Le troisième fondement
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Pratiquez-vous l’autodiscipline ?
« Nous ne pouvons devenir ce que nous devons être en restant tels que nous sommes. » – Max De Pree
« La discipline équivaut à la liberté. » – Jocko Willink et Leif Babin
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Autoévaluation rapideSur une échelle de 1 à 10, à quel niveau évaluez-vous votre autodiscipline ? Veuillez expliquer votre réponse dans votre journal d’apprentissage. |
Dans quelle mesure êtes-vous capable de résister à vos envies et vos tentations ? C’est facile de se croire très discipliné, mais réfléchissons un instant… Imaginez que votre patron vous propose ceci : vous pouvez recevoir une prime de 1000 $ maintenant, ou une prime de 2000 $ dans une semaine à son retour de vacances. À quel point seriez-vous tenté de prendre les 1000 $ immédiatement ? Pensez-y bien…
Dans leur livre très populaire Extreme Ownership, Jocko Willink et Leif Babin offrent une perspective simple mais percutante pour évaluer l’autodiscipline : « Le test est simple : lorsque l’alarme sonne, vous levez-vous ou restez-vous confortablement au lit pour vous rendormir ? Si vous avez la discipline de vous lever, vous réussissez, vous passez le test. Si vous êtes mentalement faible et laissez cette faiblesse vous retenir au lit, vous échouez. Bien que cela puisse sembler anodin, cette décision reflète des choix plus significatifs dans la vie. En développant votre discipline dans de petits gestes quotidiens, vous influencerez également des aspects plus profonds de votre existence. »
Test de guimauves
Dans son ouvrage classique L’intelligence émotionnelle, Daniel Goleman relate une expérience menée par le chercheur Walter Mischel : « Imaginez que vous avez quatre ans et qu’on vous propose d’attendre que quelqu’un termine une tâche pour obtenir deux guimauves en récompense, ou bien de manger une guimauve tout de suite. Êtes-vous du genre à attendre ou à céder à l’impulsion ? Ce choix anodin préfigure des traits plus marqués de votre personnalité à l’âge adulte. Les études montrent que les enfants qui ont mangé leur guimauve immédiatement avaient moins de confiance en eux, étaient moins capables de gérer le stress et avaient plus de difficultés à atteindre leurs objectifs à long terme, comparés à ceux qui ont su attendre pour obtenir une meilleure récompense. »
Ce sont des différences significatives, n’est-ce pas ? Quelles caractéristiques distinguaient donc ces deux groupes d’enfants ? Selon Mischel et sa collègue Janet Metcalfe, ces différences semblent expliquées par l’utilisation de leur système « chaud » (émotionnel, réactif) ou de leur système « froid » (rationnel, réfléchi) pour se contrôler. Les enfants qui ont réussi à attendre ont souvent utilisé des stratégies cognitives « froides », comme imaginer que les guimauves étaient des nuages, tandis que ceux qui ont cédé ont plutôt réagi aux aspects émotionnels « chauds » des récompenses, en pensant à la douceur et au plaisir des guimauves.
Les chercheurs ont conclu que, indépendamment de la situation objective (c’est-à-dire la présence ou l’absence de tentation visible), les individus peuvent activer le traitement du système « chaud » ou « froid » en fonction de la manière dont ils interprètent et représentent mentalement les événements. Cela leur donne le pouvoir de créer les conditions mentales qui favorisent la résistance à la tentation et la capacité à surmonter l’adversité. De plus, Mischel a observé que la distraction de soi-même peut servir de stratégie alternative pour exercer le contrôle de soi. Par exemple, lorsque les enfants étaient encouragés à penser à autre chose, comme « maman les poussant sur une balançoire », ou lorsqu’ils étaient distraits par une activité, ils étaient capables de résister beaucoup plus longtemps que ceux qui étaient simplement concentrés sur les guimauves. En somme, Mischel a conclu que la maîtrise de soi efficace exige de la stratégie, en sachant quand adopter une approche « froide » ou « chaude » selon les caractéristiques spécifiques à chaque situation.
Éléments de l’autodiscipline
Ce phénomène, connu sous le nom de « gratification différée », joue un rôle central dans notre capacité à travailler vers nos objectifs. Pour les leaders, il revêt une importance capitale : il est essentiel de pouvoir se maîtriser dans le présent pour atteindre des résultats souhaités à long terme. Les leaders comprennent que chaque action influence leurs réussites futures et choisissent donc celles qui les rapprochent de leurs buts. C’est ainsi qu’ils maintiennent leur concentration sur leurs objectifs, surmontent les obstacles et restent résilients face aux difficultés. Bien que cela puisse sembler simple en théorie, cela ne l’est pas toujours en pratique. C’est pourquoi il est crucial de savoir avec précision ce que nous voulons vraiment et de garder cette source d’inspiration présente en permanence.
