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Le cinquième fondement

Un cercle vert entoure sept personnes à l’air enjoué, une personne se trouve à l’extérieur du cercle. Deux personnes du cercle affichent un air dédaigneux, l’une fait un signe de rejet de la main et l’autre pointe le doigt vers la personne en dehors du cercle.

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Êtes-vous in ou êtes-vous out?

«Être ignoré provoque la même réaction chimique dans le cerveau qu’une blessure physique.»  Kipling Williams

«Il existe de nombreux types de décès, mais tous ne sont pas physiques. Il existe des meurtres aussi subtils qu’un œil détourné. Dante a été inspiré pour installer Satan dans la glace, la froide indifférence étant une forme de mal si courante.» – Anne Truitt

«Peu importe ce que nous accomplissons, si nous ne passons pas la grande majorité de notre temps avec des personnes que nous aimons et respectons, nous ne pouvons pas avoir une belle vie. Mais si nous passons la grande majorité de notre temps avec des gens que nous aimons et respectons – des gens avec qui nous aimons vraiment être dans le bus et qui ne nous décevront jamais – alors nous aurons presque certainement une belle vie, peu importe où va le bus. Les personnes que nous avons interrogées dans les entreprises de bonne à grande qualité ont manifestement aimé ce qu’elles faisaient, en grande partie parce qu’elles aimaient les personnes avec qui elles travaillaient.» Jim Collins

«Faites de chacun un héros. Se rappeler de reconnaître, récompenser et célébrer les réalisations est une compétence essentielle en leadership. Et c’est probablement l’outil de motivation le plus sous-utilisé dans les organisations. Il n’y a aucune limite au degré de reconnaissance que vous pouvez offrir, et c’est souvent gratuit.» – Rosabeth Moss Kanter

Il y a plusieurs années, Marvin Weisbord (spécialiste en développement organisationnel) a identifié trois questions centrales que les membres d’une équipe se posent.

1. Suis-je dans le in group ou dans le out group? Si vous êtes accepté et impliqué dans l’équipe, vous aurez tendance à vous y investir. Vous développerez un sentiment d’appartenance et vous vous sentirez responsable des résultats à atteindre par l’équipe. Lorsque vous sentez que vous avez votre place dans une équipe, vous déployez des efforts pour atteindre les objectifs communs, vous mettez vos compétences à la disposition de l’équipe et vous avez tendance à coopérer avec vos coéquipiers.

Si vous faites partie du out group, vous ne vous sentez pas admis ou bien intégré à l’équipe. Vous êtes plutôt enclin à vous isoler et à mener votre propre barque sans vous préoccuper des autres. La collaboration est moins fluide, et vous êtes plus méfiant.

Comparativement aux personnes du out group, celles du in group reçoivent plus d’attention, de ressources et de responsabilités de la part du leader. Ce dernier a aussi tendance à les inclure plus souvent dans les prises de décision. Il existe donc une prophétie autoréalisatrice pour les deux groupes : une positive pour le in group, et une négative pour le out group.

2. Combien de pouvoir et de contrôle ai-je? Si vous en avez, vous vous sentez plus important et attentif à vos possibilités. Vous avez l’impression d’avoir votre mot à dire et de pouvoir influencer les décisions de l’équipe. Vous êtes donc plus enclin à vous impliquer, sachant que votre leader et vos coéquipiers vous écoutent et sont ouverts à vos propositions, vos idées et vos initiatives.

En revanche, si vous avez très peu de pouvoir, vous vous sentez marginalisé et moins motivé à participer activement. Vous pouvez ressentir de la frustration et un manque de reconnaissance, ce qui diminue votre engagement et votre satisfaction au sein de l’équipe. En plus, vous vous sentez impuissant et perdez l’estime de soi. Cela est vrai, quels que soient votre intelligence, vos compétences ou le degré de réussite que vous avez atteint.

