La grande finale
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Étude de cas : Comment un nouveau leader d’équipe devrait-il trouver sa place ?
(Version modifiée de l’étude de cas originale préparée par Dominique Sigouin et Céleste M. Brotheridge)
Cette étude de cas décrit l’expérience de Roger face au défi de devenir un nouveau leader d’équipe. En lisant le texte, posez-vous les deux questions suivantes.
- Quels sont les défis qui se présentent dans cette étude de cas ?
- Si vous étiez Roger, que feriez-vous ?
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1re partie : la situation à l’arrivée de Roger
Roger, un homme dans la trentaine, vient de commencer son nouvel emploi comme leader de département d’une quarantaine d’employés de bureau dans une entreprise parapublique. Le service est responsable de la perception des paiements des clients, d’effectuer le travail administratif lié à cette tâche ainsi que de vérifier et de suivre les comptes clients. Avant d’occuper ce poste, Roger était directeur dans une institution financière et il supervisait une soixantaine d’employés (pendant une période de trois ans). Il avait aussi été le responsable de 40 employés lorsqu’il était directeur opérationnel dans une autre entreprise privée. Il fait donc de la gestion de personnel depuis plusieurs années. Alors, il se sent assez à l’aise dans le rôle de leader. Roger détient les titres de comptable agréé et de planificateur financier. Il a suivi trois cours de gestion à l’université lorsqu’il faisait son baccalauréat et s’inscrit régulièrement à des cours offerts par l’entreprise sur la gestion de personnel. Il a donc un intérêt majeur pour la gestion des ressources humaines.
Malgré tout cela, la situation actuelle inquiète Roger, car c’est toujours un défi de commencer un nouvel emploi, surtout dans le rôle de leader. En plus, le département a un passé plutôt instable. Lors de l’arrivée de Roger, la première réaction des employés en fut une de soulagement : « Enfin, on a maintenant quelqu’un ! », ont-ils dit. Donc, Roger a senti un appui naturel de la part des employés, mais à différents degrés.
Sa première impression fut qu’un tiers des gens étaient très heureux, un tiers semblaient indifférents et l’autre tiers avaient un sentiment de crainte et de doute. Son patron lui avait mentionné durant son processus d’embauche que ce département en était un à problèmes et que les griefs étaient devenus une mode. Son mandat premier était de calmer le département, car il rencontrait vraiment trop de problèmes. Ensuite, son mandat serait de veiller au bon fonctionnement du département et de son équipe. Donc, Roger se demande ce qu’il devra faire pour commencer son nouveau poste du bon pied et rester sur la bonne voie.
Lorsque Roger est entré en fonction, cela faisait un an et demi que le département était privé d’un leader : l’ancien gestionnaire avait fait un burnout et il est parti en congé de maladie. Durant son arrêt de travail, il y a eu trois personnes qui ont occupé ce poste par intérim en attendant son retour au travail. Les remplaçants avaient assumé le leadership du département pendant quelques mois chacun (en rotation). Lorsque le leader a décidé qu’il ne reviendrait pas, l’entreprise a fait les démarches pour le remplacer de façon permanente.
Les employés ont en moyenne 45 ans, avec 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise (mais une moyenne d’ancienneté de 10 ans environ dans ce département). Dans le département s’étaient formés, au fil des mois, des groupes informels dont les leaders naturels assuraient un certain contrôle (malgré la présence de leaders intérimaires). Des méthodes de travail ont été créées dans le but de garantir le bon fonctionnement du département. Même si ce département répond assez bien aux tâches dont il a la responsabilité, ses méthodes ne permettent pas de maximiser le rendement, et ce, malgré la bonne volonté de tous et sa place stratégique dans l’organisation. Ainsi, n’ayant pas de directives précises, chaque employé pense que sa méthode de travail est la meilleure, et chacun répond aux questionnements des clients en fonction d’informations recueillies à gauche et à droite. Il y a donc beaucoup de discordance dans les méthodes de travail et dans les discours tenus aux clients. Ceux-ci sont souvent mécontents des services rendus, d’autant plus qu’ils payent pour ces services.
2e partie : les pistes d’action de Roger
« Commence par observer pendant six mois avant de faire quoi que ce soit », avait suggéré le patron de Roger. En général, Roger croit que les premiers mois de son arrivée se sont bien déroulés et qu’il a pris le temps d’observer, comme son patron le lui avait suggéré. C’est dès la deuxième journée que Roger s’est mis au travail en commençant par réunir tous les gens du département. Il a expliqué qui il était, d’où il venait, quelles étaient ses forces et ses faiblesses (innovateur, ayant une vision d’ensemble, mais aussi colérique et ayant beaucoup de difficulté à accepter la paresse des gens) ainsi que ses méthodes de travail. Ses méthodes sont assez simples : « J’implique les employés. »
Effectivement, Roger demande conseil aux personnes qui effectuent le travail. Ce sont ces personnes qui connaissent le mieux ce qu’elles ont à faire, ce qui va bien et ce qui pourrait être amélioré. Il observe aussi beaucoup avant de prendre une décision quelconque. Ses observations lui permettent de valider les informations qu’il reçoit. Ainsi, lorsqu’il a une preuve concrète, ceci lui permet d’aller de l’avant. Roger a également mentionné à ses nouveaux employés qu’il avait l’intention d’effectuer quelques changements et qu’il compterait sur la collaboration de tous. C’était alors plus facile pour lui d’atteindre ses objectifs avec des employés heureux qui savaient exactement quelles étaient leurs tâches et qui se respectaient mutuellement.