Voici quelques éléments clés de l’autodiscipline :
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Faire face aux situations difficiles en gérant de manière constructive votre dialogue interne et vos interactions externes, plutôt qu’en réagissant de manière impulsive.
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Retarder la gratification implique de résister aux désirs immédiats en échange de récompenses plus importantes à long terme. Cela signifie sacrifier une satisfaction courte et passagère pour atteindre des objectifs à plus longue échéance.
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Tolérer la frustration nécessite de persévérer face à des exigences contradictoires. Par exemple, réagir avec colère dans les embouteillages ou immédiatement à de mauvaises nouvelles dénote une faible tolérance à la frustration.
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Réfléchir avant de parler ou d’agir réduit le risque de dire ou faire quelque chose que vous pourriez regretter. Interrogez-vous sur la nécessité de vos commentaires ou sur la possibilité de les garder pour vous. Prendre une profonde inspiration, compter jusqu’à dix ou demander du temps pour réfléchir peut être utile.
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Mettre les choses en perspective consiste à reconnaître ce qui compte réellement à long terme. Il est essentiel de distinguer ce que vous pouvez contrôler de ce sur quoi vous n’avez aucun pouvoir.
La grille du pouvoir personnel
La grille du pouvoir personnel de Dennis Jaffe et Cynthia Scott offre un outil pratique pour parvenir à mettre les choses en perspective. Selon leurs recherches sur l’épuisement professionnel, cette grille évalue notre niveau de contrôle dans une situation donnée et guide notre réponse en conséquence. Visualiser cette grille peut être éclairant pour prendre des décisions éclairées.
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Peut être contrôlé |
Zone de risque |
Ne peut pas être contrôlé |
Passer à l’action |
Maîtrise de la situation |
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Effort incessant |
Ne pas agir |
Abandon |
Lâcher-prise |
Comme le souligne cette grille du pouvoir personnel :
- La prise d’action est pertinente uniquement lorsque vous avez un contrôle sur la situation, ce qui illustre un exemple de maîtrise de la situation.
- Vous vous épuisez inutilement lorsque vous tentez de prendre des mesures pour des éléments que vous ne pouvez pas contrôler, comme essayer de changer le comportement d’autrui. N’oubliez pas « qu’on ne peut pas aider quelqu’un qui ne veut pas s’aider » !
- L’abandon se produit lorsque vous n’agissez pas sur ce que vous pouvez contrôler. Cela peut se manifester lorsque vous laissez les autres prendre des décisions à votre place ou lorsque vous vous sentez impuissant, désespéré, ou que vous suivez simplement l’opinion populaire au lieu de prendre des risques.
- L’opposé de la maîtrise de la situation est le lâcher-prise. Il est approprié de ne rien faire lorsque vous n’avez pas le contrôle de la situation. Apprendre cette compétence est particulièrement difficile, mais essentiel. Comme l’a exprimé Denis Gaumond, professeur retraité de l’UQAM : « Plus je progresse dans la vie, plus j’accepte de laisser derrière moi les bagages qui ne m’appartiennent plus, qui m’alourdissent et ralentissent mon chemin, m’empêchent de marcher, de danser, de chanter et limitent ma liberté d’action. »
Vous avez probablement constaté que les quadrants « maîtrise de la situation » et « lâcher-prise » peuvent vous aider à mieux gérer votre temps. Choisissez donc judicieusement vos batailles et vous augmenterez vos chances de succès !
Vous vous demandez peut-être : « Et le domaine gris, cette zone de risque incertain que nous ne voyons pas clairement ? Comment devrions-nous gérer cela ? » Eh bien, la première étape consiste à évaluer combien de contrôle vous avez dans une situation donnée. Les individus avec un lieu de contrôle interne ont tendance à croire qu’ils contrôlent tout, tandis que ceux avec un lieu de contrôle externe peuvent penser que très peu de choses sont sous leur contrôle. Cependant, il s’agit rarement d’une situation « tout ou rien ». Pour déterminer votre « tranche » de contrôle, examinez les facteurs que vous pouvez influencer directement – là où vos actions peuvent réellement changer les choses – ainsi que ceux qui échappent à votre influence, comme les circonstances externes ou les comportements des autres que vous ne pouvez pas modifier directement. Cette évaluation vous aide à identifier les actions spécifiques que vous pouvez entreprendre pour améliorer la situation.