3. Puis-je utiliser mes compétences et être apprécié grâce à celles-ci? Si oui, vous vous sentez valorisé et bien dans votre équipe. Lorsque vos coéquipiers connaissent vos forces et vous considèrent comme une référence dans un domaine, vous sentez que vous avez votre place et votre raison d’être dans l’équipe.

Si vous ne pouvez pas utiliser vos compétences et être apprécié grâce à celles-ci, vous risquez de vous sentir sous-estimé et frustré. Cela peut entraîner une baisse de motivation et d’engagement ainsi qu’un sentiment d’inutilité au sein de l’équipe. Vous pourriez également ressentir un manque de reconnaissance et de satisfaction, ce qui peut affecter votre performance et votre bien-être général.

Si ces questions vous ont semblé intéressantes, c’est que vous en avez déjà saisi toute l’importance. Est-ce que cela vous dit quelque chose?

Les personnes acceptées et impliquées dans l’équipe ont tendance à s’y investir. Ces membres du in group développent un sentiment d’appartenance et se sentent responsables des résultats de leur équipe. Lorsque les gens sentent qu’ils ont leur place dans une équipe, ils s’efforcent d’atteindre les objectifs communs. Ils mettent leurs compétences au service de l’équipe et coopèrent avec leurs coéquipiers. En revanche, les personnes qui font partie du out group ne se sentent pas acceptées ou intégrées dans l’équipe. Elles sont plus enclines à s’isoler et à agir indépendamment des autres. Elles collaborent moins parce qu’elles ont le sentiment que ce qu’elles ont à offrir n’est pas valorisé.

Selon les psychologues Roy Baumeister et Mark Leary, le besoin d’appartenance est fondamental à l’existence humaine. Leurs recherches ont révélé qu’un sentiment d’appartenance prédisait la santé physique, la santé émotionnelle, la santé spirituelle, le bonheur, le succès et même la longévité. Ainsi, lorsque des personnes sont exclues de leur équipe de travail, elles se voient refuser ce qui est essentiel à la vie. En effet, exclure quelqu’un, même si ce n’est pas intentionnel, peut constituer une forme de violence psychologique.

Les questions de Marvin Weisbord s’alignent bien avec la théorie de l’échange leader-membre (LMX) de George Graen et ses collègues. Cette approche met l’accent sur la relation entre les leaders et leurs employés. La théorie souligne qu’un leadership efficace implique de cultiver des relations positives et de haute qualité avec le plus grand nombre possible de membres de l’équipe. Cela dit, elle suggère que les leaders forment des relations uniques et individuelles avec chaque membre de l’équipe, entraînant différents niveaux de confiance, de respect et d’obligation. Les relations LMX de haute qualité se caractérisent par une confiance, un respect et un soutien mutuels, ce qui conduit à une plus grande satisfaction au travail, une meilleure performance et un engagement accru des membres de l’équipe. À l’inverse, les relations LMX de faible qualité sont plus transactionnelles et limitées aux exigences formelles du poste, ce qui entraîne souvent une moindre satisfaction au travail et un engagement réduit. Tandis que les membres du premier groupe font partie du in group, ceux du second sont catégorisés comme out group.

De plus, une prophétie autoréalisatrice pourrait se réaliser. Parce qu’un leader considère les membres du in group comme étant plus impliqués, ils peuvent recevoir plus d’attention, de soutien, de ressources et de responsabilités. Leur performance et leur niveau de confiance augmentent ainsi, ce qui confirme les attentes du leader.

L’inverse tend à être vrai pour les membres du out group. Le leader peut avoir de faibles attentes à leur égard, leur offrir moins de soutien, un travail moins stimulant et moins de ressources. En conséquence, ces employés peuvent se sentir moins motivés et moins confiants dans leur capacité à accomplir leur travail. Cela affecte négativement leur niveau de performance, ce qui confirme alors les faibles attentes du leader.

En tant que leader, vous devez vous demander si votre équipe n’est qu’un ensemble d’individus qui effectuent leur travail, mais qui n’interagissent jamais vraiment en tant que groupe. Si tel est le cas, gardez à l’esprit que le sentiment d’esprit d’équipe ou de communauté doit être délibérément cultivé. Cela ne se produit pas tout seul. Voici quelques idées pour contribuer à l’esprit d’équipe, en tant que leader ou membre d’une équipe.

