privilèges au sein de l’équipe étaient manifestement distribués de manière inégale. Les employés favoris bénéficiaient d’avantages substantiels et d’horaires avantageux, tandis que d’autres, dont moi-même, se voyaient attribuer des horaires peu enviables et étaient souvent sous-équipés pour accomplir leurs tâches. Une autre source de tension était les fêtes clients auxquelles nous étions censés participer, et qui souvent impliquaient une consommation d’alcool importante. Pour des raisons éthiques, certains collègues, dont moi-même, ont choisi de ne pas y assister, ce qui leur a valu d’être perçus comme des éléments perturbateurs dans l’équipe, et, de ce fait, étaient souvent surchargés de travail.
Un incident particulièrement troublant a eu lieu un jour dans mon bureau, où mon patron est entré de manière agressive et a commencé à me critiquer violemment sans que je puisse vraiment comprendre ses accusations rapides et confuses. Il semblait avoir pris ombrage de ma performance, probablement parce que j’avais surpassé l’un de ses employés favoris. Ce moment a atteint son paroxysme lorsque mon patron a frappé mon épaule et a lancé une remarque menaçante sur la possibilité que quelqu’un empoisonne mon déjeuner. Avant que je puisse réagir ou demander des explications, il est parti en trombe de mon bureau. Mon assistant, qui était présent mais resté silencieux dans un coin, refusait de retourner dans la pièce tant que la porte n’était pas fermée à clé, témoin de la peur généralisée que mon patron inspirait. Cette expérience a été révélatrice des dynamiques de pouvoir toxiques et des comportements inappropriés qui peuvent exister dans les environnements de travail, mettant en lumière l’impact dévastateur que de tels comportements peuvent avoir sur le moral et le bien-être des employés.
Mon ancien patron nous qualifiait de « mauvais joueurs d’équipe », nous comparant à des employés jetables comme ceux des dépanneurs. Chaque fois qu’il me convoquait dans son bureau, c’était toujours sous un torrent de colère, transformant mes erreurs mineures en graves fautes à ses yeux. Parfois, lors de mes interactions avec les clients, je sentais son regard critique depuis le couloir, roulant des yeux et secouant la tête. La crainte constante des représailles a rendu mon travail insupportable. J’ai fini par éviter ses trajets habituels, même si cela signifiait prendre des chemins détournés pour rejoindre mon bureau.
Vivant dans le même quartier que lui, j’ai souvent eu la désagréable sensation qu’il me suivait en voiture pendant que je faisais mes courses le week-end, une expérience qui m’a glacé le sang. J’en suis venu à éteindre les lumières de ma maison le soir, de peur qu’il ne sache où j’habite. Et il me téléphonait parfois la nuit, rendant les appels non identifiés bien utiles.
Bien que j’aie quitté cette entreprise depuis, chaque fois que mon patron actuel, une personne très aimable, souhaite me voir dans son bureau, je ressens encore une vague de tremblements, craignant que mon travail soit à nouveau en jeu. Je commence à comprendre les origines de ces réactions irrationnelles et j’apprends à me détendre, à m’attendre au meilleur plutôt qu’au pire. Cette expérience m’a marqué en me faisant réaliser que la simple possession d’un poste d’autorité ne confère pas automatiquement une autorité morale pour diriger. L’autorité se mérite et ne se proclame pas. Les leaders ont une responsabilité morale de traiter leurs employés avec respect et dignité, une leçon que j’emporte avec moi dans toutes mes interactions professionnelles actuelles.
Réflexion
Écrivez vos réponses aux questions suivantes dans votre journal d’apprentissage.
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Quelles sont vos réactions à l’histoire de Roger ? Qu’auriez-vous fait différemment ?
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Avez-vous déjà été dans ce genre de situation ? Qu’avez-vous fait ?
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Quels mots utiliseriez-vous pour décrire les deux expériences que vous avez décrites ? Nommez-en quatre. Par exemple, Roger décrirait sa situation comme une vie dans une peur constante.
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Quelles actions (de la part du leader, de vous-même et des autres) auraient fait une différence dans cette situation ?
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Si vous deviez tirer cinq leçons de leadership basées sur ces expériences, quelles seraient-elles ?
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Dans quelle mesure votre vision des leaders formidables correspond-elle ou contraste-t-elle avec le leader de vos expériences ? Que font les leaders formidables ?
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À la lumière de cet exercice, que signifie pour vous le leadership ? Formulez une définition personnelle du leadership et évaluez cette définition à la lumière de vos expériences et de vos compétences en leadership.
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Pensez-vous que votre définition sera toujours identique à celle de ceux que vous dirigez ? Pourquoi ou pourquoi pas ? Sinon, comment pouvez-vous en savoir plus sur leurs définitions du leadership ?
Racontez vos anecdotes à votre équipe de rétroaction, échangez des interprétations sur les principaux thèmes et notez les réactions des membres.
Plan d’action
Dans votre journal d’apprentissage, notez les actions précises que vous allez entreprendre désormais pour (a) tirer profit de vos bonnes expériences de leadership et pour (b) apprendre de vos expériences plus mitigées. Inspirez-vous de ce que vous avez appris en réalisant cet exercice.