Avec de la pratique, savoir identifier quelle partie d’une situation vous pouvez contrôler peut devenir automatique. Il est essentiel de comprendre quand il est possible de contrôler une situation et quand ce n’est pas le cas, mais cette capacité doit devenir un réflexe naturel.
Les fervents du contrôle
Ah ! Que faire si vous êtes un maniaque du contrôle et que vous souhaitez tout contrôler, même lorsque vous n’en avez pas le pouvoir ? Les conseils suivants peuvent vous être utiles :
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Ne vous tracassez pas pour les petites choses. Identifiez et priorisez ce qui est réellement important, sans tomber dans l’excès de préoccupation. Changez de perspective : tout n’a pas la même importance. Pour mettre les choses en perspective, demandez-vous : « Est-ce que cet élément va changer ma vie ? » Si la réponse est non, apprenez à lâcher prise !
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Tout est une petite chose. La santé avant tout. Peu importe le nombre de choses importantes que vous souhaitez accomplir, si vous n’avez pas la santé, elles ne pourront être réalisées. Prenez soin de vous et apprenez à gérer le stress.
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« Si vous ne pouvez ni combattre ni fuir, laissez aller » (auteur inconnu). Lorsque la situation nécessite une action (par exemple, si elle a un impact majeur sur vous et sur d’autres personnes), agissez (sans forcément entrer en conflit !). Parfois, il est nécessaire de suivre le courant plutôt que de résister.
Que faire si ces règles n’ont pas apaisé le fervent du contrôle qui sommeille en vous ? Rappelez-vous que, dans toute situation, il existe une part que vous pouvez contrôler, même lorsque vous pensez n’avoir aucun pouvoir. Gardez à l’esprit que vos croyances sont limitées et osez explorer de nouvelles approches dans votre « zone de risque ». Voici un exemple : imaginez que vous êtes à l’aéroport et que vous venez d’apprendre que votre vol est retardé de deux heures à cause de la météo. Comment réagiriez-vous ? Voici quelques conseils : d’abord, ne laissez pas votre frustration se déverser sur les autres ; ni vous ni eux ne pouvez contrôler la météo. Lâchez prise et changez de perspective. Respirez profondément, appelez les personnes qui vous attendent, faites une promenade, parlez à d’autres passagers ou profitez-en pour lire ce livre que vous aviez envie de lire depuis belle lurette.
Stratégies pour la discipline personnelle
C’est bien de savoir quand vous pouvez contrôler la situation ou non, mais il faut que ceci devienne un réflexe. Voici deux principes qui peuvent vous aider à garder le cap en vous disciplinant. Le premier fait partie des sept habitudes des personnes hautement efficaces selon Stephen Covey : commencez avec la fin en tête. Avant de commencer un projet ou une journée, il faut avoir une idée claire de ce que vous désirez atteindre à court, moyen ou long terme. Stephen Covey insiste pour nous faire comprendre que chaque choix influencera la réalisation de nos buts. Donc, lorsque vous êtes tenté de vous amuser au lieu de travailler ou lorsque vous vous récompensez avant même d’avoir atteint l’objectif que vous vous étiez fixé, pensez que vos actions actuelles influenceront votre futur. Avoir une idée claire de ce que vous voulez permet également de faire des choix plus réfléchis, qui vous respectent et qui se marient bien avec vos priorités. Pensez à ce que l’accomplissement de ce but représentera et vous serez plus motivé à avancer dans cette direction sans bifurquer. La question à vous poser est : « Seriez-vous aussi fier si vous abandonniez ou changiez de projet en raison du choix que vous faites aujourd’hui ? » C’est un pensez-y-bien.
Le second principe consiste à vous entourer des bonnes personnes qui vous aideront à maintenir le cap. Si vous voulez atteindre un but précis ou encore vivre la vie que vous désirez, entourez-vous des bonnes personnes. Votre entourage est votre équipe de vie, alors il faut le choisir avec soin. De plus, en parlant de vos objectifs avec les autres (c’est-à-dire en vous engageant publiquement à les atteindre), il devient plus difficile d’y renoncer une fois que les gens en sont conscients. Par exemple, annoncer à vos amis que vous arrêtez de vérifier votre cellulaire toutes les quelques minutes peut vous responsabiliser davantage pour tenir cette promesse. Malheureusement, nous avons souvent plus de facilité à tenir nos promesses envers les autres qu’envers nous-mêmes. Est-ce également votre expérience ?
Votre défi en deux parties
Partie 1
Ce défi vous encourage à développer votre autodiscipline. Dans votre journal d’apprentissage, décrivez pour les trois prochains jours :
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vos priorités et vos objectifs les plus importants ;
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les trois principales sources de distraction et comment vous envisagez de réduire leur impact.