  • Essayez d’inclure tout le monde dans votre in group. Fournissez un effort particulier pour inclure tous les membres de l’équipe dans ce qui se passe. N’ostracisez pas et n’excluez pas les autres et ne restez pas simplement les bras croisés lorsque les autres le font. Découragez activement la formation de sous-groupes et de cliques. Les gens peuvent exprimer leur préférence pour socialiser avec certaines personnes pendant leur temps libre, mais ils doivent reconnaître que le maintien de ces relations préférentielles sur le lieu de travail mine le travail d’équipe. Si vous êtes le leader, donnez à tous les membres le même accès à vous, aux commentaires, aux ressources et aux occasions de développement. Également, répartissez les affectations de travail de manière équitable et qui permette la mixité des employés.
  • Essayez d’aider les membres à réussir. Célébrez les réussites! Donnez le mérite là où il est dû; mettez les membres sous les projecteurs plutôt que vous-même. Cela nourrira les relations et motivera les autres membres à vous soutenir à l’avenir.
  • Aidez les membres de votre équipe à reconnaître leur propre importance. Fournissez aux membres suffisamment d’informations, de compétences, de responsabilités et d’autorité pour qu’ils puissent devenir des travailleurs autonomes.
  • Ne blessez, rabaissez ou punissez jamais les membres de votre équipe. Faites preuve de patience et de politesse envers les membres qui ne s’expriment peut-être pas de la même manière que vous. Blesser les gens ne leur apprend pas une meilleure façon de faire; cela réduit leur confiance et augmente leur perception d’eux-mêmes comme des échecs. Voici quelques comportements qui pourraient blesser ou rabaisser les autres :
      • Parler dans leur dos ;
      • Les ridiculiser ;
      • Discuter de leurs insuffisances avec les autres ;
      • Ne prêter aucune attention à eux ou à leurs suggestions ;
      • Les réprimander devant les autres ;
      • Les punir avec des tâches humiliantes ;
      • Les encourager à essayer, puis les frapper lorsqu’ils échouent.
  • Soyez sincèrement intéressé par les personnes qui travaillent avec vous. Essayez de connaître les membres de votre équipe et laissez-les vous connaître. Faites part de vos points de vue et encouragez les activités d’équipe (au travail et en dehors).
  • Donnez à chacun une voix dans la prise de décisions. N’insistez pas pour tout faire à votre manière. Donnez aux gens des choix, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre des décisions. Que tout le monde ait son mot à dire.

Votre défi

Nous vous invitons à penser à votre équipe actuelle (au travail, à la maison ou à l’école) et à répondre, dans votre journal d’apprentissage, aux trois questions posées précédemment. Maintenant, pensez à votre future «équipe de rêve» : que ferez-vous pour que tous les membres se sentent inclus, impliqués, influents dans le processus décisionnel et appréciés pour leurs compétences et leurs contributions?

Réflexion

Répondez aux questions suivantes dans votre journal d’apprentissage.

  1. Quelles conclusions avez-vous tirées de la réussite du défi?
  2. Sur une échelle de 1 à 10, quelle est l’importance pour vous d’être inclus au travail? Quels sont les avantages pour vous?
  3. Qu’avez-vous retenu de vos réponses à ces questions?
  4. Plus généralement, sur une échelle de 1 à 10, quels efforts faites-vous pour que chacun se sente inclus dans votre équipe (quelle que soit l’équipe)? Justifiez votre note. Si votre note est inférieure à 8, pourquoi est-ce le cas?
  5. Dans une équipe optimale, tous les membres font partie du in group. Comment un leader peut-il aider les membres de l’équipe à passer de l’extérieur au groupe?
  6. Que pouvez-vous faire si vous faites partie du out group?