Durant le mois qui a suivi son embauche, Roger a rencontré toutes les personnes individuellement pour mieux connaître leur personnalité, leurs objectifs personnels, leurs besoins, leurs sources de motivation et aussi leurs sources de démotivation. Au début des entrevues, Roger sentait qu’il y avait un peu d’inquiétude lorsque les gens étaient convoqués à son bureau, mais quelques minutes plus tard, il n’avait pas besoin de forcer les gens à parler, car ils s’ouvraient très facilement à lui. Il les laissait s’exprimer et prenait bien soin de les écouter. Cela lui permettait entre autres d’infirmer ou de confirmer ses premières impressions des employés et ses perceptions quant aux méthodes de travail. De plus, il avait décidé d’impliquer les cinq ou six leaders naturels pour s’assurer qu’ils étaient positifs quant à son arrivée et aux éventuels changements structurels et fonctionnels qu’il comptait apporter.
Six mois après son arrivée, Roger mettait en place un comité sur la révision des méthodes de travail. Le but de ce comité n’était pas de répondre à des problèmes précis, mais seulement de confirmer si les méthodes en place étaient adéquates et efficientes, ou s’il y avait des possibilités d’amélioration. Ce comité comptait sept employés occupant différents postes au sein du département. Plus précisément, il avait choisi des gens ouverts aux changements, car, par leur créativité et leur ouverture d’esprit, ils étaient en mesure d’apporter de nouvelles idées. Il avait aussi choisi des gens réfractaires aux changements pour que ceux-ci, par leurs objections et leurs craintes, soient en mesure de faire ressortir les risques. De cette manière, tous les employés du département, ouverts ou non aux changements, pouvaient s’identifier à quelqu’un du comité. Le comité se rencontrait régulièrement pour essayer de déterminer les changements importants à implanter afin d’optimiser l’efficience du département.
Un des rôles principaux du département est d’offrir un service de soutien aux clients. Auparavant, si un client demandait de l’aide, c’était la première personne disponible qui assurait le service. On répondait à ses questions, le guidait, l’informait et le formait sur certains processus. Mais si le client devait téléphoner de nouveau pour d’autres informations, il se pouvait très bien que ce soit un autre agent qui prenne l’appel. Donc, le client n’avait pas d’agent personnel qui lui était assigné. Ceci pouvait souvent occasionner des malentendus. Le changement suggéré par le comité était d’assigner chacun des clients à un agent. Donc, au lieu d’avoir 30 000 clients servis par 15 agents de façon aléatoire, la nouvelle méthode proposait que chaque agent s’occupe personnellement de 2 000 clients. C’était une très bonne idée en soi, mais elle a créé une sorte de panique auprès de quelques agents.
Roger et le comité ont dû impliquer les ressources concernées en mettant l’accent sur l’écoute des craintes et des besoins de chacun et en maximisant la communication des objectifs. Cette résistance au changement a engendré la création d’un projet pilote ayant pour objectif de vérifier la faisabilité et la viabilité d’un tel projet. C’est donc au printemps 2016 que le projet pilote s’est installé avec une très petite partie du département, soit trois agents seulement. Trois ou quatre mois plus tard, le comité impliquait d’autres agents dans le projet graduellement. C’est en janvier 2017 que le projet pilote a pris fin, car tous les agents avaient leurs clients assignés, et tout fonctionnait comme prévu. C’est de cette façon que Roger et le comité ont réussi à implanter cette nouvelle façon de faire.
D’ailleurs, Roger a été agréablement surpris de constater que ce sont les personnes réfractaires au changement qui faisaient partie du comité qui ont eu une plus grande facilité à faire accepter le changement à leurs pairs. Bien sûr, durant ces quelques mois, il y avait un suivi permanent, mais c’est de cette manière qu’ils ont réussi à éliminer les peurs et les résistances de chacun. Tous ont ainsi adhéré à cette stratégie. Selon Roger, les résultats obtenus sont supérieurs à ses attentes, et il en est très fier. C’est un changement qui s’est effectué en douceur, et il n’a pas eu à revenir à la charge par la suite. Les agents fonctionnent très bien, et les clients sont aussi plus satisfaits d’obtenir un service personnalisé.
Dans tout ce processus de changement, Roger n’a pas eu à justifier ses décisions. Il admet qu’il est plutôt du genre autocratique lorsqu’il juge une situation peu importante. En plus, lorsqu’il pense à un changement qui pourrait être bénéfique pour le département, Roger commence par s’asseoir seul et réfléchir à la pertinence de ce changement. S’il pense que cela pourrait améliorer la situation, il convoque les quatre analystes (les employés d’expérience) pour avoir leurs opinions. Tout se fait graduellement. Il s’ajuste en fonction du rythme et du niveau de stabilité du groupe pour apporter tout changement. Une situation instable lui ferait maximiser ses communications et les rencontres individuelles avec ses employés. Il prendrait aussi plus de temps pour faire accepter le changement. Il doit donc être à l’écoute de ses employés pour réussir à unir l’équipe vers un but commun, soit l’amélioration de l’efficacité et de l’efficience du département grâce à des employés motivés et heureux d’en faire partie.
Questions de réflexions
Nous vous invitons à réfléchir aux questions suivantes.
- Quelles forces et faiblesses Roger a-t-il démontrées ?
- Quelles sont les pistes d’action centrales que Roger a prises ? Est-ce qu’elles étaient efficaces ? Pourquoi ?
- Quelles pistes d’action pensez-vous qu’il doit prendre maintenant ?
- Quelles sont les principales leçons que vous retenez de cette étude de cas ?