Partie 2
Pendant cette période de trois jours, concentrez-vous sur l’accomplissement de vos priorités et de vos objectifs.
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Évitez les distractions qui pourraient détourner votre attention de vos priorités et de vos objectifs. Par exemple, au lieu de vous plaindre auprès de vos collègues des « exigences excessives » de votre patron, prenez le temps de comprendre ses attentes et d’élaborer un plan pour y répondre.
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Fournissez un effort conscient pour retarder la gratification, tolérer la frustration, réfléchir avant de parler ou d’agir et mettre les choses en perspective.
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Restez dans les quadrants les plus bénéfiques de la grille du pouvoir personnel de Dennis Jaffe et Cynthia Scott : maîtriser la situation et lâcher prise. Par exemple, si vous vous retrouvez dans le quadrant des « efforts incessants », réfléchissez à ce que vous pourriez faire pour adopter une approche de « lâcher–prise ».
Gardez une trace de vos défis, vos réussites et vos réactions dans votre journal d’apprentissage.
Réflexion
Répondez aux questions suivantes dans votre journal d’apprentissage.
- L’exercice était-il facile ou difficile à faire ? Pourquoi ?
- Diriez-vous que vos efforts pour faire preuve d’autodiscipline ont été couronnés de succès ? Pourquoi ou pourquoi pas ?
- Quels défis spécifiques avez-vous rencontrés en essayant de maintenir votre autodiscipline et comment avez-vous essayé de les surmonter ?
- Que disent vos actions sur votre capacité à vous engager dans l’autodiscipline ? Quelles habitudes personnelles vous ont aidé à gérer les distractions et à rester concentré sur vos objectifs ?
- En quoi votre capacité à faire preuve d’autodiscipline a-t-elle influencé votre productivité et votre satisfaction personnelle pendant cette période ?
- Pourquoi l’exercice de l’autodiscipline est-il important pour les leaders ?
- Que pourrait faire un leader pour aider les membres de son équipe à développer leur autodiscipline ?
Plan d’action
Dans votre journal d’apprentissage, détaillez trois actions spécifiques que vous comptez entreprendre immédiatement pour renforcer votre autodiscipline.
Roger : Quand j’ai lu que c’est plus difficile de tenir les promesses faites à soi-même qu’aux autres, je me suis souvenu de quelque chose que j’avais entendu : que plus on tient ses promesses, plus on peut se faire confiance. Quoi qu’il en soit, lorsque je travaille sur un projet, je peux facilement me convaincre que j’ai besoin d’une pause et je finis par passer quelques heures à surfer sur Internet. Avant de m’en rendre compte, la journée est terminée, et je n’ai pas avancé mon projet.
Roxanne : Nous faisons tous des erreurs parfois ; il s’agit de ne pas abandonner nous-mêmes. Avant, j’étais plutôt fataliste. Je pensais que lorsque je trichais un peu sur mon régime, celui-ci était complètement ruiné, et je trichais encore plus. J’ai abandonné mon objectif si facilement. Mais maintenant, quand je me laisse distraire, je récupère en me rappelant mon objectif et en me disant que je peux prendre un nouveau départ. J’ai appris à me concentrer sur ce qui compte le plus pour moi et à ne pas me laisser décourager par des irritations ou des revers mineurs. Alors, Roger, quand tu as envie de perdre ton temps, souviens-toi que tu es le capitaine de ton navire. Tu peux diriger le gouvernail. Ne te laisse pas t’enliser dans des futilités ou des distractions.
Roger : Ah, alors je devrais attendre cette « deuxième guimauve » ! Il est difficile d’ignorer mes tentations « sur le moment » dans le seul but d’atteindre un objectif abstrait dans le futur. Mais je suppose que je dois me donner le temps de réfléchir et de mettre les choses en perspective. Parler avec un ami peut m’aider, à moins, bien sûr, que cette personne ne me persuade de mettre de côté mes objectifs.
Roxanne : Roger, appelle-moi quand tu as besoin de quelqu’un pour t’aider à maintenir le cap. Il est difficile de rester concentré sur ses objectifs sans le soutien des autres. S’il est vrai que la misère aime la compagnie, la gratification immédiate aussi. Si tu t’entoures de gens qui gaspillent leur vie avec des choses dénuées de sens, tu pourrais le faire toi-même. L’autodiscipline est contagieuse, tout comme ses contreparties : la paresse et l’auto–indulgence.
Roger : Merci, Roxanne. Je t’appellerai.