Plan d’action

Dans votre journal d’apprentissage, décrivez trois actions spécifiques que vous entreprendrez dès maintenant pour (a) intégrer les personnes qui semblent être dans leout group, pour (b) essayer de faire partie du in group et pour (c) encourager les autres à faire de même.

Deux personnages en discussion, l’homme à gauche est Roger, la femme à droite est Roxane.Roger : Wow, les trois questions de Marvin Weisbord m’ont touché. Beaucoup. Je ne pouvais pas tout à fait expliquer pourquoi je n’avais pas envie de me lever le matin et d’aller travailler à mon premier emploi, mais ces questions ont vraiment mis le doigt sur le problème.

Roxanne : Oh, c’est dommage! C’était un climat psychologique pourri, n’est-ce pas?

Roger : Bien, pour moi, en tout cas. Le boss avait ses collaborateurs préférés (ses chouchous) et, pour eux, tout allait super bien. Ils ne faisaient pas attention et ne voyaient pas que plusieurs d’entre nous étaient ignorés, découragés et diminués. J’ai appris à ne rien dire, à «laisser faire», à effectuer mon travail et à me fondre dans le décor. Franchement, c’était plus facile qu’essayer de me battre pour ma juste part de récompenses et de reconnaissance (financière ou même des petits mots de félicitations). Ça m’a pris plusieurs années avant de trouver le courage de démissionner et d’obtenir un emploi moins payant, mais dans lequel j’étais apprécié.

Roxanne : Bon, ouf. Ça n’a pas dû être facile pour toi. Je suis contente de voir que ça finit bien au moins.

Roger : Pour moi, ça s’est bien terminé, oui. Mais j’ai toujours des collègues qui ont décidé de rester à cause de leur salaire, de leur peur de ne pas trouver un autre emploi et de leur inertie. Ils s’en fichent de ce qui se passe au travail : l’injustice, le traitement préférentiel pour les amis du patron, les cliques. Ils font leur boulot (assez bien, pour ne pas attirer l’attention) et ils investissent leur énergie ailleurs.

Roxanne : C’est triste, mais malheureusement, je pense que c’est plus courant que nous pouvons l’imaginer. Je me demande combien de personnes répondraient négativement aux trois questions de Marvin Weisbord. Si on se demande pourquoi les employés ne sont pas motivés, on devrait envisager ces facteurs. On parle beaucoup de la notion de passion au travail, mais qu’en est-il du traitement humain? À tout le moins, les leaders devraient aider leurs équipiers à se sentir inclus, valorisés et influents.

Roger : Les coéquipiers aussi peuvent agir. Ça n’en prend pas beaucoup… L’autre jour, j’ai eu une belle conversation avec un collègue pendant notre marche vers le métro. J’avais remarqué qu’il ne s’intégrait pas dans notre équipe de travail et qu’il semblait sur la défensive. Lorsque je lui en ai parlé, il m’a dit qu’il sentait que ses compétences n’étaient pas reconnues par les membres de l’équipe et que ça lui enlevait sa confiance. Il croyait qu’il ne pouvait pas apporter une contribution à l’équipe, alors il s’est effacé peu à peu.

Roxanne : Que lui as-tu dit?

Roger : Je lui ai exposé un problème et je lui ai demandé son avis. Il m’a raconté son point de vue, et nous avons pu trouver une solution ensemble! Je lui ai dit que ses compétences et ses connaissances nous seraient très utiles. Le lendemain, je lui ai proposé de présenter son idée aux autres membres de l’équipe et je lui ai dit que je lui apporterais mon appui pendant la présentation. Il était réticent, mais il a accepté. Ce fut un succès, et les membres de l’équipe ont commencé à le percevoir différemment. C’est une belle transition du out group vers le in group, n’est-ce pas? Je suis certain que ceci améliorera la dynamique de notre équipe de travail!

Roxanne : C’est une très bonne action, Roger! En plus de contribuer à rendre son travail plus épanouissant, ton équipe s’en portera mieux! C’est super!

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101 exercices pour développer votre leadership Droit d'auteur © 2024 par Céleste Grimard